Les entreprises françaises sont coincées avec une inflation faible et des salaires en large part indexés, ce qui contraint leurs marges, donc leurs investissements, donc leurs embauches. Et elles réagissent de plus en plus vite en ajustant l’emploi.
Reprenons dans l’ordre. D’abord l’inflation est faible. Elle s’établit à 0,3 % en décembre 2013 et à 0,7 % sur un an. L’inflation hors tabac augmente, seulement, de 0,6 % pour les ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé et de 0,6 % aussi pour les 20 % des revenus les plus faibles du pays.
Ensuite les salaires sont en faible progression, en liaison avec les augmentations du SMIC qui suivent de plus en plus strictement les évolutions des prix (plus précisément l’indice des 20 % des revenus les plus faibles du pays mentionné plus haut) plus la moitié du gain de pouvoir d'achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés, avec possibilité pour le gouvernement de décider d'une revalorisation supplémentaire. Le SMIC horaire s’établit ainsi à 9,53 euros brut et à 1445,38 euros brut pour 151,67 heures de travail. L’effet du salaire horaire est très faible et le gouvernement ne décide plus d’augmentation supplémentaire. Il suit en cela les propositions d’un collège d’experts, même si sa composition a été entièrement revue avec le nouveau Président.
On peut alors dire qu’un tiers de la masse salariale est directement indexée aux prix, puisque le SMIC lui-même concerne 12 % des salariés à temps plein et 29 % des salariés à temps partiel, essentiellement dans les services, et surtout que « l’effet SMIC » va jusqu’à 1,6 SMIC. Il s’agit là de salaires correspondant à des qualifications moyennes ou faibles. Dans ce cas, la hausse des prix devient hausse des salaires et cette hausse des salaires devient hausse des prix des prestations, la productivité ne pouvant augmenter. Mais cette hausse se heurte directement aux capacités des consommateurs, sauf à devenir du travail noir. Donc, pour un tiers de la masse salariale, et plus du tiers du nombre des salariés, les moins qualifiés, la hausse des salaires ne peut que suivre la hausse des prix, sauf à détruire l’emploi immédiatement. Regardons la restauration ou les services à la personne.
Mais ce ne sont pas là des salariés exposés à la concurrence internationale, qui gagnent évidemment plus. Eux se trouvent face à une concurrence par les prix qui se durcit pour les produits de moyenne gamme (à partir des pays du sud désormais), sans compter les dépréciations monétaires qui vont faire sentir leurs effets: baisse des changes en Turquie, Inde, Indonésie par exemple. Cette pression sur l’export va peser encore sur les marges, contraignant les dépenses d'investissement et même de recherche. On comprend alors qu'une augmentation des salaires conduit à des ajustements, mais sur l'encadrement cette fois. Enfin, il est clair que des hausses de salaires sont toujours possibles dans de grandes entreprises internationales ou des secteurs dans lesquels elles peuvent « passer » dans les prix. Mais même le luxe se trouve sous pression, et « passer » les hausses dans les prix se fait alors au détriment de la recherche et de l’expansion, là comme ailleurs.
Moralité, dans une économie en faible reprise et en très faible inflation, de plus en plus concurrencée par les prix et exportant en milieu de gamme, l’emploi passe par le profit. C’est le profit des entreprises de services, autrement l’emploi baisse tout de suite. C’est aussi le profit des entreprises de biens d’équipement et de services à valeur ajoutée, autrement c’est l‘investissement et la recherche qui payent d’abord, avec les cadres intermédiaires. La désinflation ne pardonne rien.