Cote d’Ivoire : Inquiétude sur la durabilité de l’économie cacaoyère mondiale

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Par Economie Matin Afrique Modifié le 9 novembre 2012 à 14h48

Jean-Marc Anga à la sortie d’un entretien avec le chef de l’Etat ivoirien, le 9 août 2012

CommodAfrica a rencontré à Yaoundé Jean-Marc Anga, directeur exécutif de l’Organisation internationale du cacao (ICCO), qui exprime son inquiétude quant à la capacité des pays producteurs de répondre à une demande mondiale croissante. Il souligne l’importance d’un  « Plan mondial du cacao ».

CommodAfrica : Quels sont, selon vous, les enjeux actuels de la filière cacao au plan mondial ?

Jean-Marc Anga : Nous avons observé, ces dernières années, une préoccupation de l’industrie, préoccupation légitime qui concerne l’approvisionnement en cacao, en qualité et en quantité. Nous avons observé sur cette période que la production ne suit pas l’évolution de la consommation et cette consommation a encore un fort potentiel de croissance qui sera difficile à satisfaire. Ceci préoccupe l’industrie car, non seulement dans les pays traditionnellement consommateurs de chocolat mais également dans les pays émergents tels que la Chine et l’Inde, il y a une forte demande mais qui n’a pas du tout l’air de pouvoir être satisfaite par la production actuelle.

La deuxième préoccupation porte sur un certain nombre de normes qui sont en train d’être mises en œuvre. Toutes ces normes doivent être prises en compte par les producteurs et nous n’observons pas véritablement d’engouement à cet égard.

Nous avons également, au niveau de la production, un certain nombre de paramètres tels que le vieillissement du verger, le vieillissement des producteurs, des problèmes de qualité à certains niveaux, une faible productivité et d’autres éléments qui, ensemble, nous donnent des raisons d’être inquiets sur la durabilité de l’économie cacaoyère mondiale.

La Conférence mondiale sur le cacao, qui se tiendra du 19 au 23 novembre à Abidjan, a pour objectif d’amener tous les partenaires de la chaîne de valeur du cacao à se retrouver et analyser ensemble les contraintes, les défis, que nous connaissons tous par ailleurs. Plus important encore, il s’agira d’adopter une stratégie, que nous avons appelée « Le Plan mondial cacao », pour sortir le secteur cacaoyer du marasme dans lequel il est. Il existe un potentiel de dynamique : nous voulons l’exploiter, nous voulons le réaliser.

CommodAfrica : La transformation locale croissante du cacao entre dans cette logique….

Jean-Marc Anga : Sur le principe, les pays producteurs ont intérêt à ajouter de la valeur à la matière première. Nos parents ont produit et exporté des fèves de cacao. Il est inconcevable que, 50 ans après, nous continuions à exporter des fèves. Il est normal que les pays veuillent évoluer dans la chaîne de valeur et, à ce niveau, toutes les initiatives en matière de transformation dans les pays producteurs sont à saluer.

Un autre aspect concerne la préoccupation pour l’industrie de se rapprocher du produit physique. Nous devons développer dans les pays producteurs l’assurance de l’existence d’un produit semi-fini, prêt à être utilisé, selon le concept économique du « just in time » : dès que Mars le veut, Cargill peut fournir le produit. C’est ce qui justifie toutes les initiatives en matière de transformation dans les pays producteurs. Et nous encourageons cela fortement.

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Jean-Marc Anga : « Nous encourageons toutes les initiatives en matière de transformation dans les pays producteurs. »

CommodAfrica : Quel est le rôle de l’ICCO à l’égard des mesures sanitaires prises par l’UE et qui semblent se multiplier ?

Jean-Marc Anga : Nous avons un rôle non négligeable car l’ICCO regroupe tant les pays producteurs que consommateurs. Lorsque nous avons eu vent de l’initiative de l’UE d’imposer une directive sur le cadmium*, nous avons conclu après discussion que cela pouvait affecter considérablement le commerce du cacao, notamment dans les pays latino-américains, pays dans lesquels le cadmium existe à l’état naturel dans le sol : les sols volcaniques, par excellence, produise du cadmium à un niveau plus élevé que celui recommandé par l’UE.

Nous en avons débattu, au sein de l’ICCO d’abord, puis nous avons formé une délégation avec les pays producteurs et sommes allés à Bruxelles pour rencontrer l’Autorité européenne de sécurité des aliments qui est à l’initiative de cette directive. Nous avons fait appel à des experts qui ont réuni un certain nombre de données scientifiques et techniques dans les pays producteurs et cela a été transmis à l’UE.

Aujourd’hui, nous avons la satisfaction que l’UE dispose des éléments lui permettant d’apprécier la délicatesse de cette situation et la nécessité de ne pas mettre en œuvre une directive de manière précipitée. Nous avons eu l’assurance au niveau de la Direction de l’UE que le temps sera pris pour formuler des propositions, propositions qui suivront le circuit officiel, c’est-à-dire qui passeront par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avant d’être proposées aux pays membres de l’OMC. Car c’était une des préoccupations de nos pays producteurs, à savoir que l’UE, d’une manière unilatérale, se proposait de prendre une directive sans consultation préliminaire, sans passer par les canaux de consultation, même au sein de l’OMC.

Je suis satisfait que cette visite que nous avons effectué à l’UE ait recentré le débat et resitué le contexte des obligations des parties, notamment de l’UE qui doit absolument consulter ses partenaires à travers les canaux officiels de l’OMC avant d’en arriver à une éventuelle directive.

CommodAfrica : A l’ICCO, vous avez une vision mondiale : des enseignements sont-ils à tirer de certains modèles de production et de transformation mis en œuvre en Afrique de l’Ouest, du Centre ou en Indonésie ?

Jean-Marc Anga : Les pays que vous citez ont essentiellement le même modèle. Ils sont engagés dans une politique non seulement d’amélioration de la productivité et de la qualité mais également de la transformation locale. La Côte d’Ivoire a indiqué, par exemple, que d’ici l’horizon 2015, elle doit transformer 50% de son cacao sur place ; c’est un objectif ambitieux mais pas du tout irréalisable. Le Ghana n’est pas loin derrière la Côte d’Ivoire.

L’Indonésie a imposé une taxe à l’exportation qui fait qu’aujourd’hui, une grande partie de son cacao est transformé sur place. En outre, l’Indonésie a une dimension démographique : ils sont 250 millions, donc c’est un marché potentiel local très important. L’ensemble de ces objectifs peut être atteint.

Donc ces trois pays sont engagés dans une dynamique non seulement d’augmentation de la production, mais également de transformation pour accroître la valeur ajoutée locale et tous les trois sont vraiment bien partis.

Propos recueillis par Bénédicte Châtel à Yaoundé

* La Commission européenne se préoccupe de la teneur en cadmium du cacao depuis janvier 2009. A l’occasion d’une réactualisation d’un avis sur le cadmium, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a conclu à une éventuelle surexposition de certains groupes de consommateurs et a proposé de réviser les seuils. Des pays producteurs de cacao ont alors saisi le Comité chargé de la sécurité sanitaire des produits alimentaires, de la santé des animaux et de la préservation des végétaux de l'OMC qui s’est réuni les 10 et 11 juillet 2012 pour écouter leurs préoccupations.

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La rédaction d'Economie Matin Afrique

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