Jamal Labed et Sylvain Gauthier ont réussi à conserver un esprit start-up au sein de leur entreprise EasyVista, créée il y a plusieurs dizaines d’années et désormais le seul fournisseur de solutions ESM et d’ITSM français d’envergure mondiale. A l’origine, leur objectif était de simplifier les systèmes informatiques pour toutes les entreprises selon l’adage : « Make IT Easy ». Si avec le temps, l’objectif ultime n’a pas changé, les stratégies et les plans mis en place pour l’atteindre ont évolué au fil du temps.
Voici leurs conseils aux entrepreneurs actuels et de demain pour faire briller la Tech française sur la scène internationale.
Sur la table de chevet des dirigeants d’entreprises, trouve-t-on encore des exemplaires de livres signés par Machiavel ou Sun Tzu ? D’ailleurs, nous serions en droit de nous demander si, vu le monde dans lequel nous vivons désormais, les conseils de ces auteurs peuvent encore guider les entrepreneurs aujourd’hui. Quelle que soit la réponse à cette interrogation, la réalité reste inchangée : gérer une entreprise est un défi au quotidien. Imiter ceux qui ont réussi peut être tentant mais rappelons qu’il n’y a pas de recette unique pour réussir son projet entrepreneurial. Même si elles peuvent être sujettes à interprétation, il y a cependant quelques règles qui permettent de construire un modèle solide. Le tout est d’avoir confiance en la spécificité de son approche car l’objectif c’est le passage à l’échelle grâce notamment à des offres pertinentes et inédites pour répondre aux attentes de son marché.
Être au bon endroit au bon moment
Le succès ne vient que lorsque l’offre place le client au cœur du projet entrepreneurial, de façon cohérente. La valeur cardinale c’est l’innovation mais cela ne consiste pas forcément en créer quelque chose qui n’existe pas. L’innovation de rupture c’est très long et cela demande beaucoup de moyens, financiers notamment. Être en rupture implique aussi qu’il faut construire le marché et donc que le besoin n’existe pas encore concrètement. En revanche, améliorer ou moderniser quelque chose qui existe déjà implique qu’il y a déjà un marché. Il s’agit alors de créer une nouvelle valeur afin de renforcer ou élargir une offre. Le besoin, c’est donc le bon moment.
Le marché quant à lui doit être travaillé selon une approche marketing et en anticipant l’internationalisation de son offre. Aujourd’hui il ne faut pas se cantonner à son seul marché local mais bien viser et se lancer rapidement à l’international. Adresser l’Europe d’abord puis les USA voire l’Asie. La planète entière est le marché d’aujourd’hui. Et c’est ce qu’il faut avoir en-tête dès la conception des produits ou des solutions.
Dans le cas de notre entreprise, nous avons décidé de la lancer alors que dans les années 90 les entreprises commençaient à changer de modèle informatique et passaient d’un mode centralisé à un mode décentralisé impliquant un besoin de gestion de la nouvelle complexité induite. Non seulement le besoin allait croissant mais il allait s’étendre à d’autres services : nous étions donc présents au bon moment.
Que cette offre apporte déjà une solution au marché, ou mieux, qu’elle anticipe un besoin futur du client, le client est l’élément qui guide la démarche, quelle que soit la manière dont le dirigeant veut procéder.
Le type de croissance : l’approche « make or buy » n’exclut pas le « make and buy »
Externe avec des acquisitions ou selon une configuration organique avec la conception de nouveaux produits, l’entreprise dispose de différents leviers pour continuer de croître. Faire le choix de l’une n’exclut pas l’autre. La croissance externe c’est soit un achat de technologie, soit un achat de présence sur le marché ciblé. Et surtout, une stratégie de croissance externe est réellement gagnante dès lors qu’elle permet de donner naissance à une nouvelle offre, à succès, grâce à la combinaison des talents des deux entités qui fusionnent.
Seule une écoute attentive du marché permet d’anticiper les évolutions dont il va avoir besoin et en conséquence adapter son offre, que ce soit par le rachat d’un best of breed ou par une conception en interne. Et peu importe l’originalité du projet, tant qu’il permet, par le rapprochement des offres, d’en proposer une nouvelle encore plus pertinente bien que parfois surprenante pour certains au premier abord.
Les stratégies de financement : considérer tous les modèles
Enfin, les créateurs d’entreprises sont confrontés aujourd’hui à des marchés non seulement mondiaux mais surtout changeants, requérant souplesse et capacité d’adaptation. Dans ce contexte, les options et l’originalité des modèles de financement ne manquent pas en France et le plus dur reste donc de faire des choix. Bien sûr, il vaut mieux commencer par une approche capitalistique et s’appuyer sur les aides comme ce qu’offre la BPI depuis sa création en 2012. Les levées de fonds sont plus faciles aujourd’hui qu’il y a 20 ans, notamment dans la Tech et avec l’avènement de la French Tech portée par le Président Macron.
D’autre part, l’un des modèles qui permet d’éviter les emprunts bancaires consiste à entrer en bourse. C’est une très bonne option pour financer la croissance de son entreprise mais aussi pour gagner en visibilité. Pas uniquement auprès des investisseurs mais aussi auprès des prospects en France et à l’international puisque ce genre d’actualité ne passe pas inaperçu. Prendre la décision est assez facile, c’est le faire vraiment qui est plus compliqué et demande une bonne préparation et de la ténacité. Le parcours est un exercice en soi car il faut être bien organisé en interne, faire des reporting régulièrement, prendre le temps d’expliquer encore et encore ce qu’on fait et les résultats face à des milliers d’investisseurs avec une certaine forme de transparence sur sa stratégie. C’est aussi pour cela qu’il y a peu de sociétés côtées en bourse en France comparé au nombre d’entreprises qui existent en France.
En fonction de sa croissance, si la bourse n’est plus un modèle qui permet d’atteindre ses objectifs, rien n’est figé et rien de vous empêche de décider d’en sortir. Arrivé à un certain point, il se peut qu’elle n’offre plus les liquidités suffisantes pour atteindre les nouveaux objectifs fixés, et c’est ce qui s’est passé pour EasyVista. Après 15 années en bourse, la stratégie de développement de l’entreprise à moyen et long terme impliquait une sortie de bourse dès janvier 2021 après une entrée à 12 euros et une sortie à 70 euros. Même si c’est une étape qui peut prendre du temps, elle ne doit pas être rédhibitoire quant au choix d’y entrer ou d’en sortir car un parcours boursier n’est pas une fin en soi, c’est plutôt une étape dans la vie d’une société, plus particulièrement d’une PME en croissance.
Quant aux levées de fonds, les start-ups ne sont pas les seules entités éligibles. À court ou moyen terme certains projets en valent la peine, qu’il s’agisse d’importants investissements en R&D ou de projets d’acquisitions. Une fois arrivé à la fin d’un plan stratégique, il faut réussir à passer à l’étape suivante. C’est pourquoi la sortie de bourse peut devenir une évidence pour servir l’ambition du plan suivant, qu’il soit à 3 ou 5 ans.
Chaque projet entrepreneurial est unique et c’est bien l’originalité qui fait la réussite : c’est pourquoi il ne sert à rien d’imiter les stratégies des autres. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’en inspirer ou ne pas regarder les solutions mises en œuvre par ceux qui sont passés par les mêmes étapes et le même type de questionnement.