EDF veut doubler son parc renouvelable en France et en Europe d'ici à 2030. Cet objectif s'inscrit dans le cadre d'un plan stratégique, "Cap 2030", grand combat du président directeur général du groupe, Jean-Bernard Lévy. Un nouveau visage pour le géant de l'électricité français ? Pas vraiment. Si la compagnie d'Etat est souvent associée à son savoir faire en matière nucléaire, elle est aussi à la tête de la révolution verte depuis plusieurs années - tendance qu'elle entend plus que jamais approfondir à l'étranger. Avec les très faibles émissions de CO2 de son parc français (17 g/kilowattheure moyenne), largement inférieures à la moyenne européenne (328 g/kWh), le groupe veut rester, d'après les mots de son PDG, "le champion de l’électricité bas carbone." Plusieurs pistes sont explorées dans ce sens.
Dans un récent entretien accordé aux Echos, Jean-Bernard Lévy n'y va pas par quatre chemins : "Nous sommes déjà le premier producteur européen d'énergies renouvelables et nous voulons significativement accélérer dans ce domaine. Notre objectif est de doubler notre parc européen, et français, en 2030, c'est-à-dire passer de 28 gigawatts (GW) à plus de 50 GW."L'objectif est ambitieux, mais réalisable. Il envoie par ailleurs un message clair : le premier producteur et fournisseur d'électricité mondial ne s'est pas endormi sur ses lauriers, loin s'en faut. Et il faut souligner que depuis son arrivée en novembre dernier, le polytechnicien a tout fait pour remettre au goût du jour et simplifier les modes de fonctionnement du véritable Léviathan qu'était devenu le groupe.
Cette stratégie de développement a vocation à s'étendre sur tout le territoire européen, et bien au-delà. EDF ambitionne en effet de développer les sources d’énergies renouvelables partout dans le monde, là où son renom était à présent surtout associé au nucléaire. Le producteur d'électricité "souhaite être présent de façon significative dans trois à cinq pays hors d’Europe, notamment dans le solaire et l’éolien". Mais pour y parvenir, "il faudra faire des arbitrages. Nous avons placé sous revue stratégique l’ensemble de nos actifs dans les énergies fossiles hors de France" annonce Jean-Bernard Lévy.
Ces engagements "verts" arrivent en plein dans l'essor des cleantech et smart grids. Les premières - abréviation de clean technology - reposent sur les ressources naturelles dans une perspective d’amélioration de l’efficacité et de la productivité, une réduction du volume de déchets, avec dans la plupart des cas une performance supérieure aux technologies existantes. Les smart grids quant à eux sont des réseaux intelligents basés sur les nouvelles technologies, qui permettent une meilleure redistribution des différentes sources d'énergie afin de limiter les déplacements et les pertes d'électricité liées aux problèmes de stockage. Les dirigeants d’EDF ont acquis la conviction que cet essor des renouvelables entraînera une évolution vers un modèle plus décentralisé où cohabiteront de grandes centrales et des réseaux de production locale. Une évolution qui ne se fera toutefois pas au détriment de l'énergie nucléaire.
"Nous consacrerons aux énergies renouvelables le maximum d'investissements sans remettre en cause les ressources nécessaires pour moderniser ou renouveler le parc nucléaire français et britannique", souligne Lévy. Le projet d'EPR à Hinkley Point, pour lequel EDF oeuvre, est d'ailleurs reparti après une période de piétinement. Le niveau de prix (92,5 livres par mégawatt/heure pendant 35 ans ) a été approuvé par le gouvernement britannique et par la Commission européenne. Deux autres EPR sont prévus à Sizewell et un réacteur à base technologique chinoise, le Hualong, sur le site de Bradwell.
EDF ne renoncera donc pas au nucléaire. Bien que controversé, le nucléaire est une énergie non carbonée, avec des émissions très basses, à une époque où de nombreux pays (Chine, Australie, Indonésie…) opèrent un retour au charbon. Ce dernier représente en effet 30% de la consommation totale d’énergie dans le monde ce qui en fait la deuxième source d’énergie la plus consommée derrière le pétrole. L'utilisation du charbon a connu par ailleurs une croissance plus importante que ce dernier, et sur les dix dernières années, sa production a augmenté, avec l'impact environnemental que l'on connaît.