Les élections départementales face à l’opinion et aux médias

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Par Cyrille Darrigade Publié le 19 mai 2021 à 6h07
Democratie Vote Elections
@shutter - © Economie Matin
50,02%Lors des élections départementales de 2015, le taux d'abstention a atteint 50,02%.

Peu médiatisées, les élections départementales sont guettées par l’abstention et le désintérêt des Français pour la politique. Un paradoxe alors que ces derniers demandent plus de proximité. Comment faire campagne dans l’atonie provoquée par la Covid-19 ? La communication politique va devoir s’adapter à une opinion fragmentée. Le terrain et les réseaux sociaux permettront-ils de reconquérir la démocratie amoindrie par la crise de la représentation. Analyse d’un hymne de campagne.

Comme les Européennes, autrefois appelées “présidentielles du pauvre”, les élections régionales constituent le dernier baromètre avant la course pour l’Elysée. Redécoupées, les Régions bénéficient de personnalités politiques exposées. En effet, ici la communication territoriale a donné sa pleine mesure à défaut d’avoir su donner une âme à ces nouveaux espaces administratifs. A l’exception de ceux qui arboraient ou revendiquaient de longue date une identité naturelle. Les 20 et 27 juin prochains, les électeurs seront donc amenés à renouveler leurs assemblées régionales. Le même jour, se jouera aussi le scrutin départemental, jusqu’ici peu évoqué et peu médiatisé, alors qu’il est un échelon de proximité quotidienne pour les administrés. La presse régionale s’en empare pour l’heure très timidement.

Créé en 1790 à la suite de l’abolition des privilèges, les Départements (101 à ce jour) sont de multiples divisions du pays, dont les noms ont été bien souvent choisis en fonction de la géographie et de l’hydrographie. En de rares exceptions, ils n’ont guère varié depuis. Sauf dans l’exercice du pouvoir exécutif détenu par les Préfets et transféré aux Présidents des conseils généraux (récemment renommés conseils départementaux) à la faveur des Lois de Décentralisation de mars 1982. Dans l’histoire de la communication politique, le conseiller général vêtissait bien souvent les habits du notable ou du prolétaire selon les familles politiques des différents cantons et le choix des électeurs. Sous la Vème République, on peut observer que cette fonction conduisait naturellement à conquérir un hôtel de ville. Ou l’inverse. Voire même d'entamer une carrière de parlementaire.

Rappeler les réalités quotidiennes

Pour autant, comme les autres scrutins, les départementales sont menacées par l’abstention et n’échappent pas au désintérêt de plus en plus manifeste des Français pour les urnes. Cela dit, la pédagogie n’est pas à proscrire sur l’action des Départements et c’est le rôle de la presse dans son ensemble. Informer et être au service des lecteurs, auditeurs, téléspectateurs quel que soit le support. En effet, dans un environnement globalisé, rappeler les compétences du Département n’est pas vain ! Chef de file en matière d’aide sociale, d’autonomie des personnes et de solidarité; il gère entre autres le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation personnalisée d’autonomie (APA), la protection maternelle et infantile (PMI) ou encore l'aide aux personnes handicapées. De même, son rôle en matière d’enseignement n’est pas négligeable puisqu’il décide de la construction et de l’équipement des collèges, de la culture, de la valorisation du patrimoine. Mais encore des routes, de l’aménagement du territoire et des communes. Plus récemment, de nombreuses collectivités départementales se sont investies dans la prévention et la lutte contre la COVID-19, montrant s’il le fallait, que les conseillers départementaux savaient faire preuve d’organisation, de réactivité et d’efficacité plus rapidement parfois que les services de l’Etat.

Géolocaliser l’électorat

Bien sûr, il est évident de s'interroger sur la manière de faire campagne dans un tel contexte ? Quelles méthodes faut-il employer pour mobiliser son camp et au-delà, bref pour aller toucher la cible des votants, des indécis ? Dans cet environnement si particulier, la presse quotidienne et hebdomadaire vont se faire le relais des candidatures, de l’intérêt de l’institution et publier les résultats. Pour autant, ce vecteur n’est plus l’expression d’opinions. La plupart des journaux sont désormais des supports d’informations au service de leur lectorat ; ce qui n'exclut pas des partis pris. Tout d’abord, les réseaux sociaux joueront un rôle plus important. Le confinement a eu pour effet de digitaliser une grande partie de la population. Facebook où les posts vont permettre aux candidats, d’annoncer, traiter et revenir sur les éléments de bilan ou programmatiques. Twitter, où le débat entre opposants attise la curiosité des journalistes. Instagram, parce que les photos valent bien le poids des mots. Indéfectiblement, le média social pourra osciller entre rationnel et émotionnel. Quid des salles autrefois remplies ? On leur préférera les rencontres à l’extérieur, sous forme d’un stand au détour d’un marché, d’un quartier. Car l’heure n’est plus aux discours fleuves d’un candidat mais bien à l’interaction avec la population, au contact direct où l’on recueille plus la parole que l’on ne parle soi-même. L’électeur ne vient plus spontanément au candidat qui doit, comme on le dit des applications, le “géolocaliser” pour mieux répondre à ses aspirations. De même, si les batailles d’affiches se font de plus en plus rares, être absent des espaces d’expressions publiques et des panneaux officiels peut avoir un effet négatif. La reconnaissance passe par la répétition de l’image. Mais aussi du message, pour peu qu’il soit court et percutant. De même, l’affiche se doit d’être sincère et en cohérence avec la personne et son projet. Il reste bien entendu la profession de foi. Parmi les tracts et les brochures dont vont être abreuvés les électeurs, elle est peut-être encore le document sur lequel il faut porter le plus d’attention. Elle accompagne la propagande officielle distribuée dans tous les foyers inscrits sur les listes électorales avec le bulletin. Mais il faut être juste et clair en favorisant une lecture efficace et rapide où l’essentiel est dit. Le temps “disponible” de chacun est devenu beaucoup plus précieux bien qu’autant décisif.

Face à une opinion fragmentée, c’est bien sur le terrain que vont se départager les candidats aux départementales et c’est bien là qu’il va falloir reconquérir la démocratie, pour amoindrir la crise de la représentation. Les 2054 cantons, bien que redécoupés en 2014, sont les mieux adaptés pour relayer au pouvoir central, les réalités socio-économiques et démographiques mais aussi équilibrer la représentation populaire provinciale face à ce dernier. Urbains, ruraux ou issus des deux milieux, les 4108 conseillers départementaux vont bénéficier d’un mandat de six ans. Un temps qui paraît long et avec lequel devrait renouer la politique, dans un monde de plus en plus instantané, fugace. Paradoxe heureux de notre société, cette institution ancienne qu’est le Département a résisté aux nombreuses tentatives de suppression. Parce qu’au fond, même s’ils boudent les urnes, les Français n’en demeurent pas moins attachés à leur identité. Et si finalement, la clé de ce scrutin résidait dans la capacité des candidats à les rendre plus fiers du “petit pays” où ils vivent ? Les contempteurs de la ruralité ou des métropoles donneraient sans doute un tout autre hymne à cette campagne, histoire oblige.

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Consultant en relations presse et médias Diplômé en sciences de la communication et l’information de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand

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