Dix-neuf mois après son élection, François Hollande reconnait publiquement que les entreprises sont la clé du renouveau économique du pays. Evidemment, je me réjouis de cette prise de conscience, quoi qu'extrêmement tardive. Au coeur de la nouvelle politique économique de la France : le «pacte de responsabilité».
Ce dispositif part du principe que le développement des entreprises est bridé par un coût du travail excessif et prévoit ainsi 35 milliards d'euros de réductions de charges sociales. C'est un effort considérable. A titre de comparaison, cette somme correspond à la moitié de l'impôt sur le revenu collecté chaque année ! C'est davantage que le budget total du Ministère de la Défense !
Il y a pourtant un paradoxe : 35 milliards, c'est en effet un montant colossal pour le budget de l'Etat, mais c'est malheureusement aussi un montant très insuffisant pour redynamiser un tissu économique qui a été durement malmené par la crise. Pour la plupart des entreprises, cet allègement de charges ne représentera pas plus que 2 % du chiffre d'affaires. Certes, le geste est appréciable. Certes, un tel allègement est bienvenu. Certes, cela contribuera sans doute à doper l'économie. Mais force est de reconnaitre que le «pacte de responsabilité» à lui seul ne fera jamais de la France un paradis pour entreprendre...
Il serait pourtant possible de changer radicalement la donne et d'envoyer un signal puissant aux entreprises, sans le moindre impact sur nos finances publiques ! Oui, vous avez bien lu : sans creuser le déficit budgétaire ni endetter les générations futures ! Quels sont donc les leviers sur lesquels nous pourrions agir ?
Le premier levier tient en un mot : "délégiférer". Savez-vous que le Code Général des Impôts fait 3450 pages ? Savez-vous que le Code du Travail pèse un kilo et demi et s'alourdit de l'équivalent d'une page tous les trois jours ? "Nul n'est sensé ignorer la loi", dit-on. Imaginez-donc l'énergie que doit déployer une entreprise pour s'adapter à un cadre fiscal et réglementaire en perpétuelle évolution ! Montesquieu écrivait dans De l'esprit des Lois que «les lois inutiles affaiblissent les nécessaires ». Notre littérature juridique est devenue obèse. Nous devons aujourd'hui avoir le courage de clarifier ces textes, et même, pour certains, les repenser en profondeur. En particulier, le temps est venu de réécrire un nouveau code du travail et un nouveau code général des impôts, ces deux pavés qui brident l'esprit d'entreprise tant ils sont indigestes. Oui, réécrire. Car toute modification à la marge les rend à chaque fois plus illisibles et incompréhensibles. Et pour pouvoir entreprendre, innover, accepter de prendre des risques, il nous faut des règles du jeu claires et limpides.
Le second levier nécessite du courage politique. Contrairement à ce que pensent beaucoup de politiciens de carrière, l'enjeu est en réalité moins d'alléger les coûts du travail que de flexibiliser le marché du travail. Il est en effet essentiel qu'une entreprise puisse se séparer d'un salarié aussi facilement qu'un salarié peut se séparer de son employeur. A cet égard, il est temps de rompre avec le mythe du patron voyou dont la seule obsession serait de vouloir licencier son personnel ! Les patrons n'aspirent qu'à une chose : faire croitre leur entreprise, et donc recruter ! Croyez-moi : il n'est jamais, mais vraiment jamais, agréable pour un chef d'entreprise de se séparer d'un collaborateur ! Une telle rigidité, soi-disant protectrice pour le salarié, en réalité un jeu perdant-perdant-perdant : perdant pour le patron, qui ne recrute pas une compétence qui aurait pu accélérer le développement de son projet; perdant pour une femme ou un homme qui restera sans emploi au lieu de travailler ; et perdant pour l'Etat, qui aura à rémunérer un chômeur de plus et à assumer une croissance plus faible...
Déligéférer, flexibiliser : ces deux points sont essentiels. Mais il y en a bien d'autres. De nombreuses dispositions pourraient stimuler considérablement le développement des entreprises : supprimer les effets de seuil, qui cantonnent nombre d'entreprises à un effectif de 9, 49 ou 249 salariés ; inventer un mécanisme de stock options simple et flexible pour encourager l'esprit d'entreprise au sein des salariés ; permettre le travail à temps partiel pour une durée hebdomadaire inférieure à 24 heures...
Le «Pacte de responsabilité» de François Hollande n'aborde aucun de ces points. Pire encore, il est la manifestation d'une gestion cyniquement comptable de la politique. Il démontre que ceux qui nous gouvernent ne sont que des boutiquiers sans hauteur de vue, des boutiquiers pour lesquels la politique économique de la France ne consiste qu'à étaler des milliards, sans vision ni grandeur.
La meilleure manière pour une nation d'aider ses entreprises, ce n'est pas de les subventionner. C'est d'abord de les comprendre et de les aimer. Le jour où la France sera animée par un tel enthousiasme, une telle confiance et un tel amour pour ses entreprises, alors ce jour là, croyez-moi, la France pourra renouer avec son destin.