[Best Of] Vers un second tour Le Pen-Mélenchon?

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 28 juillet 2017 à 16h19
Fance Election Presidentielle 2017
cc/pixabay - © Economie Matin
19,6%Lors du second tour de l'élection présidentielle de 2012 19,6 % des Français n'ont pas voté.

Le Best Of de l'été vous remémore le meilleur des actualités de l'année 2016-2017. En cette fin de semaine, voici les polémiques marquantes suscitées lors des campagnes présidentielles cette année.

Et si le second tour n’opposait pas un candidat de la droite à Marine Le Pen, mais ce joker de gauche qui commence à se profiler: Jean-Luc Mélenchon? Il est assez drolatique d’imaginer à quoi pourrait ressembler le conflit des programmes dans ce cas de figure, et l’abime de perplexité dans lequel l’opinion « modérée » sera plongée.

Une position acquise pour Marine Le Pen?

Premier point, l’opinion est préparée depuis plusieurs mois à une présence quasi-certaine de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Les résultats des régionales suffisent à expliquer le problème. Au premier tour, le Front National est devenu le premier parti politique de France, avec 6 millions de voix, soit 250.000 de plus que les Républicains, et un million de plus que le Parti Socialiste.

Dans ces conditions, on peut imaginer que Marine Le Pen se qualifie pour le second tour, sachant qu’en 2012, elle avait déjà réuni 6,5 millions de voix sur son nom.

Là encore, rappelons que Jean-Marie Le Pen, en 2002, s’était qualifié avec 4,8 millions de voix (1,2 millions de moins que le FN en 2015), et que Jacques Chirac, arrivé en tête, n’avait recueilli que 5,6 millions de voix. Bref, il est plausible que, face à l’éparpillement des candidats au premier tour, Marine Le Pen se trouve en ballotage favorable…

La surprise Mélenchon?

Reste à savoir qui l’affrontera au second tour si elle se trouve qualifiée. Sur ce point, Mélenchon pourrait créer une surprise à gauche, surtout si Alain Juppé est le candidat de la droite et qu’il mord fortement au centre, voire parmi les déçus du parti socialiste. Dans cette hypothèse, on peut penser qu’un certain nombre de supporters de Sarkozy bouderont leur parti pour reporter leur voix sur le Front National, et que Juppé se trouvera au coude-à-coude avec un candidat de gauche qui risque de le dépasser.

Or, Mélenchon a réuni sur son nom, au premier tour de la présidentielle de 2012, près de 4 millions de voix, soit environ 600.000 de moins que Jospin au soir du fatal premier tour de 2002. En 2012, Hollande avait réuni 10 millions de suffrages sur son nom au premier tour.

Un déport des électeurs socialistes vers Mélenchon pourrait donc créer un séisme puissant. Il suffirait que la moitié des électeurs socialistes du premier tour de 2012 vote Mélenchon en 2017 pour que l’intéressé soit assuré de flirter avec les 8 ou 9 millions de voix.

Les ennemis de la finance et Mélenchon

Pour les Républicains, cette hypothèse constitue un vrai risque. Le discours de Juppé se place en effet sur un positionnement « entre deux » qui risque de lui jouer un tour à la présidentielle, même s’il lui permet d’espérer gagner la primaire.

Tactiquement, en effet, Juppé promet une baisse des dépenses publiques qui peut séduire l’aile droite du PS, mais qui ne mobilisera pas ceux qui avaient voté parce qu’il se présentait comme « l’ennemi de la finance ». Ceux-là trouveront plus d’atomes crochus avec Mélenchon et préféreront voter pour lui dès le premier tour.

Pour Juppé, la situation sera d’autant plus délicate qu’une candidature Valls en remplacement de Hollande mordra sur ses terres et ne comblera pas le vide à la gauche du PS. Il est très probable que, là encore, Mélenchon apparaisse comme un recours satisfaisant, pendant que Valls privera Juppé d’une base centriste.

Bref, le jeu des vases communicants est extraordinairement favorable à Mélenchon, et les conditions se réunissent pour qu’une surprise se produise.

Un second tour risqué pour l’équilibre politique du pays

Si, donc, se réalisait cette hypothèse plausible d’un second tour Mélenchon-Le Pen, la situation politique du pays deviendrait extrêmement compliquée. Les électeurs auraient en effet le choix entre deux programmes de rupture forte avec la situation actuelle, et les ruptures proposées seraient loin de représenter la complexité de l’opinion.

Disons même qu’entre le FN et la France Insoumise, les points communs sont nombreux et les différences limitées. Ces points communs se concentrent tout particulièrement autour du rôle de l’Etat et de son intervention dans la vie économique, options à rebours des attentes fortes exprimées par les forces vives du pays.

Mélenchon, le candidat de la pression fiscale

Sans surprise, Mélenchon déploiera un projet fondé essentiellement sur la vertu de l’impôt et de la pression fiscale. Aucun entrepreneur ne nourrit la moindre illusion sur la sauce piquante à laquelle il sera mangé par ce programme qui suinte la haine de la liberté et prépare une soviétisation en bonne et due forme de l’économie française.

Sur le fond, on ne fera pas le reproche à l’intéressé d’avoir caché ses intentions sur ce sujet, ni même son attachement à un changement de régime, et encore moins son admiration pour des révolutions socialistes qui bouleversent l’ordre connu jusqu’ici des économies libérales.

Le FN et l’interventionnisme étatique

Du côté du Front National, les désagréments ne devraient pas être moins grands. Marine Le Pen ne cache pas son hostilité au libéralisme et ses mesures risquent d’en défriser plus d’un.

Elle ne fait par exemple pas mystère de son intention d’instaurer une préférence nationale dans les entreprises. Les employeurs ont haï jusqu’ici l’hyperinflation réglementaire du Code du Travail. Ils risquent de comprendre rapidement que le Front National, loin d’inverser la tendance, va l’accroître, et de façon ubuesque.

En particulier, l’intention affichée du Front National de réglementer le marché du travail devrait produire des résultats analogues à ceux du programme mélenchonien. On imagine d’ici l’angoisse de l’employeur obligé de sacrifier de bons salariés étrangers au bénéfice de salariés français moins motivés. La catastrophe se prépare!

Le drame politique français

On imagine, ce faisant, l’impact d’une présidentielle dont la configuration serait celle-là. La rupture qui se préparerait produirait des clivages profonds dont on voit mal comment le pays se relèverait. Et démonstration sera faite qu’un étatisme de gauche n’a rien à envier à un étatisme de droite, et inversement…

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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