Le « Made by France » : une stratégie africaine pour nos entreprises nationales ?

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Par François de Senneville Publié le 16 février 2014 à 7h30

Notre économie nationale est aujourd’hui particulièrement concurrencée par les économies émergentes africaines et d’une façon plus générale, celles du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine (à savoir les « BRIC »).

Nos entreprises y trouvent généralement des conditions plus favorables qu’en France pour produire mais également de nouveaux marchés pour écouler leurs produits. Le décollage de ces nouvelles économies favorise, en effet, le développement d’une classe moyenne dont le pouvoir d’achat se développe avec son corolaire, la consommation.

Dans ce contexte, un nombre croissant de nos entreprises nationales qui ont à faire face à une croissance quasi atone en France se tourne vers le continent africain pour y retrouver les conditions qui leur permettront de continuer à se développer.

Ils ont entendu les encouragements et incitations de François Hollande depuis son premier sommet Afrique - France du mois de décembre dernier et ils se posent donc la question de la stratégie à mettre en œuvre pour prendre pied sur ce continent.

Comment structurer le développement de leurs activités en Afrique ? Dans quels Etats ? Est-il possible d’appliquer un même modèle du nord au sud et de l’est à l’Ouest ? Quel niveau de substance pour chaque implantation ? L’utilité ou non d’un quartier général, au moins par sous-régions ?

Le contexte africain est particulier et les entrepreneurs qui n’en ont encore aucune expérience ressentent, encore plus qu’ailleurs, la nécessité d’un accompagnement adéquat pour répondre à ces questions, appréhender et gérer les risques inhérents.

Sur ce dernier point, il est une erreur généralement bien répandue de considérer qu’un investissement en Afrique est nécessairement plus risqué qu’un investissement sur un autre continent. Nombre d’études ont démontré que cette affirmation n’était pas nécessairement vraie à condition que le déploiement africain soit évidemment correctement encadré.

Dans ce contexte, les plus hardis de nos entrepreneurs se posent la question inverse de savoir si l’on peut encore produire en France en 2014 ? Oui bien sûr mais, pas n’importe quoi et pas n’importe comment ! Le monde et son économie sont en mutation accélérée et forcent nos acteurs économiques nationaux à se poser cette question sous peine de disparaître.


L’économie française dispose d’atouts encore majeurs pour conserver en France au moins une partie de sa production nationale à forte valeur ajoutée mais d’autres raisons poussent les entreprises françaises à localiser hors de France les autres productions traditionnelles françaises, au moins celles dites à faible valeur ajoutée.

Cette évolution aboutit à une offre de produits de plus en plus hybrides sur le marché français, dont les différents composants sont fabriqués en France pour quelques-uns et à l’étranger pour d’autres.

La garantie d’une « production française » ne dépend pas de la nationalité de l’entreprise qui la commercialise ni même de la localisation en France de ses usines. De plus, le « made in France » n’a pas de définition précise mais les douanes françaises exigent la preuve que 45 % de la valeur ajoutée d’un produit ait été créé sur le territoire national avant d'octroyer le label. La part et la valeur de ses composants importés en devient donc l’élément déterminant.

Dans ce contexte, nos entrepreneurs nationaux pourront estampiller « produit fabriqué en France » des vêtements assemblés chez nous avec un tissu importé d’Afrique. Ils seront reconnus comme des produits français si la part de la valeur ajoutée de la main d’œuvre française l’emporte dans la composition de son prix de vente.

Pour une voiture, on peut donc imaginer un modèle proposé par une marque dite « française » dont les composants seraient majoritairement fabriqués hors de France et qui serait assemblés, par exemple, au Maroc. Celle-ci continuerait à être perçue comme française par les consommateurs alors qu’elle ne remplirait pas les conditions pour être reconnue comme telle par les autorités nationales.

Il est vrai que le marché automobile est l’un des secteurs où le processus de production est le plus mondialisé et deux voitures identiques ne proviennent pas forcément de la même chaîne de montage. L’une pourrait donc remplir les conditions pour être reconnue comme une voiture « française » et pas l’autre !

Les cartes sont ainsi rebattues et nos industriels pourront donc faire des choix gagnants qui leur permettront d’internationaliser leurs entreprises tout en conservant les atouts d’une production française, en la revendiquant. La mutation du « made in France » vers le « made by France » devrait donc être la solution pour nombre de nos entreprises nationales ; En effet, dans un marché global, il est évidemment vital que la stratégie de nos entrepreneurs tienne compte de celle de leurs concurrents pour que leurs produits restent concurrentiels. Toutes tentatives de trop protectionnistes, malgré les tentations et l’air du temps, seraient donc inévitablement vouées à l’échec.

Plutôt que d’hésiter devant l’implantation de nos entreprises à Abidjan, Kigali ou Port-Louis, il convient donc de les y encourager. C’est la prospérité que nos entrepreneurs iront chercher en Afrique qui permettra de conserver, voire de développer des emplois en France. Areva, Veolia ou Orange sont là pour en témoigner si besoin. Ces emplois ne seront pas nécessairement les mêmes qu’aujourd’hui, d’où la nécessité de renforcer les efforts de formation tant des pouvoirs publics que des entreprises pour accompagner cette mutation.

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François de Senneville, avocat associé, dirige le Desk Afrique du cabinet LAZAREFF LE BARS. Il est également cofondateur de KILELE AFRICA, 1er CEO Forum pour un développement durable et optimisé des affaires en Afrique.

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