Emploi : les startups pour le meilleur et pour le pire du droit social 

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Par Harry Allouche Publié le 22 novembre 2015 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
12 000Rien qu'à elle seule, la région parisienne compte 12 000 startups.

On ne parle plus que de ça… entre Macron et Valls, nos dirigeants semblent avoir trouvé la martingale pour inverser la courbe du chômage, le virage numérique. Et s’ils avaient (enfin) raison ?

L’actualité récente, ponctuée notamment par l’arrivée de nouveaux acteurs disruptifs à l’instar des startups telle qu’Uber, a démontré à quel point de nouvelles problématiques bouleversent le droit du travail. La tentation est grande de contourner l’ensemble des obligations relatives au contrat de travail en faisant appel à des travailleurs indépendants comme les auto-entrepreneurs qui possèdent de nombreux avantages pour l’entreprise, notamment en termes de flexibilité et de coûts. Pourtant, ce recours, si non maitrisé, n’est pas sans danger.

Des obligations massives héritées du régime classique du salariat

Le recours à l’emploi salarié emporte de très nombreuses conséquences pour l’entreprise, qui sont autant de freins au développement rapide de son activité. L’entreprise doit faire face à de nombreuses obligations courantes comme la justification des temps de travail, la mise en place de bulletins de paie, d’un règlement intérieur, d’un contrat de participation des salariés aux bénéfices, mais aussi effectuer les déclarations sociales et faire respecter différents droits comme le droit à la formation, les obligations en matière d’institutions représentatives du personnel, CHSCT et représentation syndicale.

Par ailleurs, elle devra respecter un certain nombre d’obligations sociales et de publications : les démarches relatives à la médecine du travail, aux tableaux d’affichage, le respect des conventions de stages et de toutes les obligations qui se créent au fil des négociations syndicales. Le tout, en s’acquittant du paiement de nombreuses charges patronales destinées au financement de la Sécurité sociale réparties entre l'assurance maladie, l'assurance vieillesse, les allocations familiales, l'aide au logement, les accidents du travail, le financement de l'assurance chômage et le fonds de garantie des salaires. Depuis le législateur a même rajouté un temps de travail mensuel minimal de 24 heures mais aussi une complémentaire santé habituelle au 1er janvier 2016.

Compte tenu de l’ensemble de ces obligations et coûts relatifs à l’utilisation de travailleurs salariés, il est tentant pour les entreprises de croissance, de se replier sur les travailleurs indépendants. Cependant cette solution, bien qu’avantageuse, demeure risquée.

Les travailleurs indépendants : un recours tentant mais hautement risqué

Régulièrement les tribunaux s’attachent à soulever la question de savoir si le travailleur indépendant sous-traitant peut garder ce statut ou si, compte tenu des conditions dans lesquelles il effectue ses missions, il ne relevait pas plutôt du statut du salarié. Ainsi, même si par principe il existe une présomption légale de non salariat, les juges ne se privent pas de prononcer des requalifications en contrat de travail. À ce titre, les tribunaux fondent leur conviction, non seulement au regard des clauses ou des noms des contrats, mais surtout à l’aune des conditions réelles dans lesquelles le contrat est exécuté.

Ce faisant, si l’ensemble de ces éléments pratiques conduit à constater l'existence d'un lien de subordination et d'un état de dépendance du sous-traitant, la requalification est alors prononcée. Les critères régulièrement retenus par les juges pour prononcer une requalification sont un contrat de travail antérieur liant le travailleur au donneur d'ordre et poursuite de la collaboration sous une autre forme juridique, l’obligation de porter une tenue répondant aux exigences du donneur d'ordre et/ou de mettre le véhicule à ses couleurs, des horaires imposés, l’intégration dans un service organisé, des notes de services à respecter, des instructions et procédures écrite préétablies.

La requalification du travailleur indépendant en travailleur salarié emporte alors de lourdes conséquences sociales, économiques et pénales pour l’entreprise. En effet, d’une part, la requalification a pour effet de rendre applicable l'ensemble des principes et dispositions régissant le contrat de travail. Le salarié pourra donc réclamer la régularisation de sa situation en matière de rémunération, d'heures supplémentaires et de repos récupérateurs ou compensateurs. Quant à l'entreprise, celle-ci devra s’acquitter des cotisations de sécurité sociale et des autres charges sociales avec effet rétroactif et indemnités de retard.

D’autre part, la requalification pourra donner lieu à poursuite de l'employeur pour travail dissimulé. Ce délit pourrait engager la responsabilité pénale de l'employeur.

Un travailleur réellement indépendant ?

L’essor du travailleur indépendant doit être accompagné mais derrière l’apparence d’indépendance, certains actifs sont bien loin d’être des vrais entrepreneurs. Pour des entreprises disruptives, le recours aux travailleurs indépendants emportera d’inévitables changements remettant en cause les stratégies, notamment en ce qui concerne le processus d’organisation interne de la société, au regard des obligations qui sont imposées pour l’organisation du travail. Dans la même veine, la liberté donnée aux effectifs de contracter avec n’importe quel autre donneur d’ordre jouera un rôle capital puisqu’une clause d’exclusivité pourrait aboutir à une requalification en CDI.

Ainsi, le bon équilibre se trouvera entre la nécessité de mettre en place des processus organisationnels efficaces, tout en laissant les travailleurs jouir d’une marge de manœuvre suffisante pour éviter tout lien de subordination synonyme de danger pour l’un comme pour l’autre… Sinon comme l’ont récemment décidé les tribunaux californiens pour Uber, tous ces (simili) travailleurs indépendants seront requalifiés dans le droit du travail habituel.

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Avocat au Barreau du Québec depuis 2014, et de Paris depuis 2015, Harry Allouche a cofondé en juillet 2015 le cabinet ALTO AVOCATS dont il est associé. Diplômé d’un Master II Juriste d’affaires Franco-Anglais à Paris Sud XI, d’un LLM à l’Université de Montréal, et d’un Master of Science Legal and Tax Management à l’EDHEC Business School de Lille, ce dernier a fait du droit des affaires son domaine d’intervention privilégié.

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