Doutes sur la dette et donc sur l’assurance-vie

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Par Nicolas Perrin Modifié le 23 mars 2023 à 9h55
Assurance Vie Epargne Dette
@shutter - © Economie Matin
1 %En février, le rendement moyen des dépôts bancaires des ménages est passé sous la barre symbolique des 1%.

L’assurance-vie voit son rendement attaqué. Le cadre réglementaire a choisi son camp : la protection de l’industrie financière et non celle des épargnants.

Nous avons déjà évoqué la politique monétaire menée par la BCE, les craintes qui pèsent sur la viabilité de l’euro ainsi que la baisse du rendement moyen des fonds euros. Voici d’autres faits et annonces concernant vos placements — et plus spécifiquement le marché de l’assurance-vie.

Les rendements s’effondrent sur les produits à taux fixe

Dans l’une de ses publications mensuelles de février, la Banque de France a indiqué que tous produits confondus, le rendement moyen des dépôts bancaires des ménages est passé sous la barre symbolique des 1% (0,99%).

En Allemagne, certaines banques ont annoncé qu’elles vont prélever des « rétributions » sur les comptes à vues de leurs plus gros clients (0,40% pour la Stadtsparkasse de Munich sur les dépôts supérieurs à 250 000 €, 0,2% pour la Volksbank de Hambourg à partir de 500 000 € de dépôts). En France, selon Le Figaro, seuls le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE) et Natixis pratiquent déjà de genre de traitement sur certains grands comptes, ce qui revient à appliquer un taux négatif.

Nous ne sommes plus seuls à critiquer la politique de taux négatifs et les mécanismes prudentiels européens. Mi-décembre, l’Association actuarielle européenne (AAE) publiait un document intitulé Les taux d’intérêt négatifs et leurs conséquences techniques. L’AAE y éreinte le modèle de Solvabilité II, notamment parce qu’il incite les assureurs à investir dans les obligations d’Etat, handicapant au final le financement de l’économie plus qu’il ne contribue à sa sécurisation.

Ne perdez jamais de vue que l’objectif primordial des décideurs politiques est de permettre au système de se perpétuer, c’est-à-dire de faire en sorte que les Etats puissent continuer à dépenser plus qu’ils ne collectent. Natixis a publié un Flash Eco dans lequel la banque estime qu' "au niveau actuel de l’écart entre croissance et taux d’intérêt, une réduction de moitié de la dette publique de la Zone euro prendrait 27 années". La note suggère que c’est cette solution du « défaut lent » sur les dettes souveraines que préconise l’équipe de recherche.

Dette, créances douteuses et stress test

Mi-février, l’agence de notation Standard & Poor’s estimait justement l’encours de la dette souveraine mondiale au montant sans précédent de 44 300 Mds$, soit une augmentation de plus de 2% par rapport à l’année passée.

Vous vous demandez peut-être qui sont les plus gros emprunteurs ? Et bien la France rate de près le podium, la troisième place nous ayant été ravie par l’Italie, qui se place elle-même derrière la Chine. A tout seigneur tout honneur, la médaille d’or est décrochée par les Etats-Unis, avec un montant de 2 200 Mds$ empruntés.

Emettre de la dette, c’est très bien, mais encore faut-il pouvoir la vendre. En Europe, cela n’est pas un problème puisque la BCE rachète tout ce qui bouge. Les choses se compliquent au niveau des banques commerciales européennes, dont les bilans sont gorgés de créances douteuses. Début février, l’Autorité bancaire européenne (ABE) sonnait l’alarme, déplorant que dix pays affichent un taux de créances douteuses supérieur à 10%. La « solution » proposée par l’ABE ? Créer une bad bank européenne… Si le simple fait de jeter ses ordures au dépotoir suffisait à rendre la planète plus propre, ça se saurait !

On a d’ailleurs récemment eu des nouvelles du gros morceau, l’Italie, avec 16,4% de créances douteuses. Le conseil d’administration de la Monte dei Paschi di Siena a donné son feu vert pour le plan de restructuration avec une recapitalisation par… devinez qui ? Mais l’Etat « stratège » italien, bien sûr ! Il ne faudrait surtout pas priver le contribuable d’un investissement dans une maison qui a enregistré une perte de 3,24 Mds€ en 2016 ! Ah, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour maintenir en vie le plus vieux zombie la plus vieille banque encore en activité…

Mais les banques ne sont pas les seules entités à être truffées de dettes. Mi-décembre, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) publiait les résultats d’un stress test réalisé sur 236 compagnies d’assurance. Il en ressort que dans un scénario de baisse durable des taux avec diminution soudaine du prix des actifs, les assureurs assumeraient des moins-values de 160 Mds€. La solution recommandée par l’AEAPP ne vous surprendra pas : il s’agit d’un appel aux autorités de supervision nationale pour qu’elles incitent les assureurs à rémunérer les épargnants le moins possible…

Les assureurs abandonnent la garantie à 100% des fonds euros et en augmentent les frais sur versements

Fin décembre, c’est Spirica, le troisième assureur web français, qui annonçait abandonner la garantie en capital net de frais de gestion sur les fonds euros et sur les fonds immobiliers. Assureur après assureur, la tendance à la généralisation de la garantie en capital hors frais de gestion se confirme.

La Mutuelle d’assurance des professionnels de la santé (MACSF) a choisi une autre solution. Pour inciter les épargnants à prendre plus de risques, la mutuelle a tout simplement décidé d’augmenter sensiblement les frais sur versements de son contrat monosupport, rapporte l’UFC-Que Choisir. Désormais, les épargnants qui voudront bénéficier d’une garantie à 100% en capital devront payer non plus 1% de frais sur leurs versements, mais 3% !

Les présidentielles vont-elles sonner le glas du régime de faveur dont bénéficie l’assurance-vie lors des rachats ?

Une annonce récente d’Emmanuel Macron a fait couler beaucoup d’encre. L’ancien ministre de l’Economie a révélé vouloir mettre en place un prélèvement à taux unique sur les revenus du capital d’environ 30% (prélèvements sociaux inclus). Certes, la part d’intérêts au sein des retraits effectués avant huit années de détention serait moins taxée qu’elle ne l’est aujourd’hui, mais la situation s’inverserait après huit ans avec une taxation beaucoup plus lourde (23% actuellement après abattement – et c’est un point très important – de 4 600 € pour un célibataire et de 9 200 € pour un couple).

Une telle réforme aurait néanmoins un avantage considérable. En effet, les banquiers ne pourraient plus user du prétexte fallacieux selon lequel « l’argent est bloqué 8 ans » (si j’avais reçu 1 € à chaque fois que j’ai entendu cette phrase en clientèle…) pour contraindre leurs clients à conserver leur argent au sein de leur enseigne. A noter que François Fillon propose lui aussi de mettre en place une taxation des revenus du capital à 30% (toujours prélèvements sociaux inclus). Mais aux dernières nouvelles, il ne semble pas encore avoir décidé si l’assurance-vie a vocation à être concernée ou non par ce projet… On espère que le candidat de la droite et du centre aura fini de réfléchir avant le premier tour des élections.

Déclaration des contrats souscrits à l’étranger : majoration des amendes pouvant aller jusqu’à 80% en cas de manquement !

Quoi qu’il en soit, si vous avez opté pour un contrat d’assurance-vie luxembourgeois ou si vous comptez le faire, n’oubliez pas de le signaler lors de votre déclaration de revenus (déclaration 3916). En effet, dans un BOFIP en date du 8 mars, l’administration fiscale a précisé les sanctions relatives aux manquements aux obligations déclaratives concernant les comptes, contrats d’assurance-vie et trust à l’étranger. Elles se montent à 1 500 € par contrat non déclaré, ou à 10 000 € lorsque l’obligation déclarative concerne un État ou territoire non coopératif. La nouveauté est que certains cas de majoration de droits peuvent aller jusqu’à 80% ! A bon entendeur…

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence « Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir », il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Son Twitter : @Nikookaburra.

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