Le système de redistribution autoritaire, tribut à l’État-providence, est la source du pouvoir des politiciens et bureaucrates. Mais il n’a aucune légitimité.
Il paraît qu’il y a une gauche et une droite. Des « conservateurs » et des « progressistes ». Sur l’essentiel, ces groupes sont en réalité d’accord : ils veulent un État fort, doté de moyens énormes ; c’est ce que les Américains appellent un « big government », qui ne peut fonctionner qu’au moyen de taxes et autres prélèvements très élevés.
Cet État fort est omniprésent dans la vie de chacun. Il n’y a plus de tyran, mais une autorité qui veut guider notre vie à tous. Cet État est autoritaire et chacun de nous lui fournit sous la contrainte les moyens de sa politique. L’un des postulats sur lesquels se fonde celle-ci est l’idée qu’il relève de l’autorité de redistribuer les revenus en contraignant les uns, par la force, à payer pour permettre à l’État-providence de distribuer aux autres.
Ce dogme ne fait presque plus de discussion dans les régimes dits démocratiques, en fait sociaux-démocrates, de l’ouest de l’Europe. La pensée unique, celle qui est commune à tous nos gouvernants, semble à l’abri de toute critique politiquement correcte, peut-être parce qu’elle est le point commun de la vulgate marxiste et de la doctrine sociale de l’Église.
Aujourd’hui, le vrai débat ne doit pas être entre la gauche et la droite, mais entre l’individu et l’État. Chaque personne a des droits immuables, qui ne dépendent pas du bon vouloir de ceux qui gouvernent. Remettre en cause leur pouvoir, celui de tout s’approprier pour tout redistribuer, par voie d’autorité, c’est la seule voie du progrès face aux conservateurs, de gauche, de droite et d’extrême droite, qui veulent à tout prix imposer le maintien de l’État-providence et de la redistribution autoritaire, source et moyen de leur pouvoir.
En France, et presque partout en Europe, l’État s’approprie la moitié de la richesse que les individus et les entreprises ont créée et il en dépense un peu plus. La quasi-totalité de ces énormes recettes, l’État les obtient par la force : les impôts et les cotisations sociales sont perçus sous menace de sanctions.
Ces montants gigantesques, il les affecte à ses toujours croissantes dépenses de fonctionnement, mais aussi à des « transferts », des allocations multiples accordées aux membres de groupes choisis par lui : des prestations dites « sociales », des subventions à des associations, des subsides à des entreprises, des aides de toutes sortes à des personnes réunissant des conditions fixées par le Pouvoir. Par ses interventions multiples, ses impôts et ses transferts, l’État bouleverse les revenus et, dans une moindre mesure, le patrimoine des uns et des autres.
Ce processus, conscient et délibéré, est appelé du terme étrange de « redistribution ». Ce terme est sans doute mal utilisé parce qu’il veut dire « distribuer à nouveau ou autrement », ce qui laisse entendre qu’il a, préalablement, existé une « distribution » initiale.
Or, celle-ci n’a jamais eu lieu. Les revenus sont acquis par chacun, en fonction de son travail, des contrats qu’il conclut et exécute, des risques qu’il assume, de la volonté des autres et parfois de la chance. Ils sont le produit d’actes libres et non de la volonté d’une autorité. Ils ne sont pas le résultat d’une distribution ; ils ne proviennent pas de la décision supérieure de « remettre à chacun des membres d’un groupe la partie, l’élément d’un tout qui leur revient ».
Ce qu’on appelle parfois à tort la « distribution initiale » n’est donc pas une distribution. Et les revenus de chacun ne sont pas une partie d’un « Tout », mais la propriété librement acquise par chacun en usant de ses droits et libertés. Souvent aussi, ils constituent la richesse créée par ceux qui les ont perçus. Les revenus des actes libres des individus sont la contrepartie obtenue pour une prestation réalisée par le bénéficiaire, en vertu d’accords librement conclus avec d’autres personnes, suivant les conditions de marché : chacun obtient des autres, pour ce qu’il leur apporte, le montant auquel ceux-ci valorisent ce qui leur a été apporté. C’est, là, la morale du libre-marché : chacun reçoit la valeur que les autres donnent au bien ou au service qu’ils ont reçu. C’est aussi ce qui permet la création de richesses : la vie n’est pas un jeu à somme nulle, mais une réalité où chaque individu est capable d’être plus prospère sans rien prendre aux autres.
Il n’y a là rien à « distribuer » parce qu’il n’existe pas un « Tout », qui serait l’ensemble des biens de tout le monde, et qu’une autorité supérieure, divine ou étatique, devrait répartir. Le droit de propriété est un droit individuel essentiel ; il appartient à chacun et porte sur ce qu’il a acquis ou créé par le libre exercice de ses libertés. Ce droit n’est pas compatible avec l’idée d’une « affectation universelle » de l’ensemble des biens, proclamée par l’Église catholique.
L’on sait que, suivant la doctrine sociale de celle-ci, les hommes n’auraient que l’usage de biens dont le Créateur aurait conservé la propriété, et confié le « domaine éminent » aux souverains, considérés comme ses envoyés sur terre, y compris sans doute les pires tyrans.
Il n’y a pas non plus de « partage » à effectuer. On ne peut partager que ce qui est commun. Ceux qui, par leur travail ou leur épargne, ou autrement, sont devenus propriétaires de biens ou de valeurs ne sont pas copropriétaires d’un « Tout » imaginaire. Ce qui leur appartient est à eux, et seulement à eux. Ce n’est pas un élément d’un « ensemble de biens de tous les citoyens du monde », qui devrait faire l’objet d’un partage, d’une distribution. S’il leur vient l’envie de donner à d’autres, choisis par eux, une partie de leur avoir, ce geste honorable s’appelle un don et n’est pas un partage.
L’État ne distribue que ce qu’il s’approprie. Ce n’est bien sûr pas par hasard qu’on parle de redistribution ou même de distribution. C’est un choix idéologique.
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