Les taux auxquels la France emprunte sous tension

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Par Alexandre Baradez Modifié le 29 mars 2014 à 11h31

On ne se trompera probablement pas en disant qu’il y a très peu de chance que la France retrouve le même niveau de taux qu’elle a connu lors de certains épisodes de la crise de la dette en zone euro, lorsque la signature française attirait des investisseurs fuyant la dette des pays périphériques, ou encore en 2013 lorsque le taux du 10 ans flirtait avec les 1.65 % après avoir connu une glissade progressive catalysée à l’été 2012 par les déclarations dissuasives du président de la BCE, Mario Draghi.

Le dernier cycle de détente des taux, qui a vu le 10 ans passer de 3.65 % fin 2011 à 1.65 % en mai 2013, a été la combinaison de plusieurs facteurs :

mise en place par la BCE des opérations de financements des banques (LTRO) à hauteur de 1000 milliards en 2 tranches (fin 2011 et début 2012), puis envolée des taux de l’Espagne (7.50 % en juillet 2012) et de l’Italie provoquant le repli des investisseurs sur la dette des pays « core », dont la France et l’Allemagne. Puis intervention de Mario Draghi en juillet 2012 face à la situation financière explosive en zone euro et enfin, détente du risque sur l’ensemble de la zone en 2013. Au cours de cette dernière période, l’ensemble des taux de la zone euro a connu une phase de détente même si elle a été plus marquée pour les pays périphériques qui ont observé une « normalisation » de leurs taux d’emprunt. Dans une Europe en crise comme c’était encore le cas en 2012, les investisseurs ont accordé peu d’importance à la dégradation de la note de la France par l’agence Standard & Poor’s, préférant investir sur une signature dégradée plutôt que de prendre des risques sur l’Espagne ou l’Italie…

Aujourd’hui la situation a sensiblement changé. Les investisseurs ont retrouvé un certain appétit pour la dette des pays périphériques qui présente un rendement intéressant et un risque plutôt limité, « délaissant » ainsi partiellement les valeurs refuges comme la France et l’Allemagne qui voient leurs taux remonter. Le 10 ans français est ainsi passé de 1.65 % en mai 2013 à plus de 2.60 % en septembre. Face à l’évolution de la situation en zone euro et la mise en place progressive de pare-feu (union bancaire, mécanisme de résolution, supervision), sans oublier la capacité d’intervention de la BCE via le programme OMT et par le biais d’une politique monétaire plus accommodante, il y a peu de chance de connaître un nouvel épisode de crise aigüe, voire systémique, comme ce fut le cas entre 2009 et 2012. Ce qui rend peu probable la possibilité de voir à nouveau les taux d’emprunt de l’Espagne et de l’Italie revenir sur leurs niveaux de 2011 et 2012, au plus fort de la crise de la dette, et donc peu probable également de voir la dette française jouer à nouveau le rôle de « valeur refuge ». Sans oublier le début du ralentissement de la politique monétaire ultra-accommodante de la FED qui peut également peser sur l’appétit des investisseurs pour la dette européenne.

La France reste également dans le viseur des agences de notation (Fitch, Standard & Poor’s et Moody’s) après les différentes dégradations subies en 2012 et 2013. Les observations des agences concernent le rythme des réformes engagées, le potentiel de croissance et la question du déficit budgétaire. Les derniers PMI montrent que l’activité industrielle ainsi que celle des services est toujours contractée alors qu’elle se reprend déjà depuis plusieurs mois chez nombre de nos voisins européens dont l’Italie et l’Espagne. Malgré les annonces récentes d’allègement de charges sur les entreprises françaises, des questions se posent sur le financement de ces mesures, notamment après la diffusion des chiffres du déficit budgétaire pour 2013 faisant état d’un « dérapage » de près de 3 milliards par rapport aux prévisions initiales. Ce décalage provenant d’un tassement des recettes fiscales, difficile d’imaginer le financement de nouvelles mesures pas des hausses d’impôts…reste donc la baisse des dépenses, c’est probablement là-dessus que les marchés et les agences de notation vont baser leurs jugements à venir. Dans le contexte de faible croissance de la France (prévision moyenne 2014 de 1 %), le challenge est de taille surtout avec un taux de chômage avoisinant les 11 %...

Dans cette situation macroéconomique, il convient donc d’observer avec attention le taux à 10 ans de la France. Actuellement à 2.38 %, il a déjà effectué deux incursions au-dessus de 2.50 % en 2013. Un retour au-dessus de cette zone pourrait marquer le début d’une nouvelle phase de hausse avec comme niveau suivant la zone des 3 %, c’est-à-dire le niveau auquel évoluait le 10 ans français juste avant la première dégradation de la France par l’agence Standard & Poor’s en janvier 2012.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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