Bourse : les pays émergents ne sont pas les seuls fautifs de sa baisse

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Par Alexandre Baradez Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

La baisse récente des marchés actions mondiaux ne peut être imputée aux seuls marchés émergents.

Tout d’abord parce que l’origine de l’aversion au risque observée actuellement sur de nombreux pays émergents provient en grande partie de l’évolution des économies développées. De nombreux pays émergents ont tiré leur croissance ces dernières années de leur dépendance aux importations des pays développés. La crise des subprimes, qui a impacté les Etats-Unis et dont les effets collatéraux ont ensuite plongé la zone euro dans une crise de la dette dont elle commence tout juste à s’extraire, a clairement marqué le début de la fin d’un cycle de développement à sens unique pour de nombreux pays émergents. Les crises successives ont eu raison des matières premières dont les prix ont sensiblement reculé, que l’on parle de matières premières agricoles, de métaux, de matières premières liées à l’énergie, etc…

Les pays émergents dont la croissance du PIB est étroitement liée à l’exportation de ces matières n’ont pas su trouver rapidement de relais de croissance. Toujours parmi les émergents, d’autres tiraient leur croissance d’un modèle basé sur l’exportation de produits manufacturés. Face à un tassement de la demande de la part des pays développés frappés successivement par la crise immobilière US puis la crise de la dette en zone euro, plusieurs pays émergents n’ont pas restructuré à temps leur économie pour la réorienter notamment sur la demande intérieure. Pour rester compétitifs, plusieurs pays, dont la Chine, ont longtemps fait pression à la baisse sur les prix/salaires ce qui a d’autant plus retardé l’allumage du moteur de croissance de la demande intérieure, même si cette dernière a compensé par un fort niveau d’investissement dans différents secteurs. Le ralentissement du rythme de croissance et le tassement de l’activité manufacturière a bien entendu un impact direct sur ses voisins asiatiques. Sans oublier les questions récurrentes ces dernières semaines sur le système bancaire chinois, l’accès aux liquidités ou la solvabilité de plusieurs acteurs du "shadow banking". L’année 2013 aura connu à elle seule 2 crises importantes sur le marché interbancaire chinois avec l’envolée des taux court-terme entraînant à chaque fois une correction baissière sur les marchés actions.

Le second impact des pays développés sur les pays émergents est arrivé par le biais des politiques monétaires des banques centrales et notamment la politique ultra accommodante de la FED. Les QE successifs de la réserve fédérale américaine ont favorisé l’investissement dans les zones émergentes ce qui a eu pour effet de soutenir l’économie et les marchés financiers. L’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe, la mise en place des Abenomics (dont la politique monétaire ultra-accommodante de la BoJ) ont également favorisé la détente du risque sur de nombreux émergents. Mais les premières secousses sont apparues au premier semestre 2013 lorsque la FED a commencé à évoquer la possibilité d’un ralentissement des achats d’actifs face aux signes d’amélioration de l’économie américaine et pour éviter la formation de nouvelles bulles comme en 2000 (internet) et 2007 (immobilier/crédit). Le dollar a alors commencé à se renforcer sensiblement face de nombreuses devises émergentes et les flux de capitaux à ralentir à destination des pays émergents.

Le troisième facteur de tension sur les émergents, en plus des facteurs précédents, provient de craintes sur la stabilité politique et sociale pour certains d’entre eux, comme en Turquie par exemple. Face à la chute continue de la devise turque face au dollar et à l’euro, il est tout à fait possible de voir la banque centrale augmenter ses taux tout en considérant qu’une hausse de taux trop brutale pourrait freiner une croissance économique qui a déjà ralenti en 2013. Mais le risque de voir s’affaiblir trop fortement la devise nationale est également considérable avec un renchérissement du prix des importations et un impact négatif sur la demande intérieure, pouvant accroître les tensions sociales existantes…

La baisse récente des marchés a donc été catalysée par les risques entourant les émergents à court terme mais pas seulement. Les mises en garde du FMI sur les risques de déflation en zone euro, les avertissements des agences de notation (Fitch et Moody’s notamment) sur le rythme des réformes en France et leur impact sur l’économie, les résultats mitigés des sociétés américaines mais également plusieurs chiffres inférieurs aux attentes Outre-Atlantique (immobilier, emploi, activité manufacturière, stocks de pétrole).

Doit-on en conclure que nous entrons dans une nouvelle phase de correction sévère des marchés, à l’image de celle découlant de la crise des subprimes ou de la crise de la dette en zone euro ? C’est très peu probable. Le très faible niveau de prix de plusieurs matières premières ne devrait pas perdurer face au retour progressif de la croissance en zone euro, au maintien de la croissance américaine sans tenir compte d’une demande mondiale toujours soutenue et d’un effet de correction à la hausse après un probable excès baissier lié à la succession de crises dans les pays développés. Ce probable rebond du prix des matières premières devrait également représenter un facteur de soutien à l’inflation étroitement surveillée par la BCE et la FED (sans oublier la BoJ) dans l’ajustement de leurs politiques monétaires.

Cette perspective d’une poursuite de la hausse des marchés actions, en Europe notamment, est soutenue par la poursuite du processus d’intégration européen et la mise en place de l’union bancaire (supervision par la BCE) sans oublier les pare feu de la BCE (OMT) ou la possibilité de mettre en place de nouvelles mesures de type LTRO (même si Benoît Coeuré semble écarter cette hypothèse à court terme). La bonne tenue de l’économie allemande dans un contexte de crise et sa capacité de réaction (budget à l’équilibre, chômage à 7 %, allumage progressif de la demande intérieure) laisse clairement envisager une poursuite de la hausse du DAX au-dessus des 10000 pts dans les mois qui viennent. Même scénario avec un peu plus de latence pour le CAC40 qui devrait continuer son rattrapage haussier après la chute liée à la crise des subprimes puis crise de la dette, la forte pondération en valeurs financières semble être un atout dans les mois qui viennent. Plusieurs banques européennes et françaises se sont restructurées au cours de ces dernières années et leur santé financière s’est stabilisée. Le redémarrage progressif de la croissance en zone euro et d’éventuelles mesures de soutien au crédit (BCE ?) au sein de la zone pourrait favoriser la poursuite du rebond et donc de l’indice français.

Pour conclure, il est probable que la stabilisation de plusieurs pays émergents dans les mois qui viennent passe par le retour ou l’accélération de la croissance dans les pays développés, favorisant la reprise des importations, la hausse du prix des matières premières et potentiellement la reprise de l’inflation. Les émergents semblent traverser une phase de normalisation de leur économie, catalysée temporairement par les politiques monétaires ultra-accommodante de la FED (et BoJ) mais leurs structures économiques les rendent aujourd’hui beaucoup moins vulnérables aux chocs que par le passé.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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