Marché : une équation d’environnement compliquée

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Par Hervé Goulletquer Publié le 22 juin 2018 à 10h01
Petrole Accord Doha Opep Gel Production
@shutter - © Economie Matin
74 dollarsLe cours du Brent se situe actuellement à 74 dollars.

Du côté des investisseurs, le questionnement sur l’environnement de marché se pose en ces termes : est-ce que de bonnes nouvelles sur l’économie peuvent compenser les moins bonnes en provenance de la politique et sinon est-ce que des actions de politique économique sont à même de combler l’écart, qui plus est avec le calendrier qui va bien ?

Droits de douane : tous les yeux sont rivés sur les décisions en provenance des États-Unis

Commençons par la politique. De fait, on a connu des contextes plus favorables. Après la Chine, l’Union européenne vient d’activer des mesures de rétorsion aux augmentations de droits de douane décidées par les Etats-Unis. Quelle sera la réaction des autorités américaines ? On a l’impression que leur attention pour le moment se porte davantage sur la Chine que sur l’Europe. C’est sans doute en début d’automne que les dossiers européens reviendront davantage sur le devant de la scène, avec la possibilité de surtaxer les importations de voitures au titre d’une menace à la sécurité nationale. Revenons donc sur les relations sino-américaines.

Il y a deux lignes de force. La première met en avant à la fois le gain politique à tirer pour le Président Trump et le Parti républicain d’une ligne dure vis-à-vis de Pékin et la nécessité d’empêcher la Chine de rattraper son retard technologique par rapport aux Etats-Unis. La seconde insiste sur l’intérêt bien compris des deux parties à trouver un compromis. Même s’il se dit que le Vice-président chinois pourrait être invité à Washington dans les tous prochains jours pour faire avancer de nécessaires discussions, il semble bien que la première ligne de force fait pour le moment la course en tête.

Italie : la politique économique et la question des migrants focalisent l'attention

Du côté italien, les ambiguïtés demeurent sur l’orientation de la politique économique. Le ministre des Finances avait rassuré les marchés il y a quelques jours de cela ; l’élection à la présidence des commissions parlementaires en charge des questions budgétaire et financière (respectivement à l’Assemblée et au Sénat) de personnalités eurosceptiques les inquiète. La dialectique des gouvernants actuels de l’Italie est sans doute assez bien résumée par Luigi di Maio : réduire l’endettement public passe par plus de croissance et c’est pour cela que les baisses d’impôt et l’instauration d’un revenu universel sont des mesures nécessaires. Bien sûr, le dossier des migrants occupe l’essentiel de l’actualité italienne. Pour autant, le point-clé pour les marchés reste la préparation du budget 2019. Même si on ne sait pas grand-chose, c’est ce à quoi il faut rester attentif. Ce qui n’empêche pas le dossier migratoire d’être important. A court terme, l’enjeu est moins italien qu’allemand : la Chancelière va-t-elle réussir à signer des accords bilatéraux avec ses partenaires de l’UE sur le retour des migrants en situation irrégulière en Allemagne vers le pays où ils ont été enregistrés et ainsi éviter une crise de gouvernement ? Réponse dimanche, après un mini-sommet européen.

OPEP : la perspective d'un accord

Il se dit qu’un accord aurait été trouvé au sein de l’OPEP pour augmenter la production et ceci malgré les réticences de l’Iran (pour dire le moins). Mais la hausse ne serait pas de 1,5 Mbj comme voulue par l’Arabie saoudite et sans doute espérée par l’Administration Trump. Elle serait fixée à 1Mbj ; ce qui, eu égard aux difficultés que rencontreront certains producteurs pour contribuer à l’augmentation décidée, pourrait in fine ne se traduire que par un surcroît d’offre de quelque 600 000bj. Avec quel effet sur le les cours du « brut » ? Ce matin, le prix du baril de Brent monte un peu et les cours à terme n’indiquent qu’un repli limité à l’horizon des prochains trimestres : 71,5$pb au quatrième trimestre, contre 74$ au moment présent.

Un ralentissement de la croissance mondiale est-il à craindre ?

Passons à l’économie. La publication plus tôt ce matin de l’indice PMI manufacturier japonais pour le mois de juin envoie un message plutôt positif : +0,3 point par rapport à mai à 53,1. On verra un peu plus tard dans la matinée si ceux concernant la France, l’Allemagne et la Zone Euro s’inscrivent dans ce sillage. Il n’empêche que dans le même temps les entraves au commerce international font craindre un ralentissement de la croissance mondiale. Le risque a été pointé tant au niveau macroéconomique par Lagarde du FMI, Powell de la Fed et Draghi de la BCE qu’au niveau micro par Daimler. Le diagnostic assez partagé sur les marchés, avant la phase en cours d’intensification des tensions commerciales, pointait un plafonnement de la croissance mondiale. Les effets-prix, liés au renchérissement des taxes, et une confiance « ébranlée » font craindre que celui-ci mute en ralentissement. Il serait perçu comme léger, au moins dans un premier temps.

Peut-on neutraliser ce ralentissement, si ce n’est attendu, redouté par des initiatives de politique économique ? Sur le papier, oui. Mais croit-on qu’elles puissent être décidées de suite ? Si ce n’est en Chine, la réponse doit plutôt être négative. En n’oubliant pas que l’impact sur l’activité se fait sentir avec un certain délai.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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