Electricité : des PME toujours mal informées malgré la fin des tarifs réglementés

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Par Xavier Pinon Modifié le 29 novembre 2022 à 9h25
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@shutter - © Economie Matin
16 %Les coûts de production de l'électricité nucléaire ont progressé de 16 % entre 2010 et 2013.

Au 1er janvier 2016, la fin des tarifs réglementés jaune et vert aurait pu permettre aux entreprises de s’approprier le fonctionnement du marché de l’énergie et de prendre le contrôle de leurs factures. Au final, la peur de l’inconnu, la force des habitudes et le manque d’information ont fait que les entreprises ont été nombreuses à se tourner vers EDF en tant que fournisseur d’offres de marché « par défaut », voire vers des offres de la concurrence pas forcément plus avantageuses.

En l’an 2000, quand les autorités publiques ont initié la dérégulation du marché de l’énergie dans un contexte de hausse des prix des matières premières, l’objectif était de stimuler une baisse des prix par l’introduction de la concurrence. Seize ans plus tard, ce 1er janvier, la disparition des tarifs réglementés pour les professionnels et les entreprises a signé le parachèvement de la dérégulation, sans pour autant que les entreprises n’exercent pleinement leur rôle d’agent économique informé et rationnel.

Un premier bilan mitigé

Au moment de choisir une offre de marché, sept clients sur dix se sont tournés vers le fournisseur historique EDF, dont les prix ne sont pourtant pas nécessairement les plus compétitifs. Parce qu’il est en charge d’un parc de centrales nucléaires vieillissant, le fournisseur historique doit faire face à des frais en augmentation constante. Les coûts de production de l’électricité nucléaire ont progressé de 16% entre 2010 et 2013, et semblent voués à progresser encore sur les années à venir. En contraste, les marchés de gros de l’électricité sur lesquels s’approvisionnent les fournisseurs alternatifs affichent de fortes baisses entre 2013 et 2016, avec la montée des énergies vertes et la chute des prix des matières premières.

L’erreur a été de croire qu’il suffirait de faire disparaitre les tarifs réglementés, obligeant ainsi les clients à choisir leur offre de marché, pour introduire davantage de concurrence. C’était négliger l’autre partie de l’équation : l’information des clients, qui manquent souvent de temps pour comparer correctement les offres, voire tout simplement pour souscrire chez un fournisseur. Malgré les nombreuses annonces médiatiques de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et les lettres de relance, plus d’un client sur cinq n’avait toujours pas fait la démarche de choisir une offre de marché à la date butoir. Parmi eux, près de 90% sont des sites professionnels de taille moyenne, correspondant au profil tarif jaune. Ces retardataires ont été basculés sur une offre de remplacement standard, 5% plus chère que les tarifs réglementés disparus. Au 1er juillet, en l’absence de réaction de leur part, ces retardataires seront basculés sur d’autres offres, dont le surcoût pourrait s’établir cette fois à 20%, d’après les souhaits de la CRE.

Plus de transparence dans la divulgation des grilles tarifaires

De façon certaine, EDF profite aujourd’hui de la popularité que lui confère son statut de fournisseur historique, présent auprès de ses clients depuis 1946. Les fournisseurs alternatifs, pour leur part, n’ont pas réussi à mettre en avant les gains que peuvent espérer les clients passant à la concurrence.

Sur la vingtaine de fournisseurs proposant des offres correspondant aux tarifs jaunes, seuls Lampiris et Enercoop ont rendu publiques leurs grilles tarifaires. La plupart ne proposent que des offres sur mesure, alors que les entreprises de taille moyenne sont habituées à des tarifs jaunes standardisés et n’ont pas de besoins tarifaires spécifiques. En l’absence de grilles tarifaires publiques, le client doit adresser des demandes de devis à chacun des fournisseurs qu’il souhaite comparer, livrant au passage une batterie d’informations sur son profil de consommation. Sur un marché où les fournisseurs alternatifs souffrent encore d’un déficit de notoriété, même pour le leader Direct Energie, on comprend que cette procédure ait pu décourager un grand nombre de clients potentiels.

Par ailleurs, chez EDF comme chez certains de ses concurrents, de nombreux clients ont pu être induits en erreur par des grilles tarifaires excluant la part acheminement, qui rémunère les gestionnaires de réseau RTE et ERDF.

Décidément, il aura été bien difficile pour les entreprises de comparer leur nouvelle offre aux tarifs réglementés ! Pour mieux informer et convaincre cette clientèle de moyennes consommations (anciens tarifs jaunes), et pour que les acteurs les plus compétitifs puissent sortir du lot, les fournisseurs alternatifs auraient intérêt à faire preuve de davantage de transparence en publiant leurs grilles tarifaires.

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Diplômé de Sciences-Po Paris (Master Finance et Stratégie) et de Columbia University à New York (Master en A?aires Internationales, Management et Politiques publiques du secteur de l’énergie) co-fonde Selectra en 2007. En tant que dirigeant, Xavier supervise les aspects commerciaux et le business development. Il est co-auteur d’un livre sur le marché de détail français de l’énergie.

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