Donald Trump va-t-il être destitué (1/2)

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Par Jim Rickards Publié le 18 octobre 2019 à 6h12
Trump Chine Accord Commerce 1
@shutter - © Economie Matin

Les démocrates sont très remontés contre Donald Trump, mais quelles sont leurs chances de succès ? Et au fait… qu’est-ce que c’est réellement, un impeachment ?

La destitution [en anglais, impeachment] est l’un des concepts les plus incompris de la politique et du droit constitutionnel américains. Beaucoup pensent que cela revient à démettre un président de ses fonctions.

Ce n’est pas le cas. La destitution est une accusation formelle formulée par la Chambre des représentants et visant le président. Toutefois, le Sénat doit se prononcer sur cette accusation lors d’un jugement.

Deux présidents ont été destitués, mais aucun n’a été démis de ses fonctions (et Nixon a démissionné avant même le vote décidant de sa destitution).

Ce que dit la Constitution américaine

Les dispositions de la Constitution concernant la destitution recouvrent deux articles, ce qui est inhabituel. L’article I décrit les pouvoirs législatifs, et l’article II décrit les pouvoirs exécutifs (l’article III couvre le domaine judiciaire).

Voici le texte de la Constitution :

Article I, Section 2 :

« La Chambre des représentants choisira son président et les autres membres de son bureau, et elle détiendra seule le pouvoir de mise en accusation [impeachment] devant le Sénat. »

Article I, Section 3 :

« Le Sénat aura seul le pouvoir de juger les personnes mises en accusation par la Chambre des représentants. Lorsqu’il siégera à cet effet, les sénateurs prêteront serment ou feront une déclaration solennelle. En cas de jugement du président des États-Unis, le président de la Cour suprême présidera. Nul ne pourra être déclaré coupable que par un vote des deux tiers des membres présents. Les condamnations prononcées en cas d’impeachment ne pourront excéder la destitution et l’interdiction d’occuper tout poste de confiance ou d’exercer toute fonction honorifique ou rémunérée des Etats-Unis ; mais la partie condamnée sera néanmoins responsable et sujette à accusation, procès, jugement et condamnation suivant le droit commun. »

Article II, Section 4 :

« Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs. »

Comme c’est indiqué, ces dispositions s’appliquent aussi bien au Congrès (article I) qu’au président (article II). La Chambre et le Sénat sont concernés séparément (destitution et jugement). D’ailleurs, le volet judiciaire entre en jeu par le fait que le jugement au Sénat sera présidé par le président de la Cour suprême (article I, Section 3).

Aucun autre pouvoir mentionné dans la Constitution ne mêle vraiment ainsi les trois branches de l’État. Ce savant mélange explique que, dans le cadre d’une procédure de destitution, les tribunaux accordent plus de liberté au Congrès pour recueillir les témoignages émanant de l’exécutif – alors qu’en dehors de ce cadre, le privilège du pouvoir exécutif bloque ce type d’entretien.

Il existe peu de précédents concernant la façon dont ce pouvoir de destitution doit être utilisé en pratique (bien que les juges et d’autres autorités aient été destitués, outre les deux procédures visant des présidents). Le Sénat semble davantage soumis à la tradition que la Chambre.

La question la plus importante qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que la destitution est essentiellement un processus politique. Elle doit être menée avec justice, mais elle n’est pas soumise à des règles procédurales strictes, contrairement aux procédures judiciaires normales.

Il y a de l’espace pour l’improvisation et les surprises, au fil d’une procédure de destitution menée par la Chambre. Mais au bout du compte, c’est le Sénat qui a le dernier mot.

Les arguments en faveur d’une destitution

En décrivant les arguments en faveur d’une destitution, mon objectif est simplement d’énumérer les nombreuses récriminations des démocrates à l’égard de Trump, et qui, selon eux, constituent « des crimes et délits majeurs », tels que l’exige la Constitution.

Cela ne veut pas dire que ces éléments sont forcément des délits passibles de destitution ou qu’ils sont corroborés, mais cela montre bel et bien que les démocrates ont une longue liste de griefs à l’appui de ce processus.

La principale affirmation concerne les conversations de Donald Trump avec le président ukrainien, Volodomyr Zelensky, concernant une enquête potentielle sur des agissements de Joe Biden en vue d’obtenir des traitements de faveur pour son fils, Hunter Biden.

Joe Biden aurait, lorsqu’il était vice-président, menacé de bloquer une aide américaine précieuse, pour l’Ukraine, si un procureur enquêtant sur Hunter Biden n’était pas limogé. Aux yeux des démocrates, les conversations téléphoniques de Trump reviennent à solliciter l’aide d’un pays étranger en vue d’interférer dans les élections américaines.

Trump est également accusé d’avoir menacé de bloquer une aide américaine, ce qui pourrait être interprété comme une offre de pot-de-vin de la part de Trump pour imposer une enquête visant Biden.

Le 22 septembre, Politico a publié les remarques suivantes formulées par Adam Schiff, président du comité aux renseignements de la Chambre :

« J’ai été très réticent à emprunter la voie de la destitution… mais si le président bloque une aide militaire en tentant de soudoyer un chef d’Etat étranger pour qu’il fasse quelque chose d’illicite afin de salir son adversaire dans le cadre d’une campagne électorale, alors c’est peut-être le seul recours qui soit à la hauteur de ce comportement malveillant… J’ai discuté avec un certain nombre de mes collègues la semaine dernière, et là, on dirait que c’est quelque chose d’un autre genre, et que nous avons peut-être franchi le Rubicon. »

Schiff n’a pas été le seul démocrate convaincu par les allégations ukrainiennes. Dès le 24 septembre, la digue a été rompue, et tout le monde – des derniers arrivés jusqu’à la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi – s’est exprimé en faveur d’une enquête pour destitution fondée sur ces allégations.

D’autres éventuelles accusations portent notamment sur des actes d’obstruction à la justice relatifs aux précédentes allégations de « collusion » de Trump avec les Russes en vue d’interférer avec les élections de 2016 et de pénaliser Hillary Clinton.

On a vu ultérieurement que ces déclarations de collusion étaient un canular, mais les déclarations d’obstruction sont restées en raison d’une formulation vague du rapport Mueller. Le rapport Mueller n’a pas accusé Trump d’obstruction, mais il a bien décrit de nombreux exemples où la Chambre, si elle agit de manière indépendante, pourrait parvenir à une conclusion différente.

Nous verrons la suite dès demain.

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Jim Rickards est rédacteur en chef d’Intelligence Stratégique et d’Alerte guerre des devises

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