Le tout Paris bruisse de rumeurs. Depuis la démission de Jean-Marc Janaillac face au rejet du référendum qu’il avait lancé pour valider son plan de transformation, Air France KLM cherche son nouveau PDG. Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a estimé ce dimanche qu’une décision en juillet serait « idéale ».
Les nominations de dirigeants de grandes entreprises font souvent office de casse-tête. Dans le cas d’Air France KLM, la direction de l’entreprise est particulièrement difficile et a conduit au départ d’un dirigeant aussi expérimenté que Jean-Marc Janaillac, ancien dirigeant de Transdev. Le futur président sera le 4e en quatre ans. Le climat social est à l’orage. Fin février et début mai 2018, plusieurs jours de grèves ont fragilisé l’entreprise, lui coûtant entre 300 et 350 millions d'euros. Le modèle économique actuel n’est pas adapté à la structure d’un marché en pleine rupture. Bruno Le Maire a ainsi noté : « Il faut l'expérience, une capacité à relancer le dialogue social qui est au point mort et être capable de redonner à Air France la compétitivité perdue ces derniers mois. » Quelles personnalités sont donc susceptibles de réussir à réconcilier dialogue social et compétitivité économique ?
Celui qui est parti très tôt
Il n’est jamais bon de s’annoncer victorieux trop tôt. Une annonce intempestive concentre l’attention sur soi et déclenche des réactions. C’est le sort malheureux qu’a connu un candidat, Philippe Capron, ce dimanche, lorsque Bruno Le Maire a estimé que ce n’était qu’un « candidat parmi d'autres », en réaction à des rumeurs de nomination. Ce directeur financier de Veolia, diplômé d’HEC et inspecteur des finances, connait les chiffres. Passé par Bain et Company, Euler-Sfac et Arcelor, il n’est cependant pas un spécialiste du transport aérien. Dans un courrier adressé à Anne-Marie Couderc, la présidente par intérim d'Air France-KLM et présidente du comité de nomination du groupe, d'anciens ou actuels leaders syndicaux d'Air France et de KLM estiment que son profil ne correspond pas aux besoins actuels du groupe. Ils souhaitent un dirigeant qui montre une indépendance à l’égard des pouvoirs publics, un connaisseur de l’industrie des transports, notamment de la « concurrence féroce », souvent « déloyale » à laquelle est confrontée le groupe Air France-KLM. Ils souhaitent aussi un dirigeant qui « sait comment travailler avec toutes les catégories d'employés afin de construire une vision cohérente, un plan d'avenir et ensuite conduire le groupe à mettre en œuvre ce plan avec un soutien collectif ».
Les candidats de l’interne
La solution d’un candidat de l’interne pourrait être avancée. Les noms de membres de la direction collégiale sont cités, comme celui de Frédéric Gagey (directeur général du groupe et directeur financier), de Franck Terner (directeur général adjoint d'Air France-KLM et directeur général d'Air France) ou Pieter Elbers (DGA lui aussi d'Air France-KLM et Président du directoire de KLM). Avec un bémol, selon la presse : « En interne, les candidatures de Franck Terner ou de Frédéric Gagey, ex-directeur général et aujourd'hui directeur financier, seraient trop marquées par les conflits sociaux récents. »
Des candidatures externes connaisseuses du secteur de l’aviation
Le profil idéal peut aussi être cherché en externe, parmi les connaisseurs du transport aérien et des dirigeants susceptibles de reprendre les fils de la négociation sociale. Un premier profil émerge dans la presse, celui de Bruno Mettling, ancien directeur des ressources humaines d'Orange et aujourd'hui à la tête d'Orange Middle East Africa : « Administrateur d'Air France, il connaît la compagnie française. Son nom avait déjà été évoqué l'an dernier en coulisse au moment du renouvellement du mandat d'Alexandre de Juniac. Comme c'est le cas pour Jean-Marc Janaillac, le Pdg du groupe de transport public Transdev, Bruno Mettling bénéficierait de la bienveillance de l'Etat. Il a notamment à son crédit l'apaisement social au sein d'Orange. » Mettling a pour lui d’être à la fois un patron opérationnel et financier, issu de l’inspection des finances, des Caisses d’épargne et des Banques populaires, mais d’être aussi celui qui a su recréer les conditions du dialogue social chez Orange après les traumatismes de la transition de France Télécom. Un article récent donne notamment la parole à un délégué syndical de l’entreprise : « Il a eu le courage de prendre le job de DRH de France Télécom (devenu Orange) à un moment où il n’y avait pas beaucoup de volontaires ». D’autres candidatures externes sont citées dans la presse. Selon la presse, le nom de Fabrice Brégier circulerait aussi. Déjà sollicité il y a trois ans avant l'arrivée de Jean-Marc Janaillac en tant que dirigeant de la branche avions civils d'Airbus, il aurait refusé pour des raisons de rémunération, le salaire annuel de PDG d’Air France KLM (600 000 euros tout de même) n’étant « pas à la hauteur ». Un autre nom serait cité, celui de Lionel Guérin, PDG de Hop !, la filiale régionale d'Air France jusqu'à la fin 2016, ancien pilote de ligne et créateur de la compagnie Transavia.
Quel que soit le dirigeant, nul doute qu’il devra faire preuve d’un talent consommé pour redresser une entreprise doublement fragilisée, à la fois dans sa cohésion interne et sa capacité à affronter la concurrence. Récemment, une société de conseil en ressources humaines proposait des stages de cohésion d’entreprises à bord d’un simulateur de crash aérien : « pour souder les équipes, rien de mieux qu'un (faux) accident d'avion », titrait l’article de presse. On ne peut que souhaiter à Air France KLM de sortir très vite de la phase de simulation et reprendre son envol sans heurts…