Assises de l’Entrepreneuriat : 2 millions d’entrepreneurs plumés

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Par Philippe Mathot Modifié le 4 mai 2013 à 6h48

Les Assises de l'Entrepreneuriat lancées par le Gouvernement au début de l'année ont été clôturées le 29 avril par le Président de la République.

Même si certaines annonces, telles la réforme de la taxation des plus-values ou la création d'un visa pour les créateurs d'entreprises étrangers, vont dans le bon sens, d'autres relèvent soit d'intentions pieuses, soit de poudre aux yeux, soit de dérives technocratiques.

Intention pieuse que le développement de l'esprit d'entreprise via un programme d'entrepreneuriat de la 6e à la terminale. Qui dit programme dit professeurs, notation, validation des connaissances. Mais François Hollande nous dit que cela se fera par des stages et des interventions d'acteurs économiques.

De qui se moque-t-on? En tout cas des élèves qui entre cours de « morale » et cours d'entrepreneuriat vont encore perdre quelques précieuses heures de français ou de maths. N'aurait-il pas été plus simple d'intégrer un stage en PME dans la formation des enseignants?

Poudre aux yeux que la suppression du fichier des entrepreneurs ayant déposé le bilan. A l'exception de très grandes métropoles où l'anonymat est de règle, les banquiers sont en général très fins connaisseurs de leur terrain, et savent parfaitement si M. Dupont a connu une défaillance au cours des dernières années. Pour favoriser le rebond, il eût fallu proposer un véritable programme d'analyse positive de l'échec, mis en œuvre par les CCI et les Chambres de Métiers et de l'Artisanat.

Dérive technocratique coûteuse que la création de « Maisons de l'International » qui vont venir en plus des CCI à l'étranger, des représentations des Régions et d'Ubifrance. Un « outil » de plus dans la boîte du Président, mais coûteux.

Et que dire du « Pass Régional » censé, via un interlocuteur unique, fournir aux TPE et PME l'ensemble des aides et des conseils nécessaires à leur création et leur développement ? Que le Gouvernement fasse enfin fonctionner correctement son Guichet unique des entreprises, avant d'exporter la complexité en régions.

De fait les Assises de l'Entrepreneuriat se sont clôturées par une grand'messe médiatique à la française, une des plus réussies que j'ai eu à connaître en termes de bizounoursisme républicain : les « avancées » présidentielles ont été applaudies comme il faut, ni trop, ni trop peu, et beaucoup se sont photographiés sous les dorures de la République, si possible avec le Président. Bref, un bon après-midi à l'Elysée !

Mais ce moment d'unanimisme obligé laissera un grand sentiment d'amertume à ceux qui, dans les groupes de travail des Assises, ont donné de leur temps et de leurs idées pour que soit vraiment prises en compte les aspirations des 2 millions de TPE de notre pays, et des 600 000 créateurs d'entreprises annuels.

Les Assises auraient pu être l'occasion de regrouper autour de l'Agence pour la création d'entreprises divers autres intervenants pour donner enfin à notre pays la véritable Small Business Administration à la française, seule capable de donner une véritable lisibilité et une véritable cohérence aux différents dispositifs, tout en allant dans le sens d'économies budgétaires.

Coordonnant les excellents réseaux d'appuis consulaires et associatifs, offrant une base unifiée des aides, orientant les entrepreneurs vers les bons interlocuteurs pour accompagner leur croissance, proposant des solutions rapides de financement par des accords avec les banques, les experts-comptables et les organismes de gestion agréés, cette véritable Agence Française pour l'Entrepreneuriat aurait pu être l'outil taillé sur mesure pour les deux millions d'entrepreneurs qui sont notre véritable tissu économique.

Car il ne faut pas s'y tromper, la Banque Publique d'Investissement, qui a été mise à toutes les sauces lors de la clôture des Assises, n'est pas calibrée pour les TPE. Ses dirigeants n'en font pas mystère, leurs vrais objectifs sont les start-ups et les ETI, si possible innovantes exportatrices. D'ailleurs, que se passerait-il demain si, d'un coup, ne serait-ce que 100 000 artisans ou commerçants se présentaient aux guichets de la BPI pour obtenir un crédit ? Scénario catastrophe qui va finir par se produire si les Pouvoir Publics persévèrent dans leur erreur de ne pas comprendre que les problèmes des petits entrepreneurs ne sont pas ceux des ETI ou des start-ups.

Les Assises auraient pu aussi être l'occasion de déclarer un véritable moratoire, d'application immédiate, sur toutes les lois, décrets et règlements portés par les lobbies depuis des années, et qui n'ont d'autre résultat que de contraindre l'activité économique.

Enfin, ces Assises auraient du mettre en valeur la vraie France des preneurs de risque, celle des artisans, des commerçants, des libéraux, celle de ceux qui ont créé leur propre emploi et dont nous devons être fiers. Mais on y a surtout parlé technologie, marketing, entreprise du futur, et on y a manié avec délectation les néologismes de la culture geek.

Le Gouvernement n'a pas compris que la France qui crée de la richesse, la France qui embauche, la France qui paye des impôts, est celle des deux millions d'entrepreneurs qui ne pensent ni pigeons ni taxation des plus-values en se rasant le matin. Ce sont eux qu'il vient de plumer.

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Philippe Mathot est chef d'entreprises et consultant.Conseiller auprès de Renaud Duteil, ministre des PME, de 2002 à 2005, puis directeur général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) de 2005 à 2010.Député des Ardennes de 1993 à 1997, et vice-président du Conseil Général chargé des affaires économiques de 2001 à 2008.

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