L’égalité d’accès aux soins est compromise par la gestion administrative de la Santé

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Par Michel Bendahan Publié le 1 mars 2022 à 6h01
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@shutter - © Economie Matin
11,1%11,1% de la population française a un accès limité aux soins.

La lutte contre les déserts médicaux passe par un développement plus équilibré des différents territoires du pays, mais aussi par une approche moins administrative de la santé.

Depuis une dizaine d’années, l’expression «déserts médicaux» est abondamment utilisée pour décrire des territoires où les habitants rencontrent des difficultés d’accès aux soins. Popularisée par les médias, la formule, pourtant peu flatteuse, est aujourd’hui totalement assumée par les pouvoirs publics ou les élus locaux, qui n’hésitent plus à l’utiliser pour décrire l’incapacité à assurer la permanence de soins dans certains secteurs et le manque de disponibilité de médecins généralistes, environ 7,4 millions de personnes en France vivent dans une commune où laccès à un médecin généraliste est limité, soit plus d’un dixième de la population (11,1%). Cette proportion n’a cessé de croître, puisqu’elle était de 7,6% en 2012. Il s’agit donc d’une réalité quotidiennement vécue par les patients.

Les déserts médicaux sont avant tout des déserts tout court

Naturellement, à l’approche de la présidentielle, le phénomène est ouvertement débattu par les différents candidats, conscients de son importance pour les électeurs. La réponse apportée par la plupart des candidats semble être la coercition. Le candidat des verts, Yannick Jadot, veut ainsi que les jeunes médecins et le personnel soignant aillent servir deux ans dans les zones oubliées. Oubliant au passage les longues et difficiles années d’internats dans les hôpitaux publics, qui relèvent déjà de ce type de service. Une telle décision provoquerait certainement une vive réaction des internes menant à une grève inéluctable et aurait des conséquences sur la motivation des étudiants. Inutile d’ajouter une pénurie de vocations au processus de pénurie organisée déjà en cours !

La proposition connaît des variantes. Chez Les Républicains, Valérie Pécresse propose l’instauration de stages obligatoires en zones rurales pour les étudiants. Stages que l’on imagine volontiers sous dotés. De plus, la candidate oublie de préciser où elle trouvera les maîtres de stages disponibles. Les solutions proposées par certains s’apparentent à des remèdes iatrogènes. Les conséquences se révéleraient vite pire que le mal.

De son côté, Eric Zemmour propose dembaucher mille médecins. L’Etat employeur pouvant muter des fonctionnaires dans des zones prédéfinies, cette idée semble plus souple. Une proposition qui peut être attractive pour de jeunes praticiens, cherchant aussi bien la sécurité d’un emploi salarié bien codifié qu’un cadre de vie permettant une vie familiale balisée.

Le vrai problème est que les déserts médicaux sont avant tout des déserts tout court.

La France de la pénurie de personnels de santé correspond beaucoup à celle des faibles densités, puisqu’elle concerne les zones septentrionales, rurales et périurbaines. Cette carte se superpose assez bien à celle de la répartition des ouvriers dans l’espace français, publiée en 2017 par Hervé Le Bas dans The Conversation sur des données 2013. C’est également la géographie de l’hyper-ruralité, qui est définie par l’enclavement et la difficulté d’accès plutôt que par la faible densité. Dans le rapport que le sénateur de la Lozère, Alain Bertrand, a consacré à lhyper-ruralité, il souligne ses effets sur la santé des habitants : « 4,7 millions d’habitants ont un risque deux fois plus élevé faire un accident vasculaire cérébral.»

Une vie sous pression

Les déserts médicaux sont les conséquences d’une déshumanisation de l’agriculture, de la désindustrialisation et du dépeuplement de ces zones en faveur des villes. Les conséquences pour un médecin sont lourdes. La permanence de soins étant uniquement assurée par le service des urgences débordé, le généraliste se trouve sous pression 24 heures sur 24, car les patients savent où le trouver. Son activité est paradoxalement peu rémunératrice et répartie sur un vaste territoire, difficile à couvrir. Autour de lui, le manque d’infirmiers, de spécialistes et de laboratoires complique les soins et le suivi des patients.

A cela, s’ajoutent les incertitudes pour sa famille. Le conjoint peut-il trouver un emploi en accord avec ses ambitions ? Les installations scolaires assurent-elles une instruction correspondant aux attentes des parents ? Sans oublier qu’il faut aussi renoncer à un réseau amical construit pendant de longues années d’études.

Le problème ne dépend donc pas uniquement de la motivation des médecins. Il est grandement nourri par le déclassement général des régions rurales la proposition d’Eric Zemmour s’inscrit alors très logiquement dans son plan plus général pour favoriser lessor économique de ces territoires.

Mettre fin au malthusianisme médical

Enfin, pour lutter contre les déserts médicaux, la médecine française doit sortir d’une politique «malthusienne» qui a visé à décourager l’accès à la profession médicale : sélection mal orientée, numerus clausus excessif… Aujourd’hui, la France fait face à une pénurie. Certaines solutions retenues, comme attirer en France des médecins étrangers, posent de vraies questions. Est-il éthique d’aggraver d’autres déserts médicaux à l’étranger sans pour autant combler les nôtres ?

En politique comme en médecine, les remèdes miracles n’existent pas. Mais une approche sensée permet souvent de trouver les racines du mal et de lutter efficacement contre. Il n’y a pas, en réalité, d’autre solution à terme que de former un grand nombre de médecins. Pas uniquement généralistes. Il faut également penser à tous les spécialités nécessaires dans les zones enclaves comme des gynécologues, nécessaires pour préserver les maternités de proximité.

Il est donc primordial d’encourager les vocations et de permettre aux étudiants un choix plus large d’options quant au métier médical qu’ils veulent exercer. En parallèle, nos décideurs doivent impérativement cesser de faire les poches de la médecine praticienne pour réorienter les professionnels vers des métiers parallèles, parfois contestables. Il est ainsi grand temps de supprimer les postes de médecins n’exerçant pas la médecine. Ceux qui ont été formés pour soigner ne doivent pas perdre leur temps dans fonctions administratives non productives de soins.

On peut ainsi réfléchir au sort des agences régionales de santé (ARS) que le candidat de Reconquête veut supprimer. Si certaines tiennent leur rôle, d’autres bénéficient d’effectifs pléthoriques qui pourraient être mieux utilisés. Une chose est certaine : la pseudo démocratie sanitaire mise en place par la réforme Bachelot est une tour de Babel extrêmement onéreuse et, dans bien des cas, parfaitement inutile.

Faire disparaître les déserts médicaux nécessite une approche holistique, imposant des réformes majeures tant économiques, territoriales, universitaires qu’administratives. Cela ne se réglera pas avec des mesures autoritaires mais en apportant une dynamique aussi ambitieuse que bienveillante au pays et à sa population.

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Ancien président de l’URBML des biologistes libéraux des Pays de la Loire. Syndicaliste professionnel depuis 1989. Professionnel en exercice.

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