Comme cela était prévisible, les négociations patronat/syndicats du début d’année étaient vouées à l’échec tant les objectifs des parties en présence étaient éloignés ; les employeurs souhaitant desserrer le carcan de la réglementation sociale qu’ils jugent excessive et les syndicats voulant s’implanter dans les TPE de moins de onze salariés. Comme il l’avait promis, après cet échec, le Gouvernement a décidé de légiférer.
Le projet de loi présenté au conseil des ministres du 22 avril par le ministre « du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social » vise à « transformer l’échec de la négociation patronat/syndicats en progrès social majeur » (dixit Monsieur Rebsamen en personne). Le gouvernement s’est donné pour objectifs de moderniser le dialogue social en généralisant la représentation des salariés quelle que soit la taille de l’entreprise, regrettant que « l’implantation syndicale soit trop faible » dans les TPE et en valorisant l’engagement syndical trop souvent « perçu négativement par les employeurs ».
Que penser de ces propositions
Ce projet vise à renforcer les droits des salariés mais pratiquement rien n’est fait pour favoriser l’emploi ! On observera que l’allègement de certaines obligations des PME de moins de 300 salariés se fasse en contrepartie de nouvelles obligations pour les TPE de moins de 11 salariés. On regrettera, tout d’abord, que le « choc de simplification du code du travail » tant attendu par tous les acteurs de la vie économique ne soit pas pour cette fois car la réglementation n’est nullement allégée, bien que l’on puisse se féliciter des aménagements de fonctionnement des institutions représentatives du personnel, sans toutefois simplifier la réglementation. En revanche, on en rajoute une couche avec la création des « commissions paritaires interprofessionnelles régionales » pour les TPE !
En second lieu, et bien que le soutien de l’activité des salariés figure dans le titre de la loi, il est étonnant que la seule mesure pour favoriser l’activité soit de permettre aux chômeurs de longue durée d’accéder au contrat de professionnalisation « nouvelle chance ». C’est un peu court quand un pays a plus de 10% de chômeurs ! A moins que le Gouvernement compte sur « la prime d’activité » pour lutter contre le chômage ? En revanche, à aucun moment le Gouvernement ne s’est donné pour objectif de réduire les freins à l’embauche afin de résorber le chômage ; freins bien identifiés, mais nécessitant des réformes politiquement invendables à la majorité parlementaire. Il est symptomatique d’observer que le gouvernement préfère renforcer les droits des salariés plutôt que de simplifier la réglementation et fluidifier le marché du travail au bénéfice des chômeurs ! C’est pourtant ce qu’attendent les employeurs !
Les principales dispositions de la loi
Renforcer et moderniser le dialogue social. Création de commissions paritaires interprofessionnelles au niveau régional afin de représenter les salariés et les employeurs des entreprises de moins de 11 salariés : Le contraire de ce qu’attendent les « petits patrons ». Composées de 5 membres représentant les employeurs et 5 membres représentant les salariés, elles seront compétentes pour : donner aux salariés et aux employeurs toutes informations ou conseils utiles sur les dispositions légales et conventionnelles qui leur sont applicables (il va falloir trouver des compétences !) ; apporter des informations, débattre et rendre tout avis utile sur les problématiques spécifiques aux entreprises de moins de onze salariés et à leurs salariés, notamment en matière d’emploi, de formation, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de conditions de travail et de santé. Il est bien précisé que les membres de la commission n’auront pas accès aux locaux des entreprises. L’employeur devra laisser au salarié membre de la commission paritaire le temps nécessaire à l’exercice de sa mission (maximum de 5 heures par mois plus le temps passé en séances (on ne sait pas combien de séances ?), ce temps sera considéré comme du temps de travail effectif et payé comme tel.
Le salarié se trouvera protégé en cas de rupture du contrat de travail (autorisation de l’inspection du travail). Il n’est pas précisé dans le projet de loi si les membres des commissions doivent être salariés et employeurs dans des entreprises de moins de 11 ? On imagine bien la fierté d’un employeur de contribuer à « la modernisation du dialogue social » en versant à un de ses salariés un salaire sans travail effectif et qui deviendra un « salarié protégé » ! Quant aux membres employeurs, ils seront très certainement bénévoles ! Cette nouvelle disposition va certainement favoriser l’embauche de salariés dans les TPE ! Pense-ton que cela va inciter les TPE à embaucher ? Bon nombres de entrepreneurs estiment qu’ils ne sont pas entendus, ni même écoutés par le Gouvernement ; ce qui les désespère. Gageons qu’il s’agit de la création « d’un nouveau machin » destiné à renforcer le poids des syndicats et de leur fournir un peu plus de moyens financiers. Quant à ces entreprises elles attendent de la souplesse et de la simplification. Avantage aux syndicats.
Afin de valoriser leur parcours professionnel, l’employeur devra accorder un entretien individuel spécifique aux élus et aux délégués syndicaux en début de mandat et l’exercice de ces mandats pourra être pris en compte pour une validation des acquis de l’expérience (VAE). Sont également visées une garantie de non-discrimination salariale et une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les candidatures aux comités d’entreprise et délégués du personnel. Les délégués syndicaux pourront utiliser des heures de délégation à d’autres niveaux que celui de l’entreprise. La durée de formation des représentants des salariés au conseil d’administration ne peut être inférieure à vingt heures par an. Avantages aux syndicats.
La possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel serait élargie aux entreprises de moins de 300 salariés (actuellement 200 salariés) et cette instance intégrerait le CHSCT. Il convient d’observer qu’il n’y a aucun allégement de la réglementation. Cette disposition peut avoir un effet sur les obligations des employeurs, cependant cette disposition existait pour partie pour les employeurs de moins de 200 salariés, mais, aux dires des spécialistes, elle était peu pratiquée. Le sera-t-elle maintenant. Cette possibilité de regrouper tout ou partie de ces instances est également offerte aux entreprises de plus de 300 salariés sous condition d’un accord majoritaire des partenaires sociaux. Des dispositions relatives au fonctionnement du CHSCT et des IRP sont également prévues. Tout ce qui peut permettre de simplifier le fonctionnement des instances de représentation des salariés ne peut qu’être positif ; cependant on constate que les régimes dérogatoires sont souvent facteurs de complexité. Avantage à chacun : syndicats et employeurs.
Un dialogue social plus stratégique : le comité d’entreprise devra être informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, le travail et la formation professionnelle. Par ailleurs est annoncé un regroupement de 17 obligations d’information et de consultation en 3 grandes consultations portant sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la situation économique de l’entreprise et sa politique sociale. Les obligations de négociation sont également regroupées dans 3 négociations portant sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée, la qualité de vie au travail, la gestion des emplois et parcours professionnels. Si on ne peut que se féliciter de l’allégement du nombre de consultations, il n’est nullement indiqué que les 17 obligations seront réformées ou allégées. On peut donc considérer que les entreprises devront répondre aux 17 obligations lors de 3 réunions du comité d’entreprise. Avantage aux syndicats.
Certaines obligations liées au franchissement de seuils sont aménagées. L’analyse détaillée de ces dispositions reste à faire compte tenu de l’illisibilité du texte pour un « chef d’entreprise moyen ». Les premiers commentaires des médias nous laissent toutefois sceptiques sur les allégements de contraintes proposées. Les entreprises sont toujours preneuses de simplification. Avantage employeurs incertain.
Le fonds de financement du dialogue social mis en place en 2015 par une nouvelle contribution des employeurs (85 millions €) qui financera les organisations syndicales et d’employeurs au titre de missions d’intérêt général ajuste ses règles (animation et gestion d’organismes de recherche). Avantage aux syndicats.
Pérenniser les règles spécifiques d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle. Le code du travail imposera une négociation spécifique de l’indemnisation du chômage par les représentants des professions du spectacle. Avantage aux syndicats.
Encourager l’emploi - Mettre en place une prime d’activité en fusionnant le RSA activité et la prime pour l’emploi. Le bénéfice du contrat de professionnalisation « nouvelle chance » est élargi aux chômeurs de longue durée et une prime d’activité remplacera la prime pour l’emploi et le RSA considérés comme complexes et peu efficaces. On peut sérieusement s’interroger sur les effets sur l’emploi ! Ces dispositions ne sont pas la hauteur des besoins en matière de lutte contre le chômage pour une loi qui a pour ambition de « soutenir l’activité des salariés » Avantage salariés et chômeurs de longue durée.
En conclusion, on peut dire que ce texte vise incontestablement à renforcer le rôle des syndicats dans les entreprises, et particulièrement les très petites, mais qu’il ne contribuera pas à lutter contre le chômage. On observe dans le titre de la loi qu’elle vise au « soutien de l’activité des salariés ». N’aurait-il pas été préférable de « soutenir l’activité des entreprises » ? Et pourtant, qui crée des emplois ; les entreprises ou les salariés ?