Beaucoup de choses ont été dites sur l’accord sur l’emploi signé le 11 janvier dernier par le Medef, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC.
Les points positifs
Après tant d’années sans réelle réforme du marché du travail, c’est un progrès réel de voir un gouvernement accepter de faire traiter le sujet par les partenaires sociaux. On ne peut que saluer l’émergence d’un mot devenu tabou et qui fait office d’épouvantail : la flexibilité.
Si cet accord est transposé dans la loi, les entreprises pourront adapter le temps de travail et/ou baisser les salaires si, et seulement si, la situation économique de l’entreprise l’exige (commandes gelées, activité asphyxiée…). N’oublions pas que s’adapter à la conjoncture économique permet de sauver des entreprises et donc des emplois. Aussi, il faut agir VITE avant qu’il ne soit trop tard. La flexibilité est donc une réponse importante et nécessaire de ce point de vue.
Cet accord fait également la part belle aux salariés et aux chômeurs en leur accordant de nouveaux droits :
- Les chômeurs bénéficieraient désormais de droits rechargeables. Ainsi, une personne qui retrouverait un travail avant d’avoir épuisé ses droits pourrait les utiliser ultérieurement en cas de besoin ;
- Les salariés seraient couverts par une complémentaire santé dès 2016, ce qui devrait répondre aux attentes légitimes des salariés des TPE ;
- Des garanties seraient accordées aux salariés à temps partiel grâce à une durée minimale des contrats fixée à 24h par semaine ;
- Les salariés pourraient participer activement aux organes de gouvernance de leur entreprise (à condition que celle-ci comporte au moins 5 000 salariés dans toute la France ou 10 000 à l’échelle internationale). Ils seraient ainsi informés et consultés sur les orientations stratégiques.
- Les CDD seraient taxés dans certains cas pour éviter leur utilisation abusive.
Dire que le Medef a dicté cet accord relève donc de la pure démagogie au regard des nouveaux droits et pouvoirs que se verraient accorder les salariés. Il s’agit d’une caricature de la part des syndicats non signataires (CGT et FO) destinée à justifier leur refus de signer. Ils marquent là en revanche leur refus de voir évoluer les choses. Ces organisations ont préféré l'opposition systématique pour satisfaire des troupes d'autant plus extrêmistes qu'elles sont de moins en moins représentatives.
OUI MAIS...
Il n’en demeure pas moins que cet accord reste incertain et aléatoire sur plusieurs points.
1) Cet accord devra être validé au cas par cas par les représentants syndicaux de chaque entreprise en difficulté. Quand on sait que la CGT et FO refusent par principe de signer le moindre accord, on peut facilement imaginer les complications que cela risque d’entrainer. A cela, il faut ajouter que les règles sur la représentativité des organisations syndicales risquent elles aussi de poser problème. Quid de l’accord si l’un des syndicats signataires venait à perdre son statut d’organisation représentative dans certaines entreprises ou branches ?
2) On peut ensuite s’interroger sur les conditions de la mise en place de la flexibilité. Pourquoi celle-ci ne s’appliquerait qu’en cas de difficultés ? Faut-il attendre que le mal soit déjà fait pour agir ? Est-il préférable de prévenir ou de guérir ? On sait qu’en matière de prévention des difficultés, la principale chance de redressement est d’anticiper et de prendre les mesures correctives le plus tôt possible. Il faut dépasser cette idée consistant à faire croire que le patron veut licencier et qu'il faut à tout prix l'en empêcher.
3) L’accord prévoit de taxer certains CDD. Cette proposition pourrait se transformer en « fausse bonne idée », avec le risque de paralyser les entreprises qui voudraient embaucher pour répondre à une embellie passagère, toutefois il faut accepter le constat que le CDD est trop utiliser par PEUR de ne pouvoir licencier à un coût acceptable pour la survie de l'entreprise.
4) Même si ce texte représente un espoir pour le développement de l’activité économique nationale, plusieurs vrais sujets doivent être traités :
- la répartition du profit entre les détenteurs du travail et du capital. Nous pourrions peut être nous inspirer de l’industrie allemande sur ce sujet. Comment enrichir nos salariés quand l'attribution d'actions gratuites, par exemple, peut se voir taxée jusqu'à 40 % !
- la fiscalité sur les revenus du patrimoine et des gains en capital (les plus-values) qui est devenue confiscatoire et qui va décourager les investisseurs dont les entreprises ont besoin pour leur développement.
- la simplification des contraintes administratives, fiscales et sociales, qui reste un débat inépuisable dans la mesure où le législateur et l’administration complexifient beaucoup plus vite qu’ils ne simplifient.
- comment créer de la croissance et des richesses ? C'est aux entrepreneurs d'être plus offensifs sur le sujet sans se contenter d'un protectionnisme frileux, certes bien compréhensible, de leurs intérêts.
Après le conseil des ministres, c’est désormais au tour des parlementaires de se saisir de cet accord pour en débattre. Espérons qu’il ne soit pas – trop – « détricoté ».