La dette publique de la France va atteindre le record de 2 000 milliards d’euros en 2013

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Par Sylvain Fontan Modifié le 25 octobre 2013 à 7h54

En 2013, la France va atteindre une dette publique record à 95% de sa richesse nationale, soit environ 2'000 milliards d'euros. Le pays confirme ainsi année après année son incapacité à juguler sa fuite en avant budgétaire. Derrière cette somme abstraite il y a des réalités pratiques que les dirigeants politiques feignent d'ignorer. En effet, si le pays donne encore l'impression de maîtriser son destin c'est avant tout grâce à des conditions exceptionnelles et indépendantes de la France. Ces conditions ne dureront pas éternellement et si rien n'est fait pour remédier à ce phénomène c'est la souveraineté même de la France qui pourrait être remise en question.

Des implications pratiques

Le montant de la dette publique française renvoie à une réalité implacable. En effet, un taux d'endettement à 95% du PIB, soit 2'000 milliards d'euros, implique que la France doit trouver quotidiennement 800 millions d'euros par jour à emprunter pour répondre aux impératifs de financement (salaire des fonctionnaires, allocations chômage, pensions de retraites...). Sur ces 800 millions d'euros, 200 millions proviennent de prêteurs français mais les 600 millions restants proviennent de prêteurs étrangers. Dès lors, la dépendance de la France aux marchés financiers est évidente car sans le soutien de ces derniers le pays ne pourrait pas faire face à ses engagements financiers et elle ne pourrait pas continuer à vivre au-dessus de ses moyens comme elle le fait depuis maintenant environ 35 ans.

La réalité des enjeux financiers quotidiens est incontournable. De façon très pratique, si la France n'arrive pas un jour à trouver les 800 millions d'euros dont elle a quotidiennement besoin, cela implique le fait que le lendemain son besoin sera de 1'600 millions d'euros (800 millions d'euros multiplié par deux) et ainsi de suite. Un des problèmes de ce phénomène est que plus le montant à trouver est élevé, plus il devient cher de se financer. Dès lors, la somme que la France devra rembourser suite à cet emprunt sera plus élevée car le taux d'intérêt demandé sera lui aussi plus élevé, soutenant ainsi un phénomène de cercle vicieux.

La charge du remboursement de la dette pèse sur les finances publiques. En effet, la France emprunte en moyenne à 2,3% sur l'année 2013. Autrement dit, la France affecte 2,3% de son PIB (richesse nationale produite) aux frais financiers. Or, avec une croissance économique nominale (prise en compte de l'inflation) proche de 1% en 2013, le différentiel fait que le montant de la dette augmente mécaniquement. En d'autres termes, la dette publique ne peut qu'augmenter car la charge de la dette (2,3%) est plus élevée que le rythme d'accumulation des richesses (1%).

L'importance majeure du niveau du taux d'emprunt de la France

Le taux d'emprunt de la France renvoie à deux notions :

Tout d'abord, les OAT à 10 ans (Obligations Assimilables au Trésor) renvoient au taux de référence en ce qui concerne les emprunts d'Etat de la France. Le pays peut s'endetter à plus ou moins longues échéances, mais c'est le taux à 10 ans qui sert généralement de référentiel car la majeure partie de la dette est émise à cette échéance temporelle.

Ensuite, l'Agence France Trésor (AFT) est l'organisme public chargé de gérer les émissions de dette de la France au mieux des intérêts du pays. Elle le fait d'ailleurs remarquablement bien et les personnes en charge de cette mission sont unanimement reconnues pour leur compétence et leur habileté à placer la dette française auprès des investisseurs français et internationaux.

Le taux d'emprunt de la France est la clef de voute de l'édifice financier français. En effet, bien que ce taux soit rarement mis en avant, il constitue pourtant, avec celui de la croissance économique, l'indicateur clef à partir duquel il convient d'analyser la viabilité du budget de la France et la soutenabilité de sa dette. Si le taux est faible, alors les intérêts que la France devra à ses créditeurs seront faibles. Inversement, si le taux est élevé, alors les intérêts dont la France devra s'acquitter seront élevés.

Les projections de taux d'emprunts prennent une importance capitale. En effet, le seul remboursement de la dette (appelée "service de la dette"), autrement dit le remboursement du capital emprunté plus le paiement des intérêts, représente à lui seul le premier poste du budget de l'Etat (hors dépenses de sécurité sociale), devant l'éducation nationale, les retraites et la défense nationale, qui sont les trois postes de dépenses les plus coûteux après les engagements financiers de l'Etat. Dans ce cadre, une hausse des taux viendrait compromettre l'équilibre financier de la France. En effet, une hausse de seulement 100 points de base (pbs), autrement dit une hausse de seulement +1% du taux d'emprunt de la France, se traduirait immédiatement par la nécessité de trouver au minimum 5 milliards d'euros supplémentaires rien qu'au titre des intérêts. Depuis le mois de mai, cette dynamique est déjà entamée avec une hausse de 70 pbs (+0,7%).

Situation exceptionnellement favorable mais intenable

La France bénéficie de conditions de financements très favorables. En effet, alors que le taux d'emprunt de la France sur le long terme se situe aux alentours de 5%, la France emprunte en moyenne sur l'année 2013 à 2,3%, alors même que les projections initiales pour l'année 2013 étaient plus pessimistes et s'élevaient à 2,9%. Grâce à cette "performance" meilleure que prévue, la France a engagé des frais financiers moindres qu'initialement anticipés. Toutefois, ce résultat exceptionnel ne reflète pas une situation favorable de l'économie française, mais il renvoie à un contexte international particulièrement favorable.

Le gouvernement français se félicite des conditions favorables de financement du pays. Il lie le fait que les taux actuels sont historiquement bas à ses décisions de politique économique alors même qu'avant son arrivée au pouvoir il accusait les marchés financiers d'être en partie à l'origine des problèmes de la France. Si ces déclarations sont le lot habituel du jeu politique il n'en demeure pas moins que la réalité économique est différente.

Les conditions favorables de financement sont largement indépendantes de la France. En effet, au regard des fondamentaux économiques français et des politiques mises en œuvre, le taux normal de financement devrait être de l'ordre de 4%, et pas de 2,3% comme c'est le cas actuellement. Les raison qui expliquent de tels niveaux sont le résultat d'une combinaison d'évènements favorables à la France :

La politique monétaire menée par les grandes banques centrales (FED aux Etats-Unis, BoJ au Japon et BCE en Europe) ont conduit à injecter d'énormes quantités de liquidités dans le système financier. Dès lors, il fallait un réceptacle à toutes ces liquidités pour qu'elles puissent se placer.

Dans le même temps, en Zone Euro, et à l'exception de l'Allemagne, les deux seules autres grandes dettes ayant la capacité d'absorber ces quantités de liquidités étaient les dettes espagnoles et italiennes. Or, il se trouve que les craintes concernant la capacité de ces pays à honorer leurs engagements financiers limitaient l'appétence des investisseurs internationaux.

Dès lors, dans ces conditions particulières, la dette française a pu se révélé intéressante. En effet, la dette française présente plusieurs caractéristiques spécifiques : (1) elle est "liquide", c'est-à-dire qu'elle s'échange très facilement, (2) la France à une capacité avérée à lever l'impôt si nécessaire pour honorer sa dette, (3) sauf à revenir très loin dans l'histoire (révolution française) les prêts ont toujours été remboursés, (5) l'épargne des français est très élevée et l'Etat pourrait le cas échéant être tenté de "piocher" dedans, et enfin (5) les besoins de financement de la France sont tels qu'elle a la capacité d'absorber de grandes quantités de capitaux qui cherchent à se placer dans un pays relativement peu risqué au regard des autres pays présentant des caractéristiques similaires.

Les conditions de financement sont appelées à se dégrader. En effet, le choix des marchés de placer leurs capitaux en France plutôt que dans d'autres pays s'apparente plus à un pis-aller qu'à un choix par conviction. La dette française se distingue des autres uniquement grâce à des conditions bien particulières et pas du fait de performances économiques exceptionnelles. De plus, le fait que le taux soit historiquement bas induit nécessairement qu'il ne peut qu'augmenter. D'ailleurs, les récentes prévisions de taux d'intérêt pour 2014 de l'Agence France Trésor indiquent un taux moyen de 3,3% en 2014 contre 2,3% en moyenne pour 2013. A ce titre, il convient d'indiquer qu'avec la fin programmée des politiques monétaires accommodanteset la reprise économique qui se dessine progressivement en zone euro, d'une part, les liquidités qui chercheront à se placer seront moindres et seront plus regardantes et, d'autre part, la meilleure "santé" relative des pays du Sud de l'Europe fera que la dette émanant de ces pays sera plus attractif pour les investisseurs.

La dégradation des conditions de marché sera d'autant plus forte que la France n'a pas réalisé les réformes nécessaires. En effet, les seules réformes qualifiables de structurelles qui sont potentiellement susceptibles d'améliorer la croissance française, et donc qui réduirait mécaniquement le poids de la dette, sont l'ANI et le CICE. La première porte sur la flexibilisation du marché du travailet la seconde sur une aide fiscale aux entreprises. Or, il se trouve que ces deux mesures sont encore trop timorées et qu'elles multiplient les incohérences et les effets pervers. Parallèlement, la "réforme" des retraites est pour le moins incapable de faire face aux enjeux réels sous-tendus par le problème du déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale, et rien n'a été entrepris dans les champs pourtant fondamentaux de la fiscalité, de l'organisation de l'Etat, du "millefeuille" administratif, des dépenses sociales et celles des collectivités locales.

Dans ce cadre, la crédibilité de la France à tenir ses engagements budgétaires et ses objectifs de croissance semble fortement hypothéquée à court, moyen et long terme :

Les investisseurs étrangers pourront ainsi avoir l'impression que la France est dans l'incapacité de maîtriser sa dette, ce qui les amènera à s'en détourner.

Pour se financer, la France devra alors accepter des taux d'intérêts plus élevés qui viendront encore diminuer la soutenabilité de sa dette jusqu'à ce qu'un jour celle-ci soit réellement impossible à financer et que le pays soit obligé de renoncer à des dépenses de manière brutale.

Rapports compliqués de la France avec la dette

La France s'est longtemps accommodée d'une dette élevée. En effet, pour se délester du problème de la dette, largement engendrée par des dépenses publiques excessives, la tentation historique naturelle de la France a toujours été de créer de l'inflation qui diminue mécaniquement et artificiellement le montant de la dette. Or, depuis la création de l'euro et de la Banque Centrale Européenne, la France n'a plus la possibilité de créer de l'inflation unilatéralement par la création monétaire (monétisation de la dette en faisant "marcher la planche à billet").

Les seules solutions pour diminuer la dette sont la hausse des recettes ou la baisse des dépenses. Augmenter les recettes renvoie indifféremment à la hausse de la croissance économique (qui accroît mécaniquement les rentrées fiscales liées à la hausse de l'activité) et à la hausse de la fiscalité en générale. Du côté des dépenses, il existe trois types de dépenses qu'il est possible de diminuer : les dépenses d'Etat (ministères, nombre et salaire des fonctionnaires..), les dépenses sociales (chômage, maladie...) et les dépenses des collectivités locales (conseils généraux, collectivités de communes...).

Au-delà des aspects fiscaux et de croissance, il convient de s'interroger sur les dépenses publiques. Les dépenses dans l'enseignement sont un exemple patent d'inefficacité de la dépense publique. En effet, alors que les dépenses d'enseignement représentent un poste majeur de la dépense publique en France et qu'il augmente continuellement, la France connaît néanmoins une situation de chômage de masse depuis plusieurs décennies (environ 5 millions de français actifs qui sont actuellement au chômage), et les résultats des écoliers français dans les classements internationaux ne cessent de diminuer malgré des dépenses par élèves parmi les plus élevées du monde. Dès lors, ce simple constat pose la question de l'efficacité des dépenses du secteur public.

L'ensemble des dépenses publiques sont concernées par ce phénomène. En effet, au-delà des dépenses publiques liées à l'éducation, ce sont plusieurs autres secteurs publics qui sont concernés par des dépenses en constante augmentation et parmi les plus élevées du monde, mais avec des résultats décevant au regard des sommes engagées.

La dette publique ne correspond pas à des investissements productifs mais essentiellement à des dépenses sociales utiles mais improductives. En effet, sur ces dépenses sociales, 1/3 renvoient à des dépenses liée à la maladie et 1/3 au financement des retraites. Dans ce cadre, et malgré l'utilité évidente de ces dépenses dans l'absolu, la dette sert avant tout à payer les dépenses courantes mais pas à investir dans la croissance. La dette contractée dans cette optique n'est absolument pas créatrice de richesses, mais entraîne des destructions de richesses. En effet, au lieu d'être employée à financer des projets créateurs de croissance future (qui pourrait alors justifier l'endettement) et qui pourraient ainsi financer ces dépenses sociales grâce à la création de richesses, le creusement de la dette actuelle renvoie en réalité au souci de garantir un niveau de vie supérieur aux moyens réel du pays. De plus, la garantie de ce niveau de vie se réalise au prix d'un financement qui pèse sur les générations futures qui n'auront pas les moyens d'y faire face.

Retrouvez d'autres décryptages économiques écrits par Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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