EDF casse ses prix pour sauver l’aluminium français

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Par Catherine Moal Modifié le 15 mai 2012 à 3h20
CONFIDENTIEL

Les négociations patinaient depuis des mois, voire des années... EDF et le groupe anglo-australien Rio Tinto Alcan (RTA) ont finalement abouti à un "accord de principe" sur un prix entre 29 et 32 euros le MWh d'électricité fournie à l'industriel, pour faire tourner sur le long terme l'usine d'aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie.

Le coût de l’électricité peut représenter plus du tiers du coût de production de l’aluminium. Aussi, ce tarif ultra-préférentiel de 29 à 32 euros le MWh (contre un prix catalogue théorique de 45 à 52 euros), lâché par EDF, reste décisif pour pérenniser l'activité de cette usine qui consomme autant d'énergie que la ville de Grenoble chaque année, et produit 100 000 tonnes d'aluminium par an sous forme de fils.

De ce fait, les 600 salariés de RTA dans cette vallée de la Maurienne peuvent dormir plus tranquilles, et EDF avoir le beau rôle du "sauveur". Stratégique, en cette période d'alternance politique, pour Henri Proglio, que l'on sait proche de l'ancien président de la République qui l'a nommé à la tête de l'électricien français ! EDF en profite aussi pour éteindre un contentieux judiciaire long et couteux qui l'opposait à RTA sur... les tarifs promis par l'ancien contrat, que RTA aurait voulu voir prolongés. Un contrat conclu voici 30 ans, et qui garantissait un MWh à... 18 euros ! Intenable pour EDF dans le nouveau contexte énergétique. Le nouveau contrat d'approvisionnement négocié court donc sur seulement dix ans, avec un volume qui permettrait de faire tourner correctement les 120 cuves actuellement opérationnelles sur le site savoyard (sur 180). Reste à savoir si ce prix est fixe (a priori il l'est jusqu'en 2017), ou évolutif sur la période ?

Dans de telles conditions, l'usine savoyarde est-elle sauvée ? " On peut le penser ", analyse François Hommeril, secrétaire national CFE-CGC, secteur Europe. Car, même si RTA souhaite toujours vendre son usine, la cession devient d'autant plus plausible avec le "nouveau" contrat d'approvisionnement en poche.

Christian Cochard, directeur de la fabrication du site jusqu’en 2008, et porte-parole du comité de défense créé par d’anciens cadres, n'est pas de cet avis : "Malgré ce tarif très intéressant, cette usine ne gagnera pas d'argent. Pour la faire vivre, il faut changer de stratégie industrielle, investir pour faire du recyclage et augmenter la production". Ce qui nécessiterait un investissement de 150 à 200 millions d'euros sur les 15 ans à venir, selon son estimation.

Or, toutes les alumineries européennes sont peu à peu délocalisées vers l'Islande ou le Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Dubaï, Qatar...), où les prix de l'électricité sont les plus bas du monde. Que fera RTA à Saint-Jean-de-Maurienne ?

Fin mai, Jacynthe Côté, la patronne de Rio Tinto Alcan, se déplacera depuis Québec au siège français du groupe, à Voreppe (Isère). Les raisons de son voyage en Europe ne sont pas précisées... mais on devrait en apprendre davantage.

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Catherine Moal est journaliste indépendante. Après des études de Lettres, a passé plus de 20 ans à la rédaction de "L'Usine Nouvelle", l'hebdomadaire de l'industrie française et internationale. Les usines et l'impact de leur évolution (développement, relocalisation, cession, fermeture, ré-industrialisation...) sur l'économie régionale ont toujours été l'une de ses spécialités.

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