Nos limites pour une écologie intégrale #1

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Par Gaultier Bès, Marianne Durano, Axel Rov Publié le 14 août 2014 à 3h10

Dans notre société de l'instantané, l'avenir est plus que jamais un inconnu. Nous oscillons, face à cet anonyme, entre catastrophisme effréné, progressisme ingénu et indifférence molle.

Entre ces trois impasses, qu'espérer pour demain ? Faut-il avoir peur ou confiance ? A l'heure des formidables promesses technologiques, il n'est pas trop tard pour se poser les bonnes questions, pourvu qu'on le fasse avec lucidité. Alors que notre influence sur le vivant s'accroît chaque jour davantage, la question fondamentale de notre époque, ce qui la taraude, n'est rien d'autre en effet que la légitimité de la vie humaine.

Et cette question est inédite dans sa radicalité, car désormais, du transhumanisme à l'antispécisme (8), ce ne sont plus seulement les raisons de vivre individuelles, mais le bien-fondé même de l'existence de l'espèce humaine qui est remis en cause. Tandis que le nombre d'êtres humains croît, la définition de l'humain, de sa dignité propre, paraît de plus en plus confuse. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », notait Paul Valéry, contemplant les ruines matérielles et intellectuelles laissées en Europe par la guerre, avant de conclure par ces mots : « Adieu, fantômes ! Le monde n'a plus besoin de vous. Ni de moi » (9).

Nous savons que les civilisations sont mortelles, nous avons de plus en plus de raisons de craindre que l'humanité le devienne à son tour.

Tandis qu'il contrôle toujours plus étroitement la vie, l'humain se voit contraint de la justifier sans cesse. La vie ne va plus de soi : elle ne nous apparaît plus comme une évidence qu'il faut assumer, un fait incontestable, mais comme une possibilité soumise à condition. D'un côté, on constate que de plus en plus de jeunes tentent de se suicider10. De l'autre, on observe que le seuil de renouvellement des générations n'est atteint nulle part en Europe (11).

Si vivre, ce n'est plus que survivre, et si l'individu n'est plus qu'un « mort à crédit », déplaçable et remplaçable à l'envi, pourquoi donner encore la vie ? Le spectre de notre déshumanisation nous hante. Tel est le paradoxe fascinant de notre temps : à mesure que l'humain accroît son emprise sur le vivant, décroît la valeur de sa vie même. On prépare l'humanité augmentée, parce qu'on désespère de l'humanité tout court.

8 Le transhumanisme promeut l'amélioration par la technique des capacités physiques et mentales de l'homme, tandis que l'antispécisme, au nom de l'égalité de tous les êtres vivants, remet en cause le principe de l'humanisme selon quoi l'humanité aurait une dignité singulière.
9 Paul Valéry, La Crise de l'esprit, Première Lettre, 1919.
10 En France, à 15 ans, près de 21% des filles et près de 9% des garçons auraient déjà fait une tentative de suicide. Sans compter l'anorexie, les phobies scolaires, l'hyperactivité, et autres phénomènes contemporains qui révèlent chez les enfants une angoisse existentielle de plus en plus précoce.
11 Soit 2,1 enfants par femme. En 2013, la moyenne européenne était de 1,6, en France de 2, au Royaume-Uni de 1,9, en Italie et en Allemagne de 1,4 (INED).

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Extraits du livre "Nos limites pour une écologie intégrale" disponible sur Amazon

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Gaultier Bès (25 ans), Marianne Durano (22 ans) et Axel Rokvam (26 ans) sont les trois fondateurs du mouvement des veilleurs.

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