Le dictionnaire terrifiant de la dette : C comme Croissance

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Par Marc Touati Modifié le 8 mars 2013 à 4h46

C’est pour certains le graal absolu, l’élixir de jouvence, la clé de la réussite. Derrière ce terme de croissance, qui fait presque figure de symbole phallique, se cache tout simplement la progression annuelle du PIB, c’est-à-dire de la richesse créée par un pays chaque année. Sauf mention contraire, cette variation est toujours mesurée en volume, c’est-à-dire hors inflation. Bien sûr, comme nous l’avons vu lors de l’explication du terme BIB, la croissance n’est pas une fin en soi. Elle permet simplement de créer plus d’emplois, de revenus, de bien-être et surtout de rembourser les intérêts de la dette publique.

Pour d’autres, bien loin de ces considérations « terre à terre », la croissance constitue au contraire le mal absolu : l’origine des guerres, de la pollution, de la destruction de l’écosystème... Dès lors, le salut devrait passer par la décroissance. Très sympathique sur le papier ou dans les discours de Nicolas Hulot, cette théorie pèche au moins sur deux plans. D’une part, s’il est à la rigueur possible d’imposer la décroissance aux pays riches, comment en faire de même pour les pays pauvres ? Cela se traduirait par une inégalité dramatique : nous, les pays riches, aurions eu le droit de croître sans retenue, mais cela serait interdit aux pays pauvres ou en voie de développement : inacceptable. D’autre part, même pour les pays développés, la décroissance signifie la baisse de l’emploi, donc l’augmentation du chômage, la chute des revenus, sans oublier l’impossibilité de rembourser les intérêts de la dette publique. Sans croissance, la bulle de la dette deviendra rapidement explosive et se terminera justement par des conflits économico-politiques, des crises sociales et certainement des guerres.

Sans tomber dans le fétichisme de la croissance, le bon sens nous impose de réussir à générer une croissance suffisamment forte pour régler les intérêts de nos dettes, pour créer des emplois et assurer la paix sociale. Sans croissance, la crise de la dette ne pourra que s’aggraver. D’où une question simple : comment fabrique-t-on de la croissance ? Si, à l’instar du gouvernement français, on imagine qu’il suffit d’augmenter les dépenses publiques pour y parvenir, alors on se met le doigt dans l’œil : cela fait plus de trente ans que la France utilise cette stratégie, avec les piètres résultats que l’on sait.

Non, en fait il y a quatre principaux moyens de générer de la croissance. Les deux premiers agissent à court terme. À savoir, d’une part, l’obtention d’un niveau normal, voire accommodant, de la devise et, d’autre part, la baisse de la pression fiscale, du moins si cette dernière est trop élevée, comme cela est par exemple le cas aujourd’hui en France.

Les deux autres moyens agiront sur le plus long terme, améliorant ainsi la croissance structurelle, c’est-à-dire celle obtenue lors d’un fonctionnement normal de l’économie. En d’autres termes : le rythme de croisière de la croissance. Pour augmenter ce dernier, il faut donc engager une révolution technologique et réduire les rigidités qui pèsent sur le fonctionnement de l’économie, et notamment sur le marché du travail.

Ce sont là les seuls moyens de redorer le blason d’une croissance terne, en particulier dans les pays de la zone euro. Bien entendu, il ne s’agit pas de comparer les performances des pays développés avec celles des pays émergents. Ces derniers bénéficiant d’un potentiel de rattrapage conséquent, il est normal que leur croissance soit forte. Cela ne fait que compenser le retard accumulé. En passant, il faut noter qu’un pays émergent avec une croissance faible constitue une véritable anomalie qui est souvent due à des problèmes politiques et/ou sanitaires, et/ou guerriers.

Si l’on veut donc raisonnablement jauger la faiblesse de la croissance des pays de la zone euro, il faut la comparer à celle des pays économiquement proches, et plus précisément des pays de l’OCDE. Pour affiner la comparaison et mesurer la résilience ou non de l’ensemble de ces pays, il paraît alors opportun d’observer leurs performances en période difficile, et notamment depuis la crise de 2008.

Ainsi, de 2008 à 2012, le tableau de la croissance annuelle moyenne des trente-cinq pays de l’OCDE est le suivant (Attention, il ne va pas plaire à tout le monde !) :

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Et oui, quelques chiffres sont parfois bien plus significatifs que de longs discours. Que ce soit avec la crise des subprimes, celle qui a suivi la faillite de Lehman Brothers ou celle de la dette publique, les pays les plus affectés demeurent ceux de l’Union européenne. Et, malheureusement, le problème est loin d’être résolu, puisque, en 2013, la zone euro restera la « voiture-balai » de la croissance mondiale, comme cela s’observe depuis dix ans.
En effet, depuis 2002, le tableau des performances de la croissance annuelle moyenne des pays de l’OCDE est tout aussi déprimant :

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Certes, sur cette longue période, il n’y a quasiment pas de résultat négatif (heureusement d’ailleurs!), mais la performance moyenne de la zone euro est de seulement 1 %. Celle de la France est identique, soit une place peu enviable de vingt-neuvième sur trente-cinq. À l’évidence, pour ceux qui croient encore que la France et la zone euro représentent des modèles en matière de développement économique, il faut vite redescendre sur terre.

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Marc Touati est économiste, auteur du "dictionnaire terrifant de la dette", paru aux Editions du Moment, Président du cabinet ACDEFI, Maître de conférences à Sciences Po Paris.  

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