« La crise est finie » : l’euro, force ou handicap ?

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Par Axel DE Tarle Modifié le 8 mai 2013 à 14h41

Extrait de "La crise est finie", d'Axel de Tarlé, aux éditions du Cherche Midi

Et si l’euro implosait ? Dans son livre Jours de pouvoir, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture, rapporte cette confidence d’un Nicolas Sarkozy très inquiet, nous sommes en novembre 2011 : « L’Europe est à un moment de vérité. Personne ne sait s’il y aura encore l’euro à la fin de la semaine », et l’ancien président ajoute : « Par exemple, les billets ? S’il faut réimprimer des francs en urgence, hein ? On fait comment ? On fait comment ? » François Baroin rapporte, dans son livre mémoire, qu’une réunion secrète s’est ainsi tenue au sixième étage de Bercy, un soir de novembre 2011, lorsqu’il était ministre de l’Économie. Réunion baptisée « black swan », le cygne noir. Une réunion de trois personnes « de confiance », sans note pour ne laisser aucune trace. Ordre du jour : et si la Grèce sortait de l’euro ? Et si l’euro implosait ? Et s’il fallait dans l’urgence organiser, en un week-end, le scénario catastrophe du retour au franc ? Comment nous y prendrions-nous ? « C’eût été irresponsable de ne pas l’envisager », expliquera plus tard l’ancien ministre de l’Économie... Quand on y pense, ça fait froid dans le dos.

Pourquoi a-t-on sérieusement envisagé l’explosion de l’euro ? Il faut reconnaître que la crise actuelle serait, techniquement, beaucoup plus facile à résoudre si nous étions avec des monnaies nationales. On ne peut que constater que l’Islande, qui s’est totalement effondrée avec la crise bancaire, s’est très vite remise à flot, en dévaluant massivement sa monnaie, la couronne islandaise. Le taux de chômage est aujourd’hui redescendu à 6,3 %.

Car le problème, on l’a dit, c’est le manque de compétitivité des pays périphériques, et notamment des pays d’Europe du Sud. Ce n’est pas un scoop : l’Europe du Sud a toujours été moins compétitive que l’Europe du Nord.

Cet écart s’est amplifié ces dernières années. En France, en Espagne, en Italie, en Grèce, on produit de moins en moins. En Grèce, même la feta que l’on trouve dans les fameuses salades grecques vient du Danemark ! On n’ose imaginer le jour où l’on nous servira, à table, du camembert de Copenhague ! D’où des fermetures d’usine, du chômage de masse et des déficits. Comment s’en sortir ? Autrefois, on avait une arme ultra efficace pour remettre à zéro les compteurs de compétitivité : la dévaluation. On l’a pratiquée pendant des décennies, y compris en France.

Dès que Renault n’arrivait plus à vendre ses voitures parce qu’elles devenaient trop chères par rapport à la concurrence allemande, que faisait-on ? Shlak ! La France dévaluait le franc de 10 % par rapport au Deutsche Mark. Mécaniquement, le prix des voitures françaises baissait de 10 %. Immédiatement, nos voitures redevenaient compétitives face aux voitures allemandes. Pendant des décennies, Français, Espagnols, Italiens ont procédé à des « dévaluations compétitives » par rapport au Deutsche Mark. Comme un coureur cycliste qui, tous les 10 kilomètres, prendrait un peu d’EPO pour revenir dans le peloton. Maintenant, c’est fini. Avec l’euro, on ne peut plus dévaluer notre monnaie. Et pour cause, nous avons tous la même monnaie. Nous avons perdu cette soupape qui permettait aux économies européennes de cohabiter en harmonie. Désormais, il nous faut apprendre à vivre avec le même étalon, la même monnaie. Et donc, pour que les produits du sud de l’Europe redeviennent compétitifs, on n’a d’autre choix que de baisser – non pas la monnaie – mais les salaires ! On ne parle plus de « dévaluation monétaire » mais de « dévaluation interne ».

La méthode est brutale, mais elle a le mérite d’être efficace. Si les produits espagnols sont 20 % moins chers, ils se vendront mieux. De fait, les exportations sont reparties en Espagne, au Portugal, en Grèce et en Italie. Mais c’est un remède de cheval. Qui peut supporter de voir sa fiche de paie brutalement réduite de 20 % ? ! D’où des manifestations violentes en Grèce, en Espagne. D’où cette hypothèse qui a circulé. Jamais les Grecs ne pourront supporter de voir leurs salaires baisser de 30 à 40 %. La dévaluation interne est une méthode trop douloureuse. Les Grecs doivent sortir de l’euro. Retrouver leur monnaie, la drachme, et dévaluer de 50 % pour redevenir compétitifs. Problème, si un pays sort de l’euro, le phénomène de contagion sera immédiat. Dès le lendemain, les capitaux fuiront le Portugal et l’Espagne de peur d’être remboursés, non plus en euros, mais en pesetas ou en escudos dévalués. Et c’est ainsi tout l’édifice qui menace de s’écrouler. La sortie de la Grèce de l’euro était le « cygne noir », le « black swan » qui annonçait la fin de la monnaie unique.

C’est pour cela que plus personne n’envisage la sortie de la Grèce de l’euro. Un pays qui sort et c’est la fin de la monnaie unique. Nous vaincrons ensemble ou nous mourrons ensemble ! Enfin un peu de lyrisme dans l’euro !

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  Diplomé de l'ESC Toulouse, Axel de Tarlé commence sa carrière de journaliste en 1994 sur BFM1. En 1996, il rejoint Europe 1. Depuis 2000, il présente une chronique consacrée à l'économie dans la matinale Europe 1 matin1. Il collabore aussi avec les hebdomadaires Paris Match et Le Journal du dimanche.   Parallèlement, à partir d'octobre 2010, il présente C à dire ?! , l'interview d'une personnalité faisant l'actualité, tous les soirs sur France 5. Il a déjà publié le Petit Manuel éconoclaste pour comprendre et survivre à la crise (JC Lattès, 2009).

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