François Hollande plus Mitterrandien que Mitterrand

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Par Jean-Paul Gomez Modifié le 20 janvier 2014 à 6h22

François Mitterrand ne cessait de le clamer, pour lui la solution de l’Europe imposait la mise en place d’une Europe fédérale… Une Europe fédérale a pour conséquence une perte de souveraineté nationale consentie par chaque Etat de l’Europe. Les Européens ne pouvaient à cette époque envisager cette solution. Chacun vivait encore dans l’illusion de sa capacité à pouvoir rester maître de son destin.

Le libéralisme économique est devenu un aspect incontournable de la gestion des pays, voire même, le principe de gestion des pays, et cela malgré eux. Après 35 années de politique économique libérale et le montant de l’addition exorbitant présenté aux Etats par le biais de la dette et de la crise économique, la Pax Americana et l’Union Européenne ont évité de rentrer dans un nouveau conflit mondial. L’Europe ne fait plus partie de ces états qui rentrent en guerre pour des raisons économiques. Les fondateurs de l’Europe, France et Allemagne qui se la sont faites si souvent et si longtemps, ont des intérêts tels que le choix de rester unis est toujours le plus fort. Il y a beaucoup trop à perdre de chaque côté de la frontière à ne pas renforcer la relation entre les deux pays et augmenter la force de l’Europe.

Alors, les leaders politiques de la France et de l’Allemagne ont choisi de faire cette union, mais de quelle union parle-ton exactement ? L’année anniversaire du siècle du début de la grande boucherie de 1914-1918 n’est pas pour rien dans le choix de François Hollande et Angela Merkel de renforcer encore les relations entre nos deux pays.

François Hollande a proposé lors de sa conférence de faire converger les politiques fiscales et sociales Françaises et Allemandes. Propos que Mme Merkel a approuvés.

Cette chancelière est pragmatique et éminemment politique, tout comme François Hollande. Après l’ouverture des frontières, la monnaie unique, la brigade franco allemande opérationnelle depuis 1989, l’heure est donc venue de s’intéresser à la dimension fiscale et sociale et à « l’unification » sur ces deux aspects. La fiscalité est, parmi différents aspects, un des moyens d’assurer un principe d’égalité entre les citoyens d’un même pays.

A travers le principe de redistribution choisi collectivement lors des élections, les individus expriment collectivement, entre autres, un choix de principe d’égalité à appliquer sur l’ensemble du territoire. Selon l’orientation politique prise, cela va avoir des conséquences sur l’ensemble de la société.

Ces deux pays sont pourtant aujourd’hui radicalement différents dans leur approche fiscale, économique, sociale, voire politique. Alors comment vont-ils s’y prendre ? L’Allemagne connaît aujourd’hui socialement des conditions compliquées pour ses chômeurs, ses travailleurs pauvres et ses retraités. Récemment, Mme Merkel, après les élections, a fait savoir qu’il fallait remettre de l’ordre dans cet aspect de la politique Allemande et que de nouveaux principes devaient être mis en place.

La France, dont l’essentiel des déficits est construit par les charges sociales, cherche à en réduire ces coûts et à remettre en bon ordre ses finances. Cela permettrait également de rendre les entreprises plus compétitives. Pour l’aspect de la politique sociale, ce sera assez simple : chaque pays consentira un effort vers une situation qui évitera une crise de misère en Allemagne et la France réduira les montants redistribués en imposant de nouvelles règles moins favorables et cela permettra la réduction de son déficit.

Il faudra espérer que ces nouvelles règles de redistribution seront équitables. Les Français devront également favoriser une syndicalisation responsable des salariés pour que le dialogue social, composante essentielle de la vie en Allemagne, redevienne opérationnel en France. Cela impliquera de sanctionner durement les chefs d’entreprise dont un des seuls objectifs est la suppression des représentants syndicaux dans leurs entreprises. Pour la fiscalité des entreprises, du fait des divergences très importantes de structures des entreprises et des modes de gouvernance des entreprises, la convergence peut se faire à travers une unification des taux de TVA (qui ne sont pas très différents) sur les mêmes gammes de produit, sur une fiscalisation homogénéisée des bénéfices réalisés d’un pays à l’autre.

Sur ce point l’effort de convergence à réaliser sera énorme. Et tant qu’à faire la même politique fiscale, les Etats pourront envisager ensuite d’homogénéiser les politiques relatives à l’IRPP ; ce chantier sera énorme car les systèmes sont radicalement différents, ne serait ce que la retenue à la source pratiquée en Allemagne. Ce point présente un avantage non négligeable, il permettra la disparition d’un certain nombre de niches fiscales dans les deux pays qui permettront d’éviter à certains contribuables de s’exonérer du paiement de l’impôt sur les personnes.

La prochaine étape sera, ni plus ni moins, une fois que la France aura réorganisé la répartition territoriale des responsabilités politiques à travers une nouvelle carte des régions et la disparition du mille feuille politique, la création d’un état fédéral avec un gouvernement franco-allemand, élu au suffrage universel direct ou indirect, et qui sera le premier composant d’un futur gouvernement des Etats-Unis d’Europe.

Mais cela ne se réalisera pas, si tout va bien, avant 40 ou 50 ans, soit dans le meilleur des cas un siècle après la fin de la seconde guerre mondiale. Car ce premier chantier de la mise en place de règles fiscales communes entre nos deux pays va prendre au moins entre 10 ans. Ensuite, il faudra trouver un motif de fédérer l’Allemagne et la France, encore 15 ans, puis une fois en place ce gouvernement Franco-Allemand fédéral, le faire fonctionner 10 ans avant de pouvoir envisager cette Europe Fédérale. Le chantier est immense et intéressant car Angela Merkel et François Hollande proposent, à travers leur apparente communauté de vue, le début d’une révolution sur notre continent dont les pays se sont si longtemps et si souvent fait la guerre pour des raisons parfois très futiles. La plus grosse part du chantier est du côté Français. François Hollande doit finir de convaincre les Français de l’obligation de se réorganiser et Angela Merkel doit persuader les Allemands de l’intérêt et de la nécessité de cette convergence entre les deux pays.

Il existe beaucoup de différences entre Français et Allemands (économiques, fiscales, sociales, culturelles, …). Amis après avoir été si souvent ennemis et s’être si brutalement faits la guerre à plusieurs reprises, les responsables politiques semblent décider à mettre un terme à cette folie. Et plusieurs présidents et chanceliers devront s’attacher à garder cet objectif en ligne de mire : la paix et la prospérité pour tous. Cela aboutira à cet état fédéral… Tout en gardant les spécificités propres à chaque pays qui fondent leurs richesses respectives.

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Jean-Paul Gomez est économiste. Il est également auteur de nombreux articles parus dans la presse.

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