Lors de sa première conférence de presse, le futur président des Etats-Unis a réaffirmé sa volonté d’en découdre avec l’ensemble des concurrents commerciaux américains. Le protectionnisme sera le fil conducteur de sa politique économique. Reste à attendre la réponse adressée par la Chine et par la zone euro.
Il faut savoir rendre à Trump ce qui appartient à Trump. Sa maîtrise de la psychologie économique américaine est remarquable. Il vient de le démontrer. En économie, la confiance fait la différence. Alors que le pire était envisagé avec la victoire du candidat républicain, deux mois après son élection, les indicateurs démontrent le contraire et le protectionnisme ne fait plus peur. Les PME américaines y voient même un gage de réussite et leurs indices de confiance atteignent leur plus haut niveau depuis 15 ans.
En outre, avant même son arrivée à la maison Blanche, le vent tourne chez les grands industriels américains. Nombreux sont ceux à avoir pris la décision de rapatrier une partie de leur activité et d’investir sur le territoire. Notons le cas emblématique de Ford qui s’est décidé de réorienter ses investissements aux Etats-Unis alors qu’ils étaient destinés initialement aux usines mexicaines. D’autres ont emboité le pas, et même des entreprises étrangères se mettent à jouer le jeu. Le groupe français LVMH et le géant chinois de commerce en ligne Alibaba se disent prêts à investir davantage aux Etats-Unis.
Guerre commerciale
Le milliardaire du BTP veut redonner ses lettres de noblesse à l’activité industrielle américaine. Son programme de relance reposant sur la baisse massive d’impôt sur les sociétés, la suppression des droits de succession ainsi qu’un plan d’investissement de 1.000 milliards de dollars dans les infrastructures, devrait dynamiser l’emploi dans l’industrie. Et Trump de déclarer lors de sa première conférence de presse en tant que futur président des Etats-Unis : « je serai le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé ». Pour initier le mouvement, il va instaurer de fortes barrières douanières à l’importation, stopper l’accord de partenariat transpacifique (TPP), le traité de libre-échange multilatéral signé en février 2016, édifier un mur entre les Etats-Unis et le Mexique ainsi qu’exiger la fin des manipulations de la Chine pour sous-évaluer sa devise.
Les relations entre Pékin et Washington risquent de s’envenimer et ne seront pas sans conséquence pour le commerce mondial. D’autant que le yuan s’est renforcé depuis 2007 et a été massivement défendu par la Banque centrale chinoise lors des divers mouvements de fuites de capitaux observés à partir d’août 2015.
La mouche du coche
Mais, le bras de fer initié par Trump ne s’arrête pas là. Le nouveau Président américain est intervenu ce week-end pour soutenir la Grande-Bretagne en dénonçant les dysfonctionnements de l’Union européenne qui devraient, selon lui, entraîner à terme son délitement. Theresa May marche désormais sur les pas du Trump et durcit le ton. C’est vers un « Hard Brexit » que le Royaume-Uni semble vouloir engager les prochaines négociations sans concession avec Bruxelles. Les cartes sont redistribuées et l’ordre géopolitique brouillé. La Russie est entrée dans la danse. Trump est devenu un faire-valoir russe, en déclarant notamment, « si on s’entend et si la Russie nous aide vraiment…. Pourquoi des sanctions, si quelqu’un fait vraiment de bonnes choses ? ».
Difficile dans ce contexte d’envisager un développement économique mondial en toute sérénité. La confiance demeurera-t-elle au beau fixe lorsque de nouvelles tensions géopolitiques apparaîtront aux quatre coins du globe avec une Amérique décidée à en découdre pour imposer sa place incontestable et incontestée de leader mondial ? L’Union européenne va-t-elle rester impuissante et à l’écart des attaques de Trump ? L’Allemagne, que ce dernier accuse d’être le seul pays membre à tirer avantage de la zone euro, continuera –t-elle d’entretenir de bonnes relations avec les Etats-Unis pour ne pas détériorer sa balance commerciale ? Et la France dans tout ça ?
Ensemble c’est tout
Les pays membres seuls ne pourront pas faire grand-chose. Mais la zone euro doit saisir l’occasion du Brexit et des agressions de Trump pour monter le ton et garantir sa pérennité économique avec le maintien d’un modèle social somme toute perfectible mais qui tient la route. L’Union européenne sera certes la grande perdante des négociations avec le Royaume-Uni. A contrario, la zone euro avec sa monnaie unique doit se placer en concurrent solide face aux Etats-Unis qui, par la voix de Trump, ont décidé de mener seuls la danse. A charge pour la zone euro mais aussi pour la Chine d’imposer les limites nécessaires pour ne pas dégrader les termes de l’échange au niveau du commerce mondial. Enfin, les élections en France et en Allemagne pourraient être l’occasion vis-à-vis du reste du monde de démontrer par les urnes la capacité des européens d’avancer sans sombrer dans le populisme ou le protectionnisme suranné.