L’UE place les objectifs climatiques et l’économie circulaire au coeur de la relance

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Par Stéphane Monier Modifié le 11 août 2020 à 11h34
Budget 2020 Europe France 1
@shutter - © Economie Matin
750 MILLIARDS D'EUROS.l'UE prévoit un plan de relance économique de 750 milliards d'euros.

C’est un changement de paradigme pour l’économie, les infrastructures et l’ambition de l’UE. Le budget à sept ans et le plan de relance du bloc ne visent pas uniquement à redresser les économies dans le sillage de la pandémie de Covid-19. Les 27 se sont donnés pour objectif une économie neutre en carbone d’ici à 2050 et la transformation des secteurs de l’énergie, du transport, de l’agriculture et de la santé. Dans les dix ans à venir, les implications et les opportunités en découlant seront considérables pour les investisseurs.

Alors que la pandémie a coûté la vie à plus de 700 000 personnes et infecté des millions d’autres, déstabilisant les économies et mettant au défi les systèmes de santé, elle a aussi rassemblé les esprits des dirigeants européens. Tandis que les gouvernements du monde entier sont en quête de mécanismes leur permettant de relancer leurs économies, l’Union européenne a utilisé la pandémie de Covid-19 comme catalyseur afin de mobiliser un large soutien politique autour de son engagement à l’égard d’un avenir plus propre d’ici 30 ans et en faveur des technologies qui rendront cet objectif atteignable.

Plus précisément, les dirigeants réunis au sommet européen du mois dernier se sont mis d’accord sur un plan de relance budgétaire de 1850 milliards d’euros durant les sept prochaines années. Il consiste en un montant de 1100 milliards d’euros, dont 30% seront utilisés pour lutter contre le changement climatique, auquel s’ajoutent 750 milliards de prêts et subventions – dont l’ensemble doit être lié aux objectifs de réduction des émissions de carbone d’ici 30 ans. Le but poursuivi étant une économie circulaire, efficiente, inclusive et propre, que l’on appelle aussi économie «CLIC» (Circular, Lean, Inclusive and Clean).

Ce «pacte vert» (green deal) pose les conditions pour que l’UE devienne un leader mondial des énergies et des technologies vertes grâce aux investissements. Plutôt que de renoncer à ses ambitions climatiques face au Covid-19, le bloc a maintenu son objectif zéro carbone en 2050, proposé initialement en 2019, suggérant que la pandémie est une raison supplémentaire de stimuler les économies et de créer des emplois sur le continent en accélérant la transition climatique. L’accord atteint lors du sommet de juillet attend encore l’approbation du Parlement européen et des Parlements respectifs des 27, dont chacun peut en retarder la mise en œuvre.

Le seul moyen d’atteindre cet objectif d’ici à 2050 est d’inciter les régions à changer drastiquement leurs modes de production d’énergie, et en particulier de renoncer au charbon. Le mois prochain, la Commission européenne, l’organe exécutif de l’UE, devrait publier un objectif intermédiaire pour 2030. Il devrait demander une diminution d’ici dix ans de 55% des émissions de carbone par rapport à 1990. Une telle ambition exige que l’UE procède cette prochaine décennie à une réduction bien plus importante qu’elle n’a réussi à le faire ces 30 dernières années.

Décarbonisation, transport et hydrogène

En outre, le bloc étudie un mécanisme d’ajustement qui imposerait une taxe carbone sur les importations, afin d’empêcher que les produits «made in UE» ne subissent la concurrence de biens et marchandises moins chers en provenance de pays qui auraient des normes d’émission moins strictes. De plus, dès janvier 2021, l’UE imposera une taxe sur les matières plastiques non recyclées.

Il convient de souligner que ce soutien accordé au niveau européen vient s’ajouter aux programmes des États membres, à l’instar des prêts accordés par la France au Groupe Renault ou à Air France-KLM, assortis de la condition que ces entreprises développent des véhicules électriques ou qu’elles réduisent leurs émissions et des 15 milliards d’euros additionnels de nouveaux financements «verts».

L’accord vise à mieux intégrer le réseau énergétique et à réduire le gaspillage, tout en encourageant les sources renouvelables comme le vent et le solaire, en développant une économie de l’hydrogène et en améliorant les réseaux infrastructurels et les technologies des batteries. Cet effort exigera une forte augmentation des dépenses en capital et en nouvelles solutions pour les équipements, l’industrie et les transports, ainsi que des normes de construction plus strictes pour les ouvrages et bâtiments nouveaux ou existants et des standards en matière d’émissions plus sévères pour les véhicules.

Au sein de l’UE, presque un tiers de l’énergie est utilisé pour le transport. Les véhicules électriques s’imposent rapidement comme une solution viable pour les déplacements courts et le plan veut multiplier les stations-service alternatives pour atteindre deux millions en 2025. Toutefois le défi de la décarbonisation doit aussi inclure le transport routier de longue distance qui compte pour la moitié des émissions relatives au transport. L’hydrogène vert en particulier a attiré l’attention, une technologie qui équipe déjà certains trains européens. Un programme d’investissement de 40 milliards d’euros devrait débuter en 2021. Il fait partie d’un éventail de mesures d’incitation plus larges visant à passer du transport maritime et aérien au transport sur rail pour les passagers et le fret.

La Chine et les États-Unis

Au-delà des opportunités industrielles, il y a aussi des enjeux géopolitiques. Tandis que les tensions entre la Chine et les Etats-Unis s’intensifient, l’Union européenne s’efforce d’asseoir sa puissance commerciale. La Chine a prévu d’investir 10.000 milliards de RMB sur six ans dans des projets d’infrastructures à faibles émissions de carbone pendant que son économie se relève de la pandémie. Ces dépenses serviront à promouvoir un réseau ferroviaire à grande vitesse, la production énergétique, les véhicules électriques et des technologies telles que l’intelligence artificielle et l’internet des objets. Dans le même temps, les investissements dans les infrastructures traditionnelles, y compris dans les centrales à charbon, se poursuivent.

A l’inverse, le 4 novembre prochain, un jour après que les citoyens américains se seront rendus aux urnes afin d’élire leur président pour le mandat 2021-2024, la décision de l’administration Trump de se retirer de l’Accord de Paris prendra effet. S’il est élu, le candidat Joe Biden a promis de renverser la vapeur et de créer un plan d’action de 2.000 milliards de dollars pour des infrastructures et une énergie vertes avec pour objectif une transition climatique des États-Unis vers zéro émissions nettes d’ici 2050.

Identifier les gagnants

Les efforts de l’UE devraient augmenter l’attrait des investissements dans de nombreuses compagnies d’électricité intégrées, y compris celles qui produisent d’importantes quantités d’énergies renouvelables. Les volumes substantiels de capitaux publics verts proposés vont se répandre dans toute la chaîne d’approvisionnement industrielle, y compris les fabricants et les utilisateurs de technologies et d’infrastructures vertes, de l’immobilier au transport. Les secteurs à forte utilisation de dioxyde de carbone, tels que les exploitations minières, ont également besoin d’investissements du fait que nos économies continueront à dépendre de toute une série de métaux et de minéraux durant la transition vers une réduction des émissions. Cette demande inclut le cuivre pour les véhicules et les réseaux électriques, ainsi que l’aluminium utilisé dans la construction et l’aviation. Un certain nombre de changements politiques sont encore en discussion; ils affecteront significativement les valorisations boursières.

Les objectifs de l’UE devraient agir comme un catalyseur pour les investissements et le développement du secteur privé, sans lesquels le continent ne parviendra pas à atteindre ses objectifs pour 2050. Cela générera des investissements et des opportunités au sein d’une économie en transition, et ce dans de nombreux secteurs allant de la production énergétique, à la mobilité, aux infrastructures, à la construction et aux technologies digitales.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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