Le Brexit ouvre-t-il la voie à un Empire français en Europe?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 20 juin 2016 à 9h59
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cc/pixabay - © Economie Matin
5%Le Brexit pourrait coûter au Royaume-Uni 5 % du PIB.

Le Brexit constitue-t-il une opportunité pour un retour de la France sur la scène européenne et même mondiale? La question est provocatrice, mais mérite d’être posée en ses termes, car il nous reste peu de temps pour faire le « rebond » dont nous avons besoin.

Le Brexit et ses conséquences économiques

Selon toute vraisemblance, le Brexit donnera le signal d’une nouvelle crise financière et économique, au moins en Europe mais aussi, très probablement, de taille mondiale. Compte tenu de l’importance financière de la place de Londres, une déstabilisation massive des marchés est à prévoir.

D’ailleurs, la BCE annonce d’ores et déjà être en état d’alerte pour faire face aux turbulences des marchés.

En cas de Brexit, «les marchés seraient à nouveau fragilisés, on pourrait assister à une chute du cours des actions et de l’euro, une fuite des investisseurs vers les placements sûrs et éventuellement à un durcissement des conditions de financement pour certains Etats de la zone euro», estime M. Brzeski <économiste d’une banque>, selon qui un Brexit «a incontestablement le potentiel pour déstabiliser l’économie européenne».

Que signifierait une crise financière due au Brexit?

Pour l’Europe, un pareil retournement de conjoncture constituerait un dommage profond, et peut-être même létal. Depuis plusieurs années, l’Union Européenne justifie son existence et sa lourdeur bureaucratique par les avantages économiques qu’elle offre. Grâce à elle, les Européens vivraient heureux, riches et prospères, alors que sans elle, ils seraient promis à la pire des misères.

Qu’à l’issue d’un processus de quarante ans, la Grande-Bretagne quitte l’Union et provoque sa dislocation prouverait la fragilité de cet édifice et soulignerait notre dangereuse exposition au risque géopolitique. Sans la Grande-Bretagne, l’Union ferait la démonstration de son incapacité à préserver les peuples européens du malheur des temps.

Après la crise des réfugiés, après la crise en Grèce, une nouvelle preuve serait ainsi produite de l’obsolescence de l’Union.

Le huis clos avec l’Allemagne pourra-t-il durer?

Sans la Grande-Bretagne, l’Europe sera divisée en deux blocs simples à comprendre.

D’un côté, l’Allemagne et sa sphère d’influence déraisonnablement renforcée et élargie après la chute du Mur de Berlin, connaîtra quelques problèmes internes. D’ores et déjà, les tensions régulières entre l’Allemagne et ses voisins sur la question des réfugiés, par exemple, rappellent que la tradition du Lebensraum si prisée par la Prusse n’est pas productrice que de bonheur pour les peuples soumis. On peut même se demander comment cet édifice tiendra pacifiquement: parions sur le contraire! dans les dix années à venir, l’hégémonie allemande provoquera une dislocation des marches orientales du l’Union.

De l’autre côté, la France deviendra la puissance dominante de l’Occident européen, même si la caste qui y exerce le pouvoir est notoirement sous-équipée pour la tâche qui lui incombe. Très rapidement, la divergence de nos intérêts avec l’Allemagne apparaîtra. En particulier, les sujets d’équilibre budgétaire et de politique monétaire vont constituer d’évidents casus belli: les épargnants allemands (et leurs banques) sont épuisés par les taux bas grâce auxquels la France finance sa dette et son absence de politique réformiste.

Le départ de la Grande-Bretagne agrandira donc les béances européennes au lieu de les rétrécir. Il renverra la France à son quasi-huis clos avec l’Allemagne et obligera les dirigeants français à mettre sur la table la question du couple franco-allemand telle qu’elle se pose aujourd’hui.

Quelle Europe pour la France de demain?

Contrairement aux idées reçues, la France s’affaiblit en Europe au lieu de se renforcer. Les chiffres du PIB le montrent. La construction communautaire telle qu’elle est conçue aujourd’hui répond bien à cette conception d’une Europe avec une France affaiblie, caractéristique du Congrès de Vienne. La dislocation de l’Union constitue donc une première étape pour remettre la France sur la voie de la puissance.

Reste à savoir quelle alternative à l’Europe actuelle est souhaitable pour la France.

Un vide politique poserait d’importants problèmes, dans la mesure où l’intensification des échanges commerciaux sur le continent à favoriser une division européenne du travail qui rend chaque pays relativement dépendant d’un ou plusieurs autres. Par exemple, on imagine mal que Renault reste profitable sans l’accès à la main-d’oeuvre roumaine.

La France doit donc dès aujourd’hui se demander quelle construction elle veut imaginer pour demain, afin que l’ordre politique européen lui restitue une part de la prospérité qu’il lui a ôtée depuis des décennies.

Vers un nouvel Empire français en Europe

Structurellement, il est cohérent que la France pose un principe simple: elle a besoin d’agrandir son marché intérieur sans être entravée par la contrainte monétaire de l’euro que l’Allemagne exerce sur elle. Compte tenu de la tradition française d’une faible compétitivité hors prix, il nous faut une politique monétaire souple, avec un plus grand resserrement de la politique budgétaire, mais un marché intérieur large correspondant à une zone monétaire optimale mais plus étroite que la zone euro.

Pour se doter de cet espace, la France doit franchir deux étapes.

Premièrement, elle doit retrouver les frontières naturelles du royaume, incluant l’ancienne duché de Bourgogne. Cet espace va d’Anvers jusqu’à Barcelone, et peut éventuellement s’élargir du côté de l’Italie. Ce scénario peut être obtenu rapidement, par un peu de persuasion politique et des formes administratives souples, reposant notamment sur des accords d’association. En termes de sécurité publique, ce retour à nos frontières historiques permettra de régler les problèmes de terrorisme en Belgique, par l’intégration de l’ensemble dans un espace politique unique.

Deuxièmement, la France doit imaginer la reconstruction d’un ordre politique correspondant aux frontières naturelles des projets impériaux qui ont assuré, pendant plusieurs siècles au total, la prospérité du continent.

Ces projets sont ceux de 1804, bien sûr, mais aussi ceux de Charlemagne et de l’Empire romain, qui incluaient tous dans le même espace politique un territoire courant du Rhin au détroit de Gibraltar et à la Sicile. La difficulté ne sera pas ici de reconstituer ces espaces, mais d’obtenir l’intégration du Rhin dans une construction politique nouvelle, sans intégrer la Prusse.

Je reviens prochainement sur ce sujet, car il mérite quelques remarques spécifiques. D’ici là, il est essentiel de renverser la logique selon laquelle la France se renforcera grâce à une Europe dominée par la Prusse. La France ne se renforce que grâce à une Europe qu’elle domine elle-même.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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