Remboursement de la dette : un allongement des échéances est nécessaire

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 23 mai 2013 à 4h48

Les taux d'intérêt sont très bas pour la France, historiquement bas même. Les raisons en sont multiples : ralentissement économique d'ensemble, désinflation, abondance mondiale de liquidités (qui conduit par exemple les Japonais à chercher des rendements un tant soit peu significatifs en termes nominaux), crédibilité de la Banque centrale européenne, renforcement de la cohésion de la zone euro...

L'idée gagne les marchés financiers que le pire de la crise bancaire et financière est derrière en zone euro, donc qu'il faut revenir.

Cette situation est magique, il faut en profiter

Elle est magique parce que la France est en récession et ne prend pas encore les mesures économiques et politiques suffisantes pour réduire ses déficits extérieurs et publics. Mais elle avance dans le bon sens avec la loi sur la flexisécurité dans le privé, sur les réductions prévues de la dépense publique et le « choc de simplification » dans le public – mais pas assez. Le marché « achète » pourtant ces bonnes nouvelles... il faut donc en profiter.

Ceci veut dire que la maturité moyenne de la dette publique doit être allongée. Son montant s'approche de 1400 milliards d'euros dont 1000 milliards d'OAT (presque 10 ans de vie moyenne), et sa durée de vie moyenne est de 7 ans. Les dernières adjudications montrent un étonnant appétit pour le papier français. Ainsi, très récemment, début mai, le Trésor français a émis 4 milliards à 10 ans à 1,8 %, pour 8 demandés, et 1 milliard à 2,5 % à 20 ans, pour plus de 3 demandés. De manière générale, on voit que les investisseurs demandent plus long que ce qui est offert, compte tenu des rendements très bas des « papiers » à court terme.

Quel est le risque économique à prêter plus long ? Est-ce que l'on pense que l'inflation ne va pas remonter en France dans quelque temps, pour rejoindre l'objectif de la BCE à 2% ? A ce moment, les taux réels pour la dette française seront nuls, contre une situation positive aujourd'hui. Il faut donc, encore une fois, profiter de ces afflux de liquidité et de l'inertie des anticipations à la remontée des taux pour « engranger » la différence.

Bien sûr il y a un risque symétrique, celui d'une baisse encore plus forte des rendements français, et donc l'idée qu'on a prêté relativement trop cher. Mais ceci voudrait dire que l'économie française s'enfonce plus dans la récession, avant une remontée brutale des rendements, devant un risque de crise à l'espagnole ou à l'italienne. A l'évidence les marchés n'y croient pas et les autorités françaises, et allemandes, et européennes, ont pris conscience de ce risque – pour l'éviter. Il faut donc en profiter.

On s'en doute, ceci va entièrement à l'encontre de ce qu'on entend sur « la renégociation » de la dette française. D'abord, « renégocier » veut dire que l'on a fait défaut, donc qu'une part de la dette ne sera pas payée et que les taux vont monter- compte tenu du risque. Ce n'est évidemment pas la situation que nous vivons – heureusement ! Il faut donc surfer sur cet optimisme, même s'il peut paraitre excessif, car ces emprunts moins chers aujourd'hui et demain vont évidemment réduire la facture d'ensemble dans la durée et nous donner des coussins antichoc.

A la limite, il faut que la dette française devienne encore plus longue pour l'essentiel, et plus courte pour le reste, réduisant la part intermédiaire de son échéancier. C'est un pari, comme toujours, mais il a l'avantage d'être économiquement et financièrement explicable, et les marchés financiers peuvent – même – le trouver astucieux.

Moralité : il faut allonger la dette française.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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