Les craintes de coupures d’énergie durant l’hiver 2022-2023 se font de plus en plus pressantes : la baisse de la production française couplée à la guerre en Ukraine inquiètent. Et si des coupures d’électricité avaient lieu chez les particuliers cet hiver ? C’est possible, à en croire une information de Mediapart. Sauf qu’en fait, c’est plutôt logique.
Un décret en préparation pour couper l’électricité sans compensation pour les particuliers
Un article de Mediapart publié le 8 juillet 2022 n’a pas manqué d’être repris par une partie des opposants à Emmanuel Macron. Dans celui-ci, on lit simplement : « selon nos informations, un décret est en cours de rédaction pour permettre des coupures d’électricité et mesures de délestage chez les particuliers, sans que celles-ci donnent lieu à indemnisation, à la différence de ce qui est fait pour les entreprises ».
L’article met en rapport l’annonce de la nationalisation d’EDF, qui devrait coûter près de 10 milliards d’euros selon les premières estimations, la situation financière plus que difficile de l’énergéticien public et les risques de pénuries d’énergie durant l’hiver 2022-2023.
C’est surtout le « sans compensation financière » qui est central : un peu comme si le gouvernement allait couper l’électricité des particuliers pour faire des économies et assainir les comptes d’EDF. C’est une théorie possible, mais ça risque d’être très compliqué.
Électricité : quelques centimes d'euro par ménage et par heure
Quelques calculs permettent de voir facilement si cette théorie de la coupure d’électricité des particuliers pour assainir EDF est plausible. Pour commencer, il faut prendre la dette d’EDF qui s’établit à 43 milliards d’euros. Or, lorsqu’on prend la facture moyenne française des ménages en électricité, elle est de 1.400 euros par an, soit 1.400 euros pour 8.760 heures (le nombre d’heures en un an). Une heure d’électricité représente ainsi, en moyenne, une dépense de 0,15 euro pour un ménage.
Combien de temps faudrait-il couper l’électricité aux ménages français pour qu’EDF économise 1 milliard d’euros, soit moins d’un quarantième de dette ? Environ 6,7 milliards d’heures cumulées. Rapportées aux 30 millions de ménages de France, cela représentera 222 heures de coupure… pour tous les ménages de France sans exception. Pour qu’EDF économise 1 milliard d’euros, il faudrait donc que tous les ménages de France connaissent 9,2 jours entiers de coupure d’électricité en une année. Et il resterait alors 42 milliards d’euros de dette à EDF.
N’oubliez pas le rasoir d’Ockham
L’idée que l’État puisse tenter d’assainir la dette d’EDF en coupant l’électricité aux ménages est certes attirante, mais plutôt alambiquée et, nous l’avons vu, bien peu efficace. Peut-être que le décret annoncé par Mediapart répond à une problématique bien plus simple ? Et si nous faisions entrer en jeu le rasoir d’Ockham ?
Ce principe philosophique s’exprime comme suit : « Pluralitas non est ponenda sine necessitate », qui en latin signifie « les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité ». En somme, il convient de chercher les solutions les plus simples en premier (sans que cela soit forcément la vérité).
Or, dans le cas présent, le décret pourrait tout simplement répondre à la nécessité de couper l’électricité aux particuliers dès lors qu’il n’y a plus assez d’énergie dans le pays. Un simple délestage, en somme, qui paraît logique dans le cadre de la crise énergétique.
Quant à la question du non-remboursement, rappelons qu’une heure d’électricité coûte en moyenne 0,15 euro à un ménage. Si sur l’ensemble de la période critique, un ménage a connu 10 heures de coupures, il pourrait réclamer 1,5 euro. Une somme qui risque de coûter plus cher à EDF en traitement du remboursement, ce qui expliquerait que l’entreprise ne le fasse pas.