L’entrepreneuriat social peut-il répondre aux besoins des pauvres ?

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Par Arnaud MOUROT Modifié le 21 mai 2013 à 5h16

20% de la population européenne vit dans la pauvreté et a des besoins pas ou mal remplis en matière de logement, d'alimentation saine, de santé, d'éducation, de finances, etc.

Ces 50 millions de personnes pauvres dépensent pourtant quelque 220 Milliards € par an, mais pour disposer de produits et services mal adaptés et manquer souvent de l'essentiel. Car l'innovation produits/services/marketing se concentre sur les segments socio-économiques élevés.

Une étude européenne a chiffré, pour 6 secteurs majeurs (logement, santé, produits financiers, alimentation, énergie, emploi), les besoins existants et montré les freins actuels tout en évoquant un certain nombre d'opportunités. L'étendue des besoins des 21 millions de personnes qui ont du mal à se chauffer ; 12 millions subissent des privations sévères liées au logement ; 60% des français ont différé ou renoncé à des soins de santé pour raisons économiques en 2010, etc.

L'entrepreneuriat social peut-il répondre à de tels besoins ? Ses innovations concernent bien tous les secteurs cruciaux pour les populations fragiles/pauvres. En outre les entrepreneurs sociaux, dans toute l'Europe (et ailleurs), font chaque jour la preuve de leur capacité de mise en œuvre et de leur impact. Malgré ses efforts et la détermination dont il fait preuve on voit bien, pourtant, que l'entrepreneuriat social n'arrive pas à résoudre les problèmes à grande échelle.

Pourquoi ? On peut incriminer des financements insuffisants, un cadre légal inadapté, une incompatibilité culturelle entre les mondes du social et du business... mais ce ne sont pas les causes directes. L'absence de vision à l'échelle du système reste rédhibitoire. Il faut changer de paradigme : on a trop "pris en charge" les personnes en difficulté, plutôt que de les considérer comme des acteurs économiques potentiels ; les entreprises les ont trop ignorées.

Conséquence : l'opposition entre social et business est devenue structurelle, partout, excluant de l'économie réelle deux-tiers de la population du globe. Chacun doit pouvoir produire, agir, choisir de consommer. Il ne faut plus parler d'assistance mais plutôt de marché(s).

Et, au cours des prochaines années les entreprises, PME incluses, vont devoir investir ces marchés délaissés (annuellement celui de l'énergie (domicile) pour les populations vulnérables est estimé à 25 milliards €, celui du logement à 124 milliards €, celui des mutuelles de santé à 14 milliards €, etc.) . Encore faut-il sortir des sentiers battus afin d'adapter les produits/services, ainsi que leur financement, aux besoins réels des populations pauvres.

Les entreprises, ignorant depuis trop longtemps ces populations, n'ont guère de chance d'y arriver seules. Les entrepreneurs sociaux connaissent bien le terrain et ont des solutions efficaces et pragmatiques mais, on l'a vu, ne savent pas faire à grande échelle. Les pouvoirs publics sont plus démunis que jamais. La philanthropie montre ses limites.

Des partenariats innovants - entreprises, entrepreneurs sociaux, pouvoirs publics - apparaissent de plus en plus comme la clé permettant de co-construire des solutions économiquement durables car créant de la valeur pour chacun (marchés nouveaux pour les entreprises, revenus additionnels et impact accru pour les entrepreneurs sociaux, problèmes sociaux atténués et finances améliorées pour les pouvoirs publics).

Il existe en Europe un énorme gisement de progrès dans ce domaine. Le concrétiser bénéficiera, d'abord, aux populations fragiles.

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A la tête d'Ashoka en France depuis fin 2005, Arnaud Mourot a lancé le programme de sélection et de soutien d'Entrepreneurs Sociaux innovants. Diplômé de l'ESCP et co-créateur en 1999 de l'ONG Sport Sans Frontières (SSF) qu'il a dirigée jusqu'en 2005, il a été plusieurs fois champion de France et d'Europe de Lutte libre.

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