Imaginez un choc d’imagination ! (Partie 1)

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Par Charles Sannat Modifié le 10 mai 2013 à 10h32

J’ai eu une conversation animée (mot pudique pour dire qu’on débat de façon virile) avec l’un de mes lecteurs contrarié par ma position ambiguë sur les « privatisations » à venir de notre ministre du Redressement productif. Son principal argument étant de m’expliquer que l’État est un très mauvais gestionnaire, donc c’est une très bonne chose de « privatiser ».

Je souhaitais donc revenir sur ce sujet quelque peu épineux car où que l’on regarde et quel que soit le camp politique auquel on appartient, le problème avec le concept « nationalisation versus privatisation » c’est qu’il relève au mieux de l’idéologie et au pire de la « croyance ». La religion cryptomarxiste d’un côté affronte le dogme néolibéral de l’autre.

Au milieu de cet affrontement, une réalité infiniment plus complexe et surtout un changement majeur dans la structure des économies nationales qui se profile. En élevant le débat au-delà de nos préjugés respectifs, aussi respectables soient-ils, voici ce que nous pourrions imaginer. Cela va sans doute en dérouter plus d’un parmi vous, mais pour ce sujet comme pour tous les autres, un contrarien doit faire l’effort de voir les choses autrement.

Un chiffre, qui est dans l’édition de Challenges de cette semaine

En fait 3 chiffres, et je cite la phrase complète :
« Poids des entreprises publiques dans l’économie nationale : 96 % en Chine, 17 % en France et 11 % en Allemagne. »

Cette simple phrase résume parfaitement la complexité du débat autour des privatisations.

Il ne viendrait à l’idée de personne de nier l’efficacité économique de la Chine ces 20 dernières années, or ce développement extraordinaire de l’empire du Milieu repose essentiellement (96 %) sur des entreprises publiques avec plan quinquennal de production… Mélenchon devrait aller visiter Pékin.

D’un autre côté, personne ne conteste la force de l’industrie allemande (pour son modèle social, c’est différent car la réussite n’est pas aussi exceptionnelle qu’on veut bien le dire). Dans le cas de l’Allemagne, cette réussite repose essentiellement sur le privé puisque cela représente 89 %…
Finalement, la France se situe très proche de l’Allemagne puisque seuls 6 points nous séparent, alors que nous sommes très éloignés de la Chine.

L’État est-il condamné à être un mauvais gestionnaire ?

Pour le moment, disons-le : oui ! Oui en France, car en Chine ce n’est pas vrai. Pourquoi ? Un exemple récent pour illustrer la bêtise des « zélites » françaises.

Le gouverne-ment a décidé de regrouper plein de machins qui nous coûtent très cher et ne servent pas à grand-chose dans un nouveau bidule tentaculaire qui fonctionnera encore moins bien appelé BPI ou Banque publique d’investissement.
Le problème, c’est qu’à peine le bidule en question créé, on nomme Royal Canin, pardon Ségolène Royal, ex-épouse de notre mamamouchi en chef et mère de ses enfants, à la vice-présidence du bidule susmentionné.

La seule expérience de la dame en question des investissements étant les pertes cumulées sous forme de « subventions » qui ne seront jamais remboursées, octroyées dans le cadre de sa politique de « développement » économique de sa région Poitou-Charentes.

Rassurez-vous, je parle de la Dame du Poitou parce que tout le monde la connaît, mais c’est pareil dans toutes les régions de France et de Navarre.

La première déclaration publique de la nouvelle vice-présidente étant une déclaration de « guerre » au directeur général de la BPI en disant, en gros, que le gros gâteau on va s’en servir pour faire un peu ce qu’on veut, sauver des entreprises qui de toute façon vont crever, et sauver des emplois condamnés à disparaître… avec votre pognon, le tout pour assurer ma réélection (fonctionnement identique dans toutes les autres régions et communes de notre pays) !

Mais ce qui se passe en France n’est pas une fatalité. Au contraire ! L’État peut être un bon gestionnaire à partir du moment où il laisse la gestion aux gestionnaires et se contente de son rôle d’actionnaire idéalement minoritaire (et il ne faut pas reprocher à l’État une forme de détachement dans son rôle d’actionnaire).

Imaginez une France où l’État serait actionnaire de Total !

Je prends cet exemple volontairement d’abord parce que l’État a vendu Total 9 milliards d’euros alors que les bénéfices annuels de cette entreprise sont d’environ 12 milliards d’euros par an, soit un retour sur investissement en 1 an, ce qui, je vous l’assure, est un excellent investissement mais alors vraiment excellent… Bref, si l’État laissait à Total le soin de se gérer et se contentait de prendre 49 % des bénéfices chaque année, c’est environ 6 milliards d’euros qui rentreraient dans nos caisses sans avoir à augmenter les impôts pour tous !!

Moins d’impôts mais plus de dividendes !

Alors l’une des façons non conventionnelles, non idéologues, et très paradoxales par rapport aux politiques économiques actuellement menées et qui ne recèlent ni vision de long terme, ni grandes stratégies intellectuelles, ni intelligence, c’est qu’au moment même où l’on parle de privatisations il faudrait avoir une grande stratégie non pas de nationalisation mais de prises de participations !

Pour information, le bénéfice des 40 entreprises françaises du CAC 40 est de plus de 80 milliards d’euros par an. Voilà qui serait parfait pour réduire notre endettement !

À ce moment de la lecture, ceux qui sont « honnêtement » convaincus que l’État est un mauvais gestionnaire commencent à pousser des hurlements… mais ne possèdent aucun argument pour contrer ce raisonnement qui n’est pas terminé d’ailleurs !

Les fonds souverains, c’est quoi à votre avis ?

Nous sommes les seuls crétins à n’avoir toujours rien compris ! Nous nous plaignons de voir un pays minuscule comme le Qatar racheter le Printemps, le tout mâtiné d’une petite arrière-pensée un poil xénophobe, le Printemps Arabe, vous n’y pensez pas… pourtant tout le monde trouvait ça très bien le « Printemps arabe » quand Ben Ali en Tunisie s’est fait « dégager ».

Au-delà de la plaisanterie, nous attendons désespérément de l’argent des fonds souverains étrangers, qui ne sont rien d’autres que des holdings d’État qui nationalisent des entreprises étrangères pour capter leurs bénéfices au profit de leur État et de leur population.

Il ne vient à l’idée de personne de dire que les fonds souverains norvégien, suédois ou encore qatari sont de mauvais gestionnaires.

Ils sont même d’excellents gestionnaires. Actionnaires de long terme et souhaitant avant tout que leurs participations leur « rapportent » un maximum. Ces États, à travers leurs fonds souverains, sont devenus des actionnaires presque comme les autres.

Cela va même plus loin : ces États ont besoin de cet argent ! Car sans cet argent c’est leur avenir et leur stabilité sociale qui seront remis en cause. Les États deviennent des entreprises comme les autres ou presque.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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