Le miel grec, un secteur qui buzze

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Par JOL Press Publié le 4 juin 2013 à 15h59

Dans la mythologie grecque, Eros, dieu de l'Amour, trempait ses flèches dans le miel avant de viser les hommes et les dieux. Aujourd'hui, le miel continue de couler en Grèce, et fait partie des principaux atouts économiques du pays. Mais malgré ses avantages qualitatifs indéniables, le doux produit du nectar grec sent passer la crise.

Entretien avec Vasilis Ntouras, président de la Fédération des associations d'apiculteurs grecs.

JOL Press : D'où provient le miel de Grèce ?

Vasilis Ntouras : En Grèce, le miel est produit dans toutes nos régions. Un peu moins de 30% de la terre est allouée à l'agriculture ; et si de nombreuses cultures n'attirent pas les abeilles, comme les olives, les vignes ou les céréales, le miel grec provient d'une flore très diversifiée. Il est produit « à la dure » : les apiculteurs doivent en effet déplacer leurs ruches jusqu'à six fois par an suivant le débit du nectar [issu de la fleur] ou du miellat [issu des sécrétions sucrées d'insectes déposées sur les fleurs].

La grande majorité de la production annuelle de miel provient du miellat des forêts (pin, sapin, chêne) et des fleurs (châtaignier, tilleul, acacia, etc.). Une autre partie de la production provient du thym, produit principalement en Crète et sur les îles égéennes et ioniennes, ainsi qu'au centre et au sud du territoire continental. Le reste provient de la bruyère, des herbes de montagne et des fleurs d'oranger.

JOL Press : La crise économique a-t-elle eu un effet sur la production de miel en Grèce ?

Vasilis Ntouras : La crise économique a eu un impact majeur, tant sur le marché du miel que sur la production de miel. Les conditionneurs de miel achètent moins, les échéances de paiement sont souvent plus longues. Les apiculteurs, qui ont donc moins d'argent dans leurs poches, ne peuvent plus se permettre de développer leurs colonies d'abeilles grâce à des compléments alimentaires (lorsqu'il n'y a pas assez de nectar), ou en achetant du carburant pour déplacer leurs ruches dans des zones où le nectar est présent. Résultat : la production de miel a chuté. Mais dans tous les cas, l'apiculture grecque est migratoire : les apiculteurs doivent absolument déplacer leurs ruches pour avoir un rendement de miel en quantité suffisante.

JOL Press : La consommation grecque de miel est-elle toujours importante malgré la crise ?

Vasilis Ntouras : Jusqu'en 2012, il n'y a pas eu de baisse de la demande ou de la consommation de miel. Mais les prix ont considérablement baissé, aussi bien pour la vente au détail que pour la vente dans les supermarchés. C'est ainsi que se sont dévellopés les vastes campagnes d'offres.

JOL Press : Que représente l'importation de miel grec dans le monde ?

Vasilis Ntouras : Environ 800 tonnes de miel ont été exportées l'an dernier, principalement en Europe, et la demande est en hausse. Le peuple grec, grand consommateur de miel, en mange près de 2 kilos par an par habitant. La production – de 12 000 à 20 000 tonnes – couvre environ 92% de la demande à l'intérieur du pays.

Des rendements plus élevés pouraient être atteints si les coûts de production baissaient grâce à un soutien européen à l'apiculture, et s'il existaient des règles transparentes concernant le marché du miel. Ainsi, les apiculteurs n'ont pas de problème à vendre leur miel à l'intérieur de la Grèce et à l'étranger.

JOL Press : Quels sont les avantages de la Grèce en matière d'apiculture par rapport aux autres pays européens ?

Vasilis Ntouras : La Grèce est dans une situation désavantageuse par rapport aux autres pays européens. Souvent les rendements par ruche atteignent 30 kilos (de miel de trèfle par exemple). La Grèce, avec un total de 1 500 000 colonies d'abeilles, a un rendement maximum de 20 000 à 22 000 tonnes de miel par an, ce qui signifie une moyenne de 14 kilos par colonie. Ce faible rendement coûte beaucoup en termes de travail et de dépenses et d'énergie, notamment concernant son caractère migratoire.

D'un autre côté, la récolte du miel dans des écosystèmes riches en biodiversité apporte beaucoup en termes de qualité du miel. Le climat chaud et sec, et la myriade d'herbes et de plantes différentes, contribuent à la diversité du miel grec, caractérisé par une très faible teneur en eau, une haute viscosité, des arômes concentrés et un goût unique.

En 2009, lors du 41ème Congrès mondial de l'apiculture (Apimondia et ApiExpo) qui s'est tenu à Montpellier, en France, six types de miel grec ont été testés par plus de 15 000 visiteurs sur le stand de la Fédération des associations d'apiculteurs grecs; les visiteurs ont été très enthousiastes.

JOL Press : Les apiculteurs grecs utilisent-ils des pesticides ou des OGM ?

Vasilis Ntouras : La Grèce est un pays sans OGM. Les pesticides, surtout les pesticides « néonicotinoïdes » [qui figurent parmi les plus utilisés à travers le monde], sont peut-être moins utilisés en Grèce qu'ailleurs, mais restent cependant un grave problème.

Après quelques années de pertes importantes de colonies d'abeilles, les apiculteurs ont lâché les champs de coton. Par conséquent, environ 3 000 tonnes de miel de coton (un délicieux miel de couleur claire avec un antioxydant exceptionnel et des propriétés antimicrobiennes) sont perdues chaque année.

Les arbres fruitiers, traités avec des néonicotinoïdes, sont également devenus dangereux pour les abeilles, et seuls quelques apiculteurs prennent le risque de poser leurs ruches à côté. Dans le nord de la Grèce, il y a quelques plantations de colza et des champs de tournesols qui pourraient également contribuer à la production annuelle de miel mais les semences, traitées aux néonicotinoïdes, éloignent les apiculteurs. Ces pesticides ont par exemple été utilisés pour traiter certaines maladies ravageant les palmiers en 2011 et 2012 : cela a entraîné d'importantes pertes de colonies d'abeilles.

La Fédération des associations d'apiculteurs grecs, en étroite collaboration avec d'autres associations européennes, a mis en place un combat majeur pour parvenir à une interdiction de ces substances mortelles.

JOL Press : L'apiculture est-elle un secteur qui recrute en Grèce ?

Vasilis Ntouras : En raison de la crise économique et du chômage élevé, beaucoup de gens sont attirés par l'apiculture, beaucoup plus que d'habitude.

JOL Press : Avez-vous développé dans votre secteur des pratiques pouvant être duplicables pour d'autres activités économiques en Grèce ?

Vasilis Ntouras : Le secteur de l'apiculture grecque est un modèle de coopération étroite entre les apiculteurs et les scientifiques. Il alloue près de 25% de son aide européenne et étatique (selon le règlement européen 1234/2007) aux 15 centres apicoles qui opèrent au sein de coopératives apicoles et de la Fédération des associations d'apiculteurs grecs, gérées par des agronomes et des vétérinaires. Ces scientifiques ainsi que les universités et les instituts jouent un rôle important dans le soutien scientifique et technique des apiculteurs.

En outre, le secteur de l'apiculture grecque est toujours à la recherche de nouveaux et meilleurs moyens de production dans le cadre de pratiques apicoles, et essaie de parvenir à des règles commerciales transparentes pour tous les produits de l'apiculture, grâce à une législation protégeant aussi bien les apiculteurs que les consommateurs.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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