Entreprises : dépensez !

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Par Anna Faelten Modifié le 13 novembre 2012 à 15h28

Apple, la société ayant le plus de valeur au monde, est aussi l'entreprise ayant la plus importante trésorerie mondiale.

L’inqualifiable succès commercial de ses iPads, iPhones et ordinateurs iMac signifie pour Tim Cook, nouveau Directeur général d’Apple, un incroyable trésor de guerre de 100 milliards de dollars, une somme équivalente à 25 années du budget de la recherche scientifique de la Grande-Bretagne.

Les actionnaires d'Apple insistent sur le fait que Cook - qui a succédé à Steve Jobs - doit élaborer une stratégie convaincante d’utilisation des fonds. Les entreprises américaines, de la zone euro, du Royaume-Uni ou encore du Japon, sont assises sur un montant sans précédent de trésorerie - équivalent à environ 775 milliards de dollars, selon l'Institut de la finance internationale. Alors que les gouvernements du monde entier réduisent les dépenses et remboursent leurs dettes, le secteur privé est censé, afin de sortir de l'austérité, prendre le relai en investissant. Mais ce n'est pas le cas.

Les entreprises accumulent les liquidités et les économies occidentales en souffrent. Selon l'agence de cotation Moody’s, les cinq premiers "rois de la trésorerie" sont Apple, Microsoft, Cisco Systems, Google et Pfizer qui ensemble détiennent 276 milliards de dollars, soit 22 pour cent du bilan de trésorerie des entreprises américaines non financières. La récente décision d’Apple risque de créer une rupture, en payant aux investisseurs leur solde de trésorerie de 100 milliards de dollars, mais la tendance mondiale demeure inchangée.

En septembre 2011, Adam Posen, un économiste Américain membre du Comité sur la politique monétaire de la Banque d’Angleterre, a caractérisé la trésorerie des entreprises du Royaume-Uni comme symptômatique de la réticence du secteur privé à prendre des risques, entre-autres dit-il, à cause de l’accumulation excessive de la dette des ménages, et des pertes des banques. Pourtant, une nouvelle étude réalisée par le Cass Business School M&A Research Centre (MARC) et le Crédit Suisse, qui a examiné les liquidités de toutes les sociétés dont les actions sont cotées au Royaume-Uni depuis 1996, insinue que l'accumulation de liquidités est loin d'être un phénomène nouveau.



L'accumulation des entreprises n'a cessé d'augmenter depuis 2004. Les résultats du MARC ont montré que les entreprises qui se sont accrochées à leur excédent de trésorerie ont sous-performé sur le marché dans les trois années qui ont suivi. Ce qui amène des complications énormes pour les investisseurs. Les entreprises qui ne dépensent pas leurs excédents de trésorerie souffrent de rendements ajustés à l’indice négatif de 9-10 % sur une période de trois ans. Cela montre que nous pouvons nous attendre à ce que les entreprises qui accumulent et ne dépensent pas leurs liquidités soient sous-performantes.

Parmi les secteurs dans lesquels les entreprises ont accumulé les plus importantes trésoreries, en termes de rapport de trésorerie à l'actif net, sont la technologie (46 %), la santé (44%), les matériaux (40 %) et les pétroles & gaz (35 %). La recherche a également étudié les meilleures stratégies pour dépenser l'excédent de trésorerie en comparant la performance boursière des entreprises qui optent pour les dépenses en capital, les acquisitions, les paiements de dividendes, les rachats d'actions et le remboursement des dettes.

L'étude a révélé que du point de vue de l’actionnaire, les moyens les plus rentables d'utiliser l'excédent de trésorerie sont les acquisitions et les rachats d'actions. Les rachats rapportent des bénéfices précoces, générant des rendements moyens à hauteur de 7 % après 24 mois. Cependant, la stratégie de dépenses de M & A génère des rendements encore plus élevés, égaux à 11 % réalisés dans la troisième année suivant la stratégie mise en œuvre. Une fois adaptées au risque, les deux stratégies sont presque à égalité.

Les résultats donnent à penser que les entreprises qui sont en mesure de saisir des opportunités d'investissement rentables rapidement en s'engageant dans des acquisitions ou la restitution des fonds aux actionnaires quand elles ne rencontrent pas de débouchés viables pour se développer surpassent les entreprises qui choisissent de suivre d'autres options. Les autres utilisations d'un tel excès afin d'augmenter les dividendes d'une société semblent, selon une étude MARC, avoir peu d'impact sur la performance globale de l'entreprise.



Nous avons conclu que les rachats d'actions sont le genre de stratégie qui donne un rendement important, par rapport au dividende qui a un effet neutre sur la performance. Cet aspect de la recherche comporte des implications inquiétantes pour ceux qui espèrent que l'investissement des entreprises insufflera une nouvelle vie à l'économie. Une explication pourrait être que les investissements stratégiques par les entreprises ne sont pas bien communiqués aux investisseurs, ou au moins bénéficient de nettement moins d'attention qu'une acquisition ou un rachat.

Apple a tenté de dépenser ses liquidités par tous les moyens. Sous la direction de Cook, elle a beaucoup investi dans de nouveaux points de vente, des serveurs pour soutenir son service i-Cloud, de nouveaux campus pour accueillir plus de personnel, une recherche élargie et des services de développement. Au cours de son dernier déménagement, l'entreprise a innové en versant un dividende sur le rachat de ses propres actions.

En plus de tout cela, il est de notoriété publique qu’Apple est sur le point d'acheter des sociétés de sa propre chaîne d'approvisionnement. Ce qui pourrait, si tout se passe comme prévu, réduire encore les coûts et permettre d’investir encore plus de liquidités. Beaucoup de sociétés de haute technologie en sont au point où maintenant tout est presque trop et trop rapide pour être en mesure de dépenser. Ce n’est pas parce que vous avez de l’argent que vous allez dépenser n’importe quoi. En tant que gestionnaire, vous devez évidemment être très appliqué.

Si l'économie revient à une croissance soutenue en 2013, il est probable que les entreprises vont commencer à puiser dans les réserves de trésorerie pour financer l'expansion. Le déploiement de cet argent sera crucial, non seulement pour les actionnaires mais aussi pour l'avenir social, politique et économique du marché mondial.

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Elle est la directrice générale du M and A research centre de la Cass Business School.

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