Economie collaborative, les pouvoirs publics à reculons

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Par Nicolas Bressant Publié le 19 mai 2015 à 13h07
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@shutter - © Economie Matin
160000UberPop est utilisée par 160 000 personnes rien qu'à Paris.

La loi Thévenoud, adoptée en octobre 2014 et rendant illégale l'application UberPop, n'est que la traduction d'une méfiance, voire d'une incapacité, de l'Etat à réglementer en faveur des start-up innovantes. Pourtant, celles-ci apparaissent à la pointe de l'économie collaborative, vecteur d'un développement économique certain.

« La révolution numérique est en marche. » Ce constat est issu d'un rapport publié en avril dernier par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), au sujet du développement des innovations numériques en France, dans le secteur du transport de personnes notamment. Ce dernier s'inscrit, depuis quelques années, dans un champ plus global : celui de l'économie collaborative, nouveau mode de création de valeur partagée. « De formidables opportunités de croissance et d’emploi apparaissent pour la France, qui dispose d’atouts majeurs du fait d’un foisonnement d’innovations et de start-up » poursuivent les deux conseillers rédacteurs, Bruno Duchemin et Olivier Marembaud. Seul point noir : il y a, du côté des pouvoirs publics, un manque inquiétant de « réflexion collective », qui empêche l'économie collaborative de décoller.

L'économie d'aujourd'hui est sur les plateformes collaboratives

En matière d'innovation dans le secteur des transports, un nom vient immédiatement en tête : UberPop. Parce qu'elle révolutionne le quotidien et la mobilité des citoyens, comme d'autres start-up dans différents domaines – Airbnb pour l'hôtellerie, Blablacar pour le covoiturage –, la société californienne, filiale d'Uber, spécialiste du VTC – voiture avec chauffeur –, est l'une des grandes réussites de l'économie collaborative. En effet, et comme son nom l'indique, le mode collaboratif met l'individu au cœur du jeu économique ; il devient le centre de cet « écosystème de la mobilité » d'après les deux membres du CESE. Les citoyens ne sont plus de simples utilisateurs des transports, ils deviennent de véritables fournisseurs d'offres. C'est toute la philosophie économique de l'application UberPop, qui permet de mettre en relation une demande et une offre de transport.

Ce n'est un mystère pour personne : la vie économique d'aujourd'hui – et de demain – passe par le développement du numérique, pourvoyeur d'emplois et facilitateur de vie au quotidien. La preuve en est : la plateforme tricolore Blablacar prévoit l'embauche d'une centaine de personnes en 2015, pour des postes de développeurs web et mobile ; le recrutement augmentera les effectifs globaux de 50 % en un an. Autre exemple, celui du développement impressionnant du financement participatif – ou crowdfunding – sur Internet, qui permet à des particuliers de s'entre-aider pour la réalisation de projets. Pour ne citer qu'un exemple, celui de la plateforme Hellomerci, filiale de Kisskissbankbank : avec plus de 400 000 euros levés la première année, elle traduit le désir des citoyens de collaborer à des fins économiques, d'une part, mais surtout de s'affranchir de règles – ou de leur absence – passéistes et inadaptées.

L'interdiction d'UberPop est un « aveu d'échec » d'après l'Autorité de la concurrence

Le CESE, dans son avis du 14 avril dernier, a d'ailleurs enjoint les pouvoir publics de placer le numérique au cœur de leur stratégie. Aujourd'hui, ces pouvoirs publics voient d'un mauvais œil l'arrivée de start-up comme UberPop dans le jeu économique national. Trop attachés à la tradition – l'Etat soutient pour l'instant farouchement les taxis dans leur combat opiniâtre contre la firme californienne –, ils tournent ainsi le dos à des sources potentielles de développement économique. Outre le combat juridique qui oppose donc l'Etat aux conducteurs UberPop – avantage à ce dernier pour l'instant –, le cas d'Airbnb est de ce point de vue exemplaire : tandis que l'application hôtelière est une réussite indéniable à Paris, la mairie accuse la plateforme d'aggraver la crise du logement. Il suffirait pourtant que les pouvoirs publics s'emparent une fois pour toutes du sujet pour le réguler, sinon le réglementer, et ce, encore une fois, dans l'intérêt direct des citoyens. A la place, ils se servent de ces start-up nouvelles venues pour masquer leur impuissance ; l'économie collaborative est instrumentalisée négativement et pointée du doigt par des pouvoirs publics dépassés.

S'agissant des plateformes de transports, « les potentialités des nouvelles applications apparaissent considérables », selon MM. Duchemin et Marembaud. Ceux-là de citer à l'appui « la gestion du trafic automobile, la facilitation de l'usage des transports collectifs, l'accès à une information riche sur toutes les possibilités de transport, mais aussi de tourisme, de culture... » Pionnière parmi les régions, l'Aquitaine a récemment franchi le pas en lançant un appel à projets, intitulé « Le numérique au service de l'économie collaborative », afin de « développer des projets numériques innovants relevant de l'économie collaborative, à vocation sociale, environnementale ou citoyenne ». La dotation de l'appel à projets – 550 000 euros – apparaît toutefois un brin faible par rapport aux 72 millions du fonds d'investissement aquitain pour accompagner les entreprises à forte dynamique. Il convient de rappeler, de toute manière, que les projets lancés par les régions seront, pour certains, de facto empêchés ; l'absence de législation au niveau central – ou la législation contraire à leurs intérêts, donc à ceux de l'économie collaborative – bridera l'activité de certaines start-up.

Le meilleur exemple étant la loi Thévenoud, adoptée en urgence – là encore pour satisfaire le monopole dépassé des chauffeurs de taxi – par l'Etat, afin de rendre illégal le service UberPop. Et ce au détriment des citoyens, si l'on se réfère au grand nombre d'utilisateurs du service UberPop, dans la capitale notamment – 160 000. L'Autorité de la concurrence a d'ailleurs vu d'un mauvais œil l'adoption de la loi précitée, la qualifiant d'« aveu d'échec ».

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Nicolas Bressant est chef de projet européen Innovation -Transfert de technologie. Études marketing.

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