Draghi : pour sauver l’euro, il va falloir sacrifier vos salaires !!

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Par Charles Sannat Modifié le 29 novembre 2014 à 17h11

Alors que les deux économistes franco-allemands viennent de rendre leur rapport appelant à nouveau à l'idée de « dérégulation » au sens large, que Macron notre ministre de l'Économie va tenter de faire passer sa loi pour « plus de crôassance » en tentant de créer plus de postes de notaires, ce qui ne changera rien au problème du chômage de masse, je trouve que le coup de grâce a été porté par Mario Draghi, notre grand timonier monétaire à la barre de la BCE. Les propos de Draghi révèlent également la pensée réelle de ceux qui nous dirigent. Lui peut se permettre de le dire publiquement puisqu'il n'a pas été élu par les peuples mais désigné et nommé par les gouvernements.

Nos dirigeants, eux, ont besoin de l'onction populaire à travers les élections et les votes qui ne sont, hélas, plus qu'un alibi à la démocratie et sont obligés à une certaine forme d'hypocrisie. Difficile pour les socialistes (moins pour la droite) de dire qu'il va falloir baisser les salaires.

Pourtant, c'est bien de cela qu'il s'agit. Organiser une dévaluation compétitive géante non pas monétaire mais salariale.

Draghi appelle à pouvoir ajuster les salaires pour aider l'euro

C'est important l'euro mes braves mougeons, alors vous savez, il va falloir que vous sauviez l'euro. Bon, sauver l'euro comme le quitter cela a un prix. Si nombreux sont ceux qui poussent des cris d'orfraie lorsque l'on envisage une sortie de l'euro en disant « c'est impossible cela coûterait trop cher », ce qui est peut-être vrai, on les entend nettement moins nous parler du vrai coût pour rester dans l'euro ! Or ce coût du maintien à tout prix de la monnaie unique c'est aussi bien des coûts économiques, que des coûts en perte de croissance ou encore des coûts sociaux (demandez donc ce qu'ils en pensent aux Grecs, aux Italiens, aux Espagnols ou aux Portugais qui sont allés jusqu'à embastiller leur dernier Premier ministre).

Il faut donc calculer les deux facettes du problème, à savoir conserver ou supprimer l'euro, pour avoir un débat sain sur ce sujet. Évidemment, le coût du maintien de l'euro n'est jamais, mais alors jamais abordé vraisemblablement parce que le conserver coûte plus cher à terme que de le quitter, seulement ce n'est pas ce qui a été décidé pour vous.

Voici ce que Mario Draghi a déclaré dans les grandes lignes.

« Le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a appelé la zone euro à pouvoir répondre aux crises « par l'ajustement des salaires », afin de renforcer la viabilité de la monnaie unique. »

« Tous les pays de la zone euro doivent être capables de prospérer indépendamment. Cela signifie que chaque économie doit être assez flexible pour trouver et exploiter ses avantages comparatifs, afin de bénéficier du marché unique », a déclaré M. Draghi lors d'un discours à Helsinki. »

« Et ils doivent être assez flexibles pour répondre rapidement aux chocs de court terme, y compris par l'ajustement des salaires ou la réallocation des ressources entre les secteurs », a estimé M. Draghi.

Il a expliqué que l'union monétaire, quoique « irrévocable », restait « toujours incomplète » sans « transferts budgétaires permanents entre pays » ni forte mobilité des chômeurs à travers les frontières.

« Le manque de réformes structurelles fait naître le spectre d'une divergence économique permanente entre les membres. Et dans la mesure où cela menace la cohésion essentielle de l'Union, cela a des conséquences potentiellement dommageables pour tous les membres de l'union monétaire européenne », a affirmé le président de la BCE.

« Interrogé lors d'une discussion à l'université d'Helsinki sur le « risque que nous revenions au système du XIXe siècle » où les salaires et les prix pouvaient fortement baisser ou augmenter, M. Draghi a défendu la nécessité de la « dévaluation interne » (abaisser les coûts d'un pays quand il n'est pas possible d'abaisser le taux de change).

Il a rappelé que des pays avaient dû abaisser leurs coûts quand la crise économique mondiale avait souligné leur manque de compétitivité face à d'autres économies de la zone euro.

« La principale leçon que je tirerai de cette expérience est que nous devons être très attentifs au sein d'une union monétaire à ne pas laisser dévier nos salaires et nos prix. Nous devons être très attentifs à maintenir ces pays compétitifs au sein de l'union », a déclaré l'Italien. »

Sans ajustement monétaire, il ne reste que l'ajustement des salaires...

La monnaie unique retire aux pays qui divergent en termes de compétitivité de recourir à la dévaluation monétaire puisqu'ils n'ont plus de souveraineté monétaire. C'est une évidence. Dès lors, la seule façon relativement rapide de retrouver de la compétitivité c'est évidemment de baisser les salaires, comme cela a été fait rapidement et brutalement en Grèce mais aussi en Espagne. Pourtant, cela n'a pas créé pour le moment, dans ces deux pays précis, un « choc » de croissance monumental si vous voyez ce que je veux dire.

L'Espagnol coûte désormais 675 euros par mois et le petit Grec pédalant dans le yaourt environ 480 euros. Dans ces deux pays, le chômage ne s'effondre pas et reste à des niveaux historiques jamais atteints. Si le taux de chômage espagnol semble vouloir montrer une très légère inflexion, les résultats obtenus n'ont rien à voir avec les efforts consentis (d'office) par les populations.

Cependant, théoriquement, cela aurait dû marcher.

Je pense qu'un phénomène autre rentre en jeu, en fait plusieurs

1/ Je ne reviens pas longuement sur ce sujet mais évidemment les délocalisations ont eu lieu, et ce n'est pas parce que le coût du travail baisse depuis deux ans en Espagne que l'on ferme l'usine que l'on a fait construire il y a 5 ans en Chine pour la rapatrier dans la banlieue de Madrid. Il y aura donc une inertie très longue avant de voir des relocalisations massives parce que nos salaires seraient presque aussi bas que ceux des Chinois, ce qui est bien le mouvement d'ajustement par le bas en cours.

2/ Les relocalisations, lorsqu'elles se font (cas américain), se font sans emploi ou presque avec une automatisation extrême. Cela a donc un effet certes très positif sur la balance commerciale (différence entre la quantité produite et les quantités importées) mais très très faible pour ne pas dire un effet inexistant sur le niveau d'emploi et de chômage. Ce sera de plus en plus le cas avec les progrès exponentiels de la robotique au sens large.

3/ Enfin, troisième phénomène : la baisse des salaires en Europe ne s'accompagne pas de la baisse des prix nécessaire pour pouvoir véritablement retrouver de la croissance économique ou plutôt, dirons-nous, de l'activité économique.
Prenons un exemple. Si aujourd'hui mon salaire est de 1 500 euros et que mon loyer est de 600 euros par mois, si demain mon revenu passe à 700 euros mais que mon loyer, lui, devient 70 euros alors en réalité... je suis gagnant !! Devenant gagnant alors je suis en capacité à dégager une marge de dépenses pour irriguer l'activité économique. Dans la zone euro, ce phénomène de déflation généralisée qui devrait avoir lieu dans cette logique de baisse des salaires ne se produit pas.
Ce qui est vendu 20 euros est vendu 20 euros partout en Europe ou avec des différences assez minimes. Les prix restent donc désespérément hauts. La conséquence ce n'est pas la relance de l'économie mais le laminage en règle du niveau de vie des populations et leur paupérisation massive.
Plus grave encore : si la BCE par la voix de Mario Draghi nous demande de baisser nos salaires, le même Mario Draghi veut maintenir de l'inflation, c'est-à-dire une hausse des prix !!
En clair, il faut que nos salaires baissent mais il faut aussi que les prix continuent de monter !! Or il s'agit là d'une aberration économique historique. Si les salaires moyens baissent, alors les prix moyens doivent baisser et se réajuster au nouveau pouvoir d'achat moyen. En tout cas, c'est la logique de base économique. Mais si les prix baissent, cela veut dire que les bénéfices des entreprises vont baisser et si les chiffres d'affaires baissent ainsi que les bénéfices, cela veut dire que le cours des actions va baisser et l'ensemble de ce processus de réajustement serait économiquement parfaitement cohérent.

Mais non. Nous sommes des mougeons. De la piétaille. Des sans-dents illettrées, condamnés à gagner moins et à payer plus cher des produits de plus en plus mauvais dont, de surcroît, nous n'avons pas vraiment besoin et que nous achèterons avec de l'argent que nous n'avons pas... Il y a donc un énorme trou dans l'équation économique posée par Mario Draghi et généralement par les autorités européennes, et la seule variable d'ajustement capable d'équilibrer l'équation de Draghi c'est la paupérisation massive des peuples d'Europe. Cela fait 7 ans que le mouvement a commencé. Il va se poursuivre.

J'espère que vous commencez à comprendre pourquoi il est déjà trop tard, préparez-vous.

À demain... si vous le voulez bien !!

Au coffre Le Contrarien Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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