En France, la ségrégation spatiale est bien présente

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Par Gérard Cornilleau Publié le 12 avril 2016 à 5h00
France Segregation Spatiale Territoires Regions
@shutter - © Economie Matin
6,5 millionsLa France comptait 6,5 millions de chômeurs toutes catégories confondues fin 2015.

La France, mais elle n’est pas une exception, a vu s’aggraver depuis les années quatre-vingt, la ségrégation sociale et spatiale.

Le lien avec la montée des inégalités est évident : quand le chômage pèse sur l’insertion professionnelle, que la précarité devient la règle pour la frange la plus fragile de la population, que le marché toujours plus « libre » maintient en permanence les petites entreprises et la sous-traitance à la limite de la rupture, les inégalités progressent mécaniquement, la ségrégation s’installe et rien ne peut entraver son expansion.

Il n’est nullement besoin, pour en comprendre le mécanisme de faire appel aux explications morales : les stratégies d’évitement des classes sociales les plus favorisées qui conduisent à spécialiser les territoires existent depuis toujours et reposent moins sur l’ostracisme à l’égard des moins favorisés que sur la recherche de l’entre-soi et la rationalité individuelle des choix de localisation. Les mécanismes, également très anciens et sans lien avec un développement récent du « communautarisme », qui conduisent les migrants à se localiser près de leurs « semblables » pour pouvoir bénéficier des solidarités familiales et des effets de réseaux amicaux ou tout simplement de connaissance, sont à l’œuvre depuis toujours. Ils expliquent que les bretons d’Ile de France soient plutôt localisés près de la gare Montparnasse !

La question n’est donc pas celle de la spécialisation spatiale en général mais celle de son expansion, de son enkystement et de l’aggravation de la pauvreté au sein des zones ou se regroupent les moins favorisés. Comment en sortir ? Combattre le retour à une société de classe liée à la montée des inégalités et à l’éviction de la classe moyenne implique de revenir en partie sur la libéralisation économique car le marché est par essence inégalitaire. La « liberté » ne peut pas justifier le maintien du pouvoir de plus en plus absolu des grandes entreprises. A cet égard les agriculteurs, les salariés et les patrons des petites entreprises du bâtiment ou ceux des sous-traitants externalisés sont dans la même situation : la recherche du prix le plus bas (seul critère d’efficacité pour une économie dominée par le marché) ne peut que conduire à l’affaiblissement des plus faibles.

Il y a donc un premier chantier de régulation du marché qui doit être rouvert d’urgence. La difficulté dans ce domaine est qu’il ne peut l’être dans une économie ouverte qu’au niveau international. L’Europe doit se saisir d’urgence de cette question. Le second chantier concerne le chômage : sa réduction doit devenir l’objectif central de la politique économique général. Réduire le chômage, sans passer par le canal de la flexibilisation qui ne fait que partager le travail en affaiblissant un peu plus le pouvoir de marché des salariés, est le meilleur moyen de retrouver le chemin vers une société plus fluide et moins inégalitaire.

En attendant que ces évolutions (utopiques ?) remettent les sociétés occidentales sur la voie du progrès, il reste à soutenir les politiques de transferts sociaux qui limitent quand même les inégalités et les initiatives microéconomiques et microsociales qui permettent, autant que faire se peut, d’apporter un peu d’air à des zones de relégation des plus pauvres qui sont le symbole de l’échec des politiques publiques depuis le milieu des années quatre vingt.

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Gérard Cornilleau, économiste, a été chercheur au CNRS et directeur adjoint des Études à l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE).

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