Les entreprises ne sont pas désarmées face à la perte du permis de conduire d’un de leurs salariés

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Par Guillaume Verdier Publié le 12 septembre 2013 à 3h48

Si autrefois, la Cour de cassation considérait que le retrait du permis de conduire d'un salarié, pour des faits commis en dehors de son travail, se rattachait à sa vie professionnelle, tel n'est plus le cas depuis son revirement de jurisprudence du 3 mai 2011 (Cass. Soc., 3 mai 2011, n°09-67.464), réaffirmé le 10 juillet dernier. Désormais, l'employeur ne peut plus sanctionner son salarié pour de tels faits, car l'infraction commise dans le cadre de la vie privée n'est plus considérée comme constitutive d'un manquement au contrat de travail. Toutefois, aussi contraignant qu'il soit, ce nouveau principe ne prive pas l'employeur de solutions pour faire face à ses conséquences, parfois lourdement préjudiciables pour lui.

Un retrait de permis constitue très souvent un trouble particulièrement dommageable pour l'entreprise. Un chauffeur routier ou un coursier livreur qui a perdu son permis de conduire n'est plus en mesure de fournir le travail pour lequel il a été engagé. L'absence de rattachement à la vie professionnelle, réaffirmée par la Cour de Cassation, prive-t-elle pour autant l'entreprise de toute possibilité de mesure ?

Un trouble objectif pour l'entreprise

Les faits commis par un salarié dans le cadre de sa vie privée peuvent en effet constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu'ils provoquent un trouble objectif caractérisé dans l'entreprise. Ainsi, dès lors que le salarié se trouve dans l'impossibilité d'exécuter le travail pour lequel il a été engagé, la rupture de son contrat de travail peut être envisagée légalement. Néanmoins, la jurisprudence encadre strictement les licenciements motivés par la désorganisation de l'entreprise en raison de l'absence du salarié. Les Juges du fond s'intéressent tout particulièrement à la loyauté de l'employeur dans la mise en œuvre d'une procédure de licenciement, au degré de désorganisation de l'entreprise, aux diverses contraintes s'exerçant sur elle et à la possibilité ou non de maintenir la relation contractuelle au moyen de toute forme provisoire d'organisation du travail.

Les conséquences du retrait de permis de conduire d'un salarié engagé en qualité de chauffeur routier ne sont par exemple pas les mêmes que celles de la suspension pour trois mois du permis d'un commercial même itinérant, l'employeur pouvant organiser dans certains cas les tournées commerciales différemment le temps de la suspension (déplacements en train, co-voiturage avec un collègue...).

Un manquement du salarié à une obligation du contrat de travail

Dans ses arrêts des 3 mai 2011 et 10 juillet 2013, la Cour de cassation laisse la porte ouverte à une autre solution, en rappelant qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut en principe justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Les Juges précisent que le fait pour un salarié de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entrainant la suspension ou le retrait de son permis de conduire, ne saurait être regardée comme une méconnaissance de ses obligations découlant de son contrat de travail.

Ces arrêts laissent donc entièrement ouverte la question de savoir si une solution identique aurait été rendue, s'il avait été inséré dans le contrat de travail une clause faisant de la détention du permis de conduire une condition essentielle de son exécution. Or, une telle clause parait à la fois licite et légitime d'une part, et d'autre part conforme à l'attendu de principe posé par la Cour de cassation dans son arrêt du 3 mai 2011 et repris dans celui du 10 juillet 2013.

Afin d'éviter que des salariés cachent à leur employeur une suspension ou un retrait de leur permis de conduire, il semble également judicieux de prévoir au contrat de travail l'obligation pour le salarié d'aviser son employeur d'une telle circonstance.

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Avocat associé au sein du Cabinet TNDA (Tuffal Nerson - Douarre & Associes), Guillaume VERDIER intervient auprès des entreprises en conseil et en contentieux, en droit du travail et de la sécurité sociale.

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