Bilan démographique de François Hollande : pourquoi cette chute des naissances ?

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Par Jacques Bichot Modifié le 4 mai 2017 à 6h43
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@shutter - © Economie Matin
8,1 %Sous la présidence de François Hollande, les naissances ont chuté de 8,1 %.

Différents indicateurs servent à mesurer les performances réalisées par un pays durant une présidence. L’évolution du PIB, le nombre des personnes ayant un travail et celui des chômeurs, l’investissement, la balance des échanges extérieurs, le revenu moyen, le taux de pauvreté, sont souvent pris en considération. En revanche, les performances – si j’ose dire – démographiques sont moins utilisées pour faire le bilan d’un quinquennat. Pourtant, la célèbre phrase attribuée à Jean Bodin reste parfaitement juste : « il n’est richesse que d’hommes ». Voyons donc quel a été sous ce rapport le résultat du quinquennat Hollande.

La chute des naissances

Les données France entière étant fournies par l’INSEE avec un délai important, nous devons nous limiter aux naissances en France métropolitaine, connues pour chaque mois à la fin du mois suivant. Nous comparerons ici les naissances du premier trimestre 2012 à celles du premier trimestre 2017. Les années bissextiles (2012 et 2016) comportant un jour de plus que les autres, il faut pour mesurer convenablement les évolutions diminuer légèrement le nombre de naissances survenues durant les années ou les trimestres comportant un mois de février de 29 jours.

Au premier trimestre 2012, correction faite du facteur « année bissextile », il y eut 189 500 naissances vivantes. Au premier trimestre 2017, ce nombre est descendu à 174 100. La différence (15 400 bébés de moins) signifie une chute de 8,1 %.

Cette diminution s’est réalisée principalement à partir de 2015, c’est-à-dire, s’agissant des naissances du premier trimestre, pour des conceptions en 2014. Le premier trimestre 2014 a vu naître, à quelques dizaines près, 192 000 bébés, soit autant qu’au premier trimestre 2012, et 2 500 de plus en tenant compte de la correction pour année bissextile. Le début du quinquennat, à peu près jusqu’à l’été 2013, a donc été jugé par les jeunes ménages assez propices à « mettre en route » une progéniture : il n’y a pas eu de méfiance a priori à l’encontre du régime mis en place en mai 2012.

Le premier trimestre 2014 a même été sensiblement meilleur que les premiers trimestres 2012 et 2013 : cela montre qu’au second trimestre 2013, les Français étaient bien disposés en matière de procréation. C’est à l’été 2013 que le tournant se situe ; le « moral nataliste », si l’on peut dire, va dès lors décroitre assez régulièrement. On peut légitimement penser que ce sont certains aspects des politiques suivies après les élections qui portent la principale responsabilité de cette évolution.

Pourquoi cette chute ?

La crise de confiance s’est produite à partir de l’automne 2013 : il semblerait que la population concernée ait alors estimé que les conditions d’accueil d’un enfant se dégradaient. Le chômage y est sans doute pour quelque chose : son taux au sens du BIT est passé de 9,1 % au premier trimestre 2012 à 10 % au second trimestre 2013, puis a oscillé autour de ce chiffre. Or la diminution du nombre des naissances, amorcée au troisième trimestre 2014 (conceptions au dernier trimestre 2013) est devenue vraiment sensible au quatrième trimestre 2014, c’est-à-dire pour des conceptions au premier trimestre 2014 : au moment où il devenait clair pour les Français que la situation de l’emploi était durablement plombée en dépit des rodomontades de leurs dirigeants.

Les chiffres de Pôle emploi vont dans le même sens : jusqu’à l’été 2012, le chômage de catégorie A se situe un peu en dessous de 3 millions, et le chômage toutes catégories en dessous de 5 millions. Le premier reste supérieur à 3,3 millions sur tout le premier semestre 2016 (naissances du dernier trimestre 2016 et du premier trimestre 2017), avec des pointes à plus de 3,7 millions. Le second, sur la même période, n’a jamais été inférieur à 6 millions.

Des mesures économiques défavorables à la famille

Le deuxième facteur explicatif se situe au niveau de la politique familiale. Le plafond du quotient familial a été abaissé à deux reprises, de 2 336 € à 2 000 € en 2012, puis à 1 500 € en 2013. Cette même année, ont commencé à être agitées les perspectives de suppression des allocations familiales pour les ménages aisés, ou de modulation en fonction du revenu : quand l’entrée en vigueur de cette modulation est intervenue, en 2015, le bruit fait autour des projets leur a probablement donné un impact plus important auprès des couples aisés susceptibles d’engendrer.

Notons enfin une mesure votée en 2014 et entrée en vigueur au 1er janvier 2015 : la durée de versement du complément de libre choix d’activité pour les enfants de rang 2 et plus (renommé « prestation partagée d’éducation de l’enfant ») a été réduite de facto, sinon de jure, en réservant 6 mois au père, qui le plus souvent n’en profite pas. Là encore, le timing de l’agitation autour des projets de mesures correspond, avec les 9 mois de décalage qui séparent la conception de la naissance, à celui de la baisse de la natalité.

Les conditions ne seraient pas au rendez-vous pour procréer

D’autres facteurs liés à la mauvaise gestion des affaires publiques ont pu jouer un rôle : la croissance du sentiment d’insécurité lié au terrorisme, à la délinquance et, dans certains lieux, à l’immigration mal contrôlée ; la dégradation de l’instruction publique, vivement ressentie (cf. le sondage BVA de janvier 2017 pour l’Apel et La Croix), et accélérée par la mise en place calamiteuse d’une réforme des rythmes scolaires destinée à multiplier les activités périscolaires ; l’exposition croissante des adolescents – et même des enfants – à la drogue et à la pornographie ; etc.

Tout cela montre une responsabilité importante de la présidence, du gouvernement et du législateur dans le recul de la fécondité française. Un des atouts parmi les plus importants de ceux dont dispose notre pays est en voie d’être gâché. Il serait grand temps de redresser la barre.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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