Un « électrochoc de compréhension » pour rendre la politique économique de Hollande lisible ?

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Par Laurent Meriaux Publié le 6 novembre 2013 à 2h14

La fronde opposant le gouvernement aux agriculteurs bretons aura finalement tourné en faveur de ces derniers. Un bras de fer qui devrait connaître au moins une autre manche, puisque Jean-Marc Ayrault ne s'estime pas défait, simplement un peu affaiblit. En attendant que le Premier ministre ne sorte de son chapeau une nouvelle mouture de cette mesure, il peut regarder les sondages avec sérénité.

Une confortable majorité de Français s'estiment satisfaits de son recul au moins provisoire. Pour garder la pêche, il devra cependant focaliser son regard sur une toute petite partie de ces sondages : une écrasante majorité de ces mêmes Français jugent par ailleurs la politique économique de son gouvernement détestable.

L'écotaxe reste en carafe

Le dernier sondage réalisé par Tilder, LCI et OpinionWay fait office de couperet. La proportion de "mécontents" de la politique économique du gouvernement y culmine à 82%. C'est 7 points de plus qu'en septembre. En fait, les Français n'ont jamais été aussi nombreux à désavouer la ligne défendue par Ayrault & Co, sous l'impulsion d'un Président semblant dépassé par les évènements.

Le recul de Jean-Marc Ayrault cristallise l'impuissance de l'exécutif à mettre à exécution ses projets. Un point de rupture semble avoir été atteint. Les Français sont excédés par le matraquage fiscal dont ils sont les victimes et ont bien l'intention, à l'instar des agriculteurs bretons, de ne plus se laisser faire. En battant en retraite face à la rue, le gouvernement choisit l'apaisement mais, en plus de renvoyer un signal de son affaiblissement désastreux sur le plan de la communication, déserte le front en laissant les Français éponger son ardoise. Une note plutôt salée.

L'écotaxe selon ses modalités actuelles n'entrera jamais en vigueur, bien, c'est entendu, ne nous en plaignons pas. Reste que des engagements ont été pris vis à vis d'Euromouv', société opératrice du dispositif. Que la taxe soit appliquée ou non, l'Etat devra ainsi lui rembourser 15 millions d'euros par mois pendant 12 ans. En cas de suppression définitive de la taxe, une clause stipule de surcroit que l'Etat en sera quitte pour 800 millions d'euros supplémentaires en faveur d'Euromouv'. Enfin, pour le seul budget 2014, le passage à la trappe de l'écotaxe représenterait un manque à gagner d'1 milliard d'euros pour les caisses de l'Etat.

Pas vu pas pris ?

Il appert de ces chiffres qu'il faudra bien, par le jeu des vases communicants, puiser quelque part l'argent qui manque ici. Voilà maintenant un an et demi qu'on pratique ce gouvernement, on commence à connaître la chanson, on ne s'étonnerait donc pas qu'il profite de l'actuel passage devant le Parlement du projet de loi de finances (PLF) pour charger davantage encore la barque fiscale. Pas vu pas pris ? Allez dire ça aux principaux intéressés.

Les principaux intéressés, en l'occurrence, sont tous les bénéficiaires de dérogations fiscales, qu'ils soient "actifs", c'est à dire aient mis sur pied des montages juridiques particuliers pour en bénéficier ou, par opposition, "passifs". Des dérogations fiscales qui occasionneraient un manque à gagner de 70 milliards d'euros par an pour l'Etat.

Toutes les niches fiscales sont potentiellement concernées. Si l'on ne s'émouvra pas trop de l'éventuelle suppression de l'exonération pendant quinze ans des bénéfices issus de la culture de la truffe (1 million d'euros par an), on fera en revanche un peu grise mine en apprenant que les avantages fiscaux accordés aux parents dont les enfants sont scolarisés dans le secondaire et le supérieur sont, eux aussi, en danger. Ou comment alourdir considérablement le budget des ménages et décourager certaines carrières nécessitant de longues études.

Dans ces conditions, tout espoir de changement positif semble vain. Tant dans le cadre du PLF que du PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale). Olivier Dassault, député UMP et président de GEEA, groupe parlementaire luttant pour une meilleure interaction entre pouvoirs publics et entreprenariat, ne se préoccupe pas que de la population active. Il souhaiterait ainsi que les personnes à la retraite puissent elles-aussi bénéficier du versement du capital décès, représentant environ trois mois de salaires de l'assuré et permettant aux proches de faire face aux frais engagés pour les obsèques du défunt. Un amendement frappé au sceau du bon sens, qui a pourtant peu de chance d'être adopté compte tenu des circonstances.

Durant la campagne présidentielle de 2012, le candidat Hollande affirmait que la crise était moins grave qu'annoncé. Pourquoi, alors, réduire le corpus de textes adoptés à une litanie de brimades fiscales à l'encontre des salariés, des dirigeants, des auto-entrepreneurs, des consommateurs, des chômeurs, des parents d'élèves, des retraités, etc ? Pourquoi, si ce n'est pour rafistoler dans l'urgence des caisses éventrées, fuyant de toutes parts ?

Il y a quelques mois, François Hollande avait évoqué un "choc de simplification" lors d'une interview télévisée. Nicolas Boudot, Directeur chez Tilder, en appelle pour sa part à un "électrochoc de compréhension". La formule est osée, elle a le mérite d'être claire. Abrutir les Français d'impôts et taxes en tous genres est déjà contestable quand il s'agirait plutôt d'encourager l'emploi, de favoriser la reprise, mais appliquer cette politique d'austérité en affirmant par ailleurs que non, non, tout ne va pas si mal, relève carrément de la schizophrénie. D'aucuns diraient de la mauvaise foi.

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Laurent Meriaux est cadre dans le business development. Depuis maintenant plus de dix ans, il accompagne les sociétés de haute technologie dans leur développement à l'international.

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