L’énergie éolienne : les raisons d’un désastre – 2° partie

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Par Jean-Pierre Riou Modifié le 29 novembre 2022 à 9h15
Energie Eolienne Riou
@pixabay - © Economie Matin
2 620 MILLIONS €La filière éolienne représentait en 2014 un chiffre d'affaires de 2 620 millions d'euros

L’atteinte aux intérêts nationaux :

La France a été le 1er exportateur mondial d’électricité 12 fois au cours des 15 dernières années, dont 2014 et 2015, avec plus de 60 Milliards de kWh (TWh) de solde export net. Son kWh est parmi les moins chers et les moins émetteurs de CO2 d’Europe (20 millions de tonnes par an contre 350 millions de tonnes en Allemagne)

Son expertise était, jusqu’alors, une référence mondialement reconnue dans le domaine de l’énergie nucléaire, les 58 réacteurs de notre parc électrique fournissant plus des ¾ de la production nationale.

La ruine de ces 2 pôles d’excellence

a) Un système électrique désormais ni rentable ni sécurisé.

Sur ces 12 derniers mois, la France a exporté 75TWh (et importé 10 TWh) au prix moyen de 33€/MWh (Source douanes françaises, code 27160000), alors qu’EDF a l’obligation d’acheter chaque MWh éolien produit au tarif de 90€/MWh (en 2015). La chute des cours liée aux surplus de production intermittente a ruiné la rentabilité des centrales électriques conventionnelles.

Les centrales les plus propres (Cycles combinés à gaz) sont amenées à rester « sous cocon », c'est-à- dire interrompre leur activité en se gardant la possibilité de la reprendre, ou même à fermer définitivement leurs portes, faute de rentabilité suffisante.

Mais la présence de ces centrales reste malheureusement indispensable par vent insuffisant, particulièrement en cas de conjonction avec des basses températures.

Selon le gestionnaire du réseau européen, (Entso E) dans de telles circonstances, les besoins français pourraient désormais ne même pas pouvoir être couverts par les importations, ainsi que le montre le diagramme ci-dessous.

Cette situation est illustrée par le cas de la centrale allemande d’Irshing, désormais amenée à recourir à la justice pour obtenir le droit de fermer ses portes, malgré les subventions et la volonté du gouvernement de le lui interdire afin d’éviter le spectre du blackout.

b) La fin du pôle d’excellence nucléaire française

N’ayant plus construit de réacteur en France depuis 15 ans, AREVA s’est fait distancer dans la construction des réacteurs de nouvelle génération. Notamment par le russe Rosatom qui installe désormais plus de la moitié des réacteurs dans le monde et dont le VVR 1200, mieux rodé et infiniment moins cher que notre EPR, pour avoir dépassé le stade de prototype grâce à son développement préalable en Russie.

Le chinois CGN (China General Nuclear) a également des projets dans le monde entier après avoir construit, sur son sol, 5 réacteurs « Hualong One ». La Chine et la Russie prévoient également des centrales nucléaires flottantes pour 2020.

L'américain Westinghouse vient de réussir les tests de son AP1000 en Chine, et vient d’inaugurer aux Etats-Unis sa première centrale relevant des normes post Fukushima, celle de Watts Bar.

Le département américain de l’énergie (DOE) prévoit d’ailleurs de doubler sa capacité nucléaire (voir ci-dessous, courbe violette), en plus d’un éventuel prolongement de ses centrales à 60 ans (courbe rouge), voire même à 80ans (courbe verte).

(Source : https://www.forbes.com/sites/jeffmcmahon/2016/06/19/doe-plans- advanced-reactor- surge/#14500f67411a : copier le lien dans le navigateur)

Nous sommes loin de la polémique sur la plus vieille centrale nucléaire française de Fessenheim, qui n’a que 38 ans et non 80 ans ainsi que l’envisagent les Etats-Unis, mais devrait pourtant être démantelée au seul motif de compromis politique et malgré sa conformité absolue aux normes de sécurité.

Les Etats Unis comptent également sur l’imminence de la commercialisation de la nouvelle génération des réacteurs à sels fondus (MSRs) qui permettent une révolution dans la gestion des déchets. Ils misent également sur les nouveaux réacteurs miniatures, « Small modular reactors (SMRs) », qui réduisent les coûts et les risques.

Ces nouveaux réacteurs miniatures ont d’ailleurs permis à la Grande Bretagne de régler de façon originale le problème du démantèlement de l’ancienne centrale nucléaire de Trawsfynydd, à l’arrêt depuis les années 90, puisque ce démantèlement vient d’être interrompu dans le but d’implanter cette nouvelle génération de petits réacteurs (SMRs) sur son site.

Depuis l’annonce de ce projet, pas moins de 38 entreprises se sont manifestées pour y participer.

Le projet des EPR franco chinois à Hinkley Point, auquel s’accroche EDF, n’est en effet pas le seul signe de ce renouveau nucléaire outre manche : pas moins de 14 milliards de livres sterling sont également prévues pour la construction américano japonaise des réacteurs de Newydd.

En effet, l’Europe vient de comprendre, mais un peu tard, l’atout incontournable que représentait le développement de l’énergie nucléaire. A la fois pour la compétitivité de son industrie, pour sa sécurité d’approvisionnement face aux tensions géostratégiques, mais également pour garder encore une chance d’atteindre ses objectifs face au réchauffement climatique.

Tandis que la presse spécialisée américaine (E&E Publishing) s’interroge sur les raisons qui ont amené la France à perdre son expertise dans ce domaine qui l’avait aidé à devenir la 2° puissance économique européenne derrière l’Allemagne.

L’auteur s’étonne de sa volonté d’en réduire la production, alors que celle ci lui avait permis sa plus grande réussite face au changement climatique.

Et constate le déclin de notre « formidable institution », jusqu’alors capable de construire des réacteurs plus vite et à moindre coût que n’importe quelle autre nation, et qui, désormais, accumule les problèmes et multiplie les coûts de construction de ses EPR.

Un jeu de dupes pour la France

Il serait bien naïf de sous estimer la violence des rivalités économiques entre Etats alliés, ou le machiavélisme des moyens employés. F.Mitterrand évoquait « Une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ». Le miroir aux alouettes des éoliennes, aura été brandi à point nommé pour faire croire aux rêveurs qu’elles permettraient d’abandonner notre industrie nucléaire, et les inciter à relayer une campagne de dénigrement d’une portée considérable.

Notre parc nucléaire assurait jusqu’alors une grande indépendance géostratégique et un avantage décisif pour notre industrie, grâce un kWh parmi les moins chers et les plus stables d’Europe.

Le tout en évitant la mortalité avérée du charbon, dont on semble oublier qu’il est responsable de plus de 20 000 morts chaque année en Europe. La discrétion enveloppant ce problème pose d’ailleurs question, en regard de la récupération médiatique de la détérioration de la centrale de Fukushima lors du tsunami de 2011. Si graves que soient ces problèmes, les spectres qui en ont été agités depuis, restent bien silencieux sur les rapports médicaux officiels, ou les témoignages de la vie sur place.

Mais c’est toute l’économie française qui pâtit désormais des difficultés critiques de nos 2 fleurons qu’étaient EDF et AREVA, pour le plus grand profit de nations concurrentes.

Perspectives de long terme

Energie du soleil : panneaux photovoltaïques ou fusion nucléaire ?

L’avion « Solar impulse 2 » viendrait de « rentrer dans l’histoire » en traversant l’Atlantique en 71 heures, à l’aube de la dernière des 17 étapes de son tour du monde en et un an et demi grâce à l’énergie du soleil. Ce qu’il a fait, aucun planeur, effectivement, ne l’avait encore fait, puisque le record de vol à voile n’est que de 3009 km.

Mais comment le battage médiatique autour d’une si petite différence entre son moteur solaire et pas de moteur du tout aura pu faire croire au prodige et à la révélation de l’énergie de demain ?

Au même moment, le Flash Falcon évoquait le transport de 250 passagers avec une vitesse de pointe de 3700 km/h, permettant de relier ainsi Londres à New York en 2h et demie, alimenté par une énergie tout aussi verte et renouvelable que celle de Solar Impulse 2, puisqu’elle reproduit artificiellement l’énergie du soleil dans son réacteur à fusion nucléaire.

Cette technologie futuriste est considérée depuis ½ siècle comme le Saint Graal de l’énergie, car elle permet des ressources inépuisables, n’émet pas de gaz à effet de serre et ne comporte pas le risque de réaction en chaîne incontrôlable, propre à la fission nucléaire.

Bien que le Flash Falcon ne représente encore qu’un concept, la rapidité des progrès technologiques, boostés par les supercalculateurs quantiques, qui sont 100 millions de fois plus rapide que des machines classiques, semble indiquer que l’avènement de l’énergie par fusion nucléaire pourrait être bien plus proche que beaucoup ne semblent le supposer.

En 2015, les scientifiques de l’Université de Washington, dévoilaient leur réacteur de configuration « Dynomak », plus petit, moins cher et plus efficace que le Tokamak du projet mondial ITER développé en France à Cadarache. La firme britannique Tokamak Energy a annoncé son espoir d’y parvenir avant 5 ans et de fournir de l’électricité au réseau avant 2030. Des entreprises comme General fusion sont plus optimistes encore, Helion avançant même la date de l’exploitation commerciale de tels réacteurs dès 2022.

Quantité d’entreprises privées se sont engagées dans cette révolution ainsi que le constatait récemment le Chicago Tribune. Un petit tour d’horizon de la course à cette technologie indique son attractivité. Et pendant que l’Europe s’efforce, à grands frais, de restructurer son réseau électrique pour supporter l’intermittence des éoliennes allemandes, c’est l’Allemagne qui vient discrètement de prendre la tête de cette course mondiale à la fusion nucléaire par le succès de la première série de tests de son Stellarator Wendelstein 7-X qui a maintenu pendant 6 secondes un plasma à la fabuleuse température de 100 millions de degrés !

Ce succès lui ouvre la perspective, après 2020, d’un grand bond vers une production d’énergie par fusion nucléaire commercialement viable. Nul doute que cette production sera labellisée « renouvelable ».

Quel mix énergétique à court terme?

Quel que soit le temps encore nécessaire son émergence ou à toute autre rupture technologique, et malgré la surcapacité massive de notre parc électrique, quantités de nouvelles énergies renouvelables seront appelées à se développer. Les lois de la concurrence impliquant uniquement que les aides dont elles bénéficient pour se mettre en place, laissent espérer un retour sur investissement, par la maîtrise des coûts d’une énergie de bonne qualité, propre et sûre.

Les efforts démesurés, auxquels nous assistons, pour tenter de rendre durable ce qui est intermittent, ne semblent pas même anticiper que l’énergie de demain promet d’être pilotable.

Le déni du progrès

Mais le plus grave est le fait qu’en ruinant le secteur de l’électricité non subventionnée, sans proposer pour autant d’alternative pérenne, cette politique énergétique a supprimé la nécessaire visibilité financière à l’investissement dans toute nouvelle technologie.

C’est probablement en ce sens qu’il faut comprendre l’avertissement de Claude Mandil, ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publié dans le Monde du 7 mai 2016: « Les tarifs d'achat garantis à l'éolien et au solaire ne permettent pas de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Pire, ils empêchent les technologies de demain d'émerger. » Lev Artsimovitch, précurseur de la fusion nucléaire, avait déclaré il y a 50 ans que la fusion nucléaire serait prête quand la société en aura besoin.

Comment s’y prendre mieux qu’avec la politique énergétique actuelle, pour dissuader l’avènement de tout progrès ?

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Jean Pierre Riou est chroniqueur indépendant sur l'énergie Membre du bureau énergie du collectif Science Technologies Actions Rédacteur du blog lemontchampot.blogspot.com

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