Donald Trump le portrait de Dorian Gray des Etats-Unis

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Par Bernard Cherlonneix Publié le 15 juin 2017 à 5h00
Donald Trump Politique Exterieure Etats Unis
1971Les accords de Bretton Woods ont pris fin en 1971.

Donald Trump n’est que le portrait de Dorian Gray des Etats-Unis, rien que la version tonitruante et décomplexée d’un unilatéralisme américain, d’une hégémonie américaine installée de longue date.

En sortant de manière provocante des Accords de Paris et en « tournant le dos au reste du monde », l’hégémonisme américain tombe le masque et dévoile au grand jour un tableau grimaçant jusque-là tenu caché ou gardé dans la pénombre. Cette révélation est une occasion d’émancipation politique du monde et une chance pour l’Europe de reprendre en main son destin et de s’affranchir d’un ordre politico-économique du monde d’après-guerre de moins en moins justifiable. Elle suppose en particulier une plus grande lucidité à l’égard de l’empire monétaire américain sur le reste du monde.

Comme l’a écrit James Galbraith : « les accords de Bretton-Woods reposaient sur un donnant-donnant implicite entre les Etats-Unis et les gouvernements démocratiques anti-communistes d’Europe et du Japon. Nous leur avions fourni et continuerions à leur fournir la sécurité militaire, dont le parapluie nucléaire représenté par les forces stratégiques américaines... De leur côté, ces pays acceptaient une subordination diplomatique et financière, et ils ont continué à l’accepter longtemps après que leurs économies se sont relevées de la guerre. »

Le service rendu au reste du monde libre par les Etats-Unis dépassait en fait largement ce deal informulé de sécurité contre suzeraineté : les Etats-Unis fournissaient un ancrage monétaire fixe, objectif et durable au reste du monde sur la base duquel une libéralisation progressive des échanges économiques et financiers était en train de prendre corps. En échange de quoi, le dollar « as good as gold » était accepté comme « monnaie de réserve » dans les banques centrales par les Etats du monde « libre », qui mettaient ainsi inconsciemment le doigt dans un engrenage fatal. Ce que les banquiers centraux du reste du monde appelaient dès lors augmentation des réserves de change en dollar consistait du point de vue américain en un compte courant débiteur croissant, source au passage des déficits jumeaux américains de la balance des paiements courants et du budget dans une économie internationale du troisième type.

Cet éclairage permet de mieux comprendre la signification de la décision de Richard Nixon le 15 août 1971 de déchirer le contrat fondateur de Bretton-Woods : en suspendant la convertibilité-or du dollar, alors qu’il suffisait de dévaluer le dollar pour préserver l’ordre monétaire mondial (un système de parités fixes et ajustables) qui reposait sur cette clause de convertibilité, les Etats-Unis renonçaient à leur responsabilité à l’égard du monde mais gardaient le privilège de vivre à crédit sur le dos du reste du monde, dont ils disposent encore aujourd’hui. Les réserves de change en dollar sont en effet une sorte de gage détenu par les Etats-Unis sur le reste du monde : si les banques centrales vendent leurs dollars, celui-ci s’écroule et leurs « réserves de change » se volatilisent.

On voit à quel point l’argument américain récurrent selon lequel l’Europe devrait prendre une part plus grande au financement de sa défense, alors qu’elle finance déjà avec l’Asie une grande part de la défense américaine et subventionne donc toute l’industrie américaine de défense, est impertinent.

Cela fait longtemps que les Etats-Unis ont tourné le dos au reste du monde en plongeant l’économie internationale dans une incertitude monétaire contre laquelle les innovations financières, largement américaines, devaient la guérir, alors que cette financiarisation de l’économie n’a fait qu’amplifier les risques et multiplier les crises depuis plus de quarante ans.

Trump ne fait donc en 2017 rien de pire en matière de « benign neglect » que Nixon en 1971, même s’il le fait de manière plus voyante pour l’opinion publique mondiale. Tant mieux si sa figure révélatrice réussit enfin à déclencher une volonté d’émancipation politique du monde et un élan diplomatique salvateur de l’Europe à l’égard d’un Grand Frère américain de plus en plus caricatural. L’heure du non alignement, prophétisé à Pnom-Penh en 1965, est peut-être enfin venue.

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Bernard Cherlonneix est Président de l’Institut pour le Renouveau Démocratique.

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