Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Demain, lorsque vous lirez cet édito, il ne restera plus que 3 jours ouvrés aux politiciens américains avant le jeudi 17 octobre, date programmée du défaut de paiement de la plus importante économie mondiale.
Je ne vous parlerai pas de la fâcheuse tendance de l'histoire humaine à vivre des krachs monumentaux en octobre, avec une prédilection pour le jeudi, jour sombre resté dans la mémoire collective comme LE « jeudi noir ». C'était le 24 octobre 1929. L'histoire ne se répète pas toujours même si parfois elle bégaie et aime bien faire quelques pieds de nez à nous autres, pauvres mortels.
Évidemment, tous les gens sérieux parient sur un accord de dernière minute. Rassurez-vous braves gens, cette fois-ci encore, la raison l'emportera et il est évident qu'à minuit moins une... le plafond de la dette sera relevé, évitant ainsi au monde de devoir affronter la chronique d'un chaos annoncé.
Oui mes chers amis, je vous parle des gens sérieux. Les gens sérieux, je n'en fais pas partie comme vous pouvez vous en douter. Vous non plus d'ailleurs, sinon vous ne perdriez pas votre temps précieux à lire mes inepties ! Retournez donc au JT de Claire Chazal s'il vous plaît ! Là on vous explique lors de votre séance de lobotomie cérébrale collective que tout va bien, la situation est sous contrôle, voilà, ouvrez votre portefeuille, c'est juste pour payer un peu plus d'impôts justes, justes car le gouvernement a besoin de vous. Non, pour être plus exact, il s'en fiche de vous, ce dont il a besoin c'est de votre argent.
Bref, il y a quand même des gens sérieux, ou en tout cas respectables, qui pensent que cette année, l'accord de dernière minute qui viendrait sauver le monde entier, pourrait ne pas avoir lieu.
USA/dette : JPMorgan et Fidelity vendent leurs bons du Trésor à court terme
Il y a, par exemple, cet article du journal complotiste tendance fin du mondiste (c'est ironique évidemment) des Échos nous apprenant dans un petit entrefilet qui n'a jamais la « une » ni la « deux » ni la « trois » que :
« JPMorgan Chase et le gestionnaire d'actifs Fidelity se sont délestés par « précaution » de leurs bons du Trésor américains arrivant à échéance à court terme alors qu'un accord durable n'a toujours pas été trouvé sur le plafond de la dette américaine. »
Oui, relisez bien cette phrase, ils se sont débarrassés des obligations d'État américaines, en tout cas celles qui arrivent à échéance à court terme. C'est une information cruciale et à plus d'un titre.
Le premier c'est que JPMorgan et Fidelity ce sont des gens du système, des gens sérieux, et puis du pognon, ils en gèrent et ils en ont tout plein partout et même que ça déborde. Pas comme moi, Charles Sannat, du Contrarien Matin avec mon budget d'amateur... Et donc ces gens super-méga-sérieux, pendant qu'ils vous disent que tout va bien et qu'il y aura forcément un accord à la dernière minute... ils revendent leurs titres potentiellement moisis... Faut dire que pour trouver des crétins pour les leur racheter, il vaut mieux qu'ils disent que tout va bien... Comme ça, chaque jour Monsieur et Madametoutlemonde continuent de verser ses sous et ses économies sur son contrat d'assurance vie fonds euro, c'est-à-dire GA-RAN-TI comme le leur a expliqué le banquier d'en bas qui, la semaine d'avant, vendait des raquettes de tennis chez Décathlon... Madametoulemonde découvrira avec stupeur et tremblement lundi prochain (oui, pas avant, parce qu'il va falloir que cela monte jusqu'au cerveau mais après elle se mettra à courir dans tous les sens en criant et vociférant, demandant à l'État de venir à son secours ne comprenant toujours pas que l'État est ruiné depuis environ 10 ans de façon irréversible et définitive).
Vous l'aurez donc compris, les gens sérieux expliquent aux petites gens, dont la seule utilité économique est d'assurer une contrepartie au bon moment, que tout va bien et leur refilent en douce les obligations à court terme.
L'autre point remarquable de cette manœuvre, et pour tout dire je ne comprends pas très bien, c'est qu'il s'agit justement de titres de dette court terme. Dans la vie normale, prêter sur 50 ans est plus risqué que de prêter sur 2 mois. Chacun verra la logique dans ce principe. Les imprévus sur 50 ans sont forcément plus nombreux, alors que globalement le monde ne devrait pas changer radicalement dans les deux mois, sauf chute d'astéroïde sur Wall Street mais ce serait presque une bonne nouvelle que de voir tous ces suffisants traders aplatis comme de vulgaires pancakes... Voilà pourquoi je ne comprends pas très bien. Traditionnellement, le court terme est moins risqué que le long terme. Logique.
Or pourtant, là, ils revendent le court terme, ce qui voudrait dire (mais je ne comprends pas bien) que ces gens très sérieux (pas comme moi) anticipent qu'à très court terme les titres qui vont arriver à échéance pourraient ne pas être remboursés le temps de régler une crise majeure... Alors que paradoxalement, il y aurait plus de temps pour trouver un accord pour les titres à échéances plus longues... Eh oui ! Ce qui risque de faire un gros trou dans les bilans comptables de fin d'année, ce n'est pas forcément les titres pour lesquels il reste encore 10 ans à courir (quoique), mais ceux à échéance octobre et novembre qui, s'ils ne sont pas remboursés, devront être provisionnés à 100 % ou presque et ce n'est pas bon mais alors pas bon du tout pour les fonds propres des banques. D'ailleurs, la JPMorgan, venant d'annoncer plus de 7 milliards de dollars de pertes grâce à la bienveillance du gouvernement qui lui a mis quelques amendes records (et bien méritées), a toutes les raisons du monde pour ne pas jouer le jeu et balancer sur le marché ses obligations du trésor à court terme. Mais c'est quand même énorme que la JPMorgan revende ces titres sans que cela ne fasse la une de toutes nos gazettes financières.
Quant au communiqué de Fidelty, il vaut son pesant d'or (je ne saurais que trop vous conseiller une petite louchée d'or supplémentaire à tout hasard) :
« Fidelity a pris de petites mesures de précaution sur les positions de nos fonds monétaires à court terme, pour éviter toute probabilité même éloignée de petits retards de paiements »... Que c'est mignon et bien tourné. Ce sont « de petites mesures pour éviter toute probabilité »... Et vous ? Avez-vous pris des toutes petites mesures ? Non bien que non.
Évidemment, ce n'est pas très bon signe pour l'idée de l'accord de dernière minute qui semble avoir du plomb dans l'aile. Mais... cela n'arrivera JA-MAIS !
Pour Goldman Sachs : « Et si 2013 était différent et que l'attente d'un accord de dernière minute était incorrecte ? »
Comme chacun le sait, chez Goldman, il n'y a que des amateurs. C'est juste une petite banque de seconde zone. Alors cette note d'Alec Phillips, qui n'est juste qu'un vice-président de Goldman Sachs affecté à un service sans importance nommé « recherche économique » le tout dans une petite banque de province n'est-ce pas, nous explique juste par écrit que cette fois-ci, il se pourrait bien qu'il n'y ait absolument pas d'accord de dernière minute... Que nous dit-il (c'est un article en anglais donc je vous fais une petite traduction et un petit résumé à ma sauce mais vous avez le lien en bas) ?
« La principale raison de la hausse massive du marché la semaine dernière n'est rien d'autre que l'espoir que, quoi qu'il se passe au Congrès, il y aura toujours un accord de dernière minute. Après tout, c'est ce qui s'est passé en 2011 avec toujours cette histoire de plafond de la dette, et en 2012 avec le fameux problème de la falaise fiscale. »
Cependant, comme le souligne Goldman Sachs, 2013 pourrait- tre différent car, et je cite toujours son éminence le vice-président de Goldman Sachs, « le congrès a permis à la séquestration de prendre effet le 1er mars, en dépit de l'espoir parmi de nombreux observateurs plutôt dans l'année que ces réductions de dépenses ne seraient pas appliquées au dernier moment en raison d'effets pratiques et économiques négatifs qui pourraient en résulter. Ensuite, il y a deux semaines, le Congrès a conduit le gouvernement au shutdown actuel. Pour la deuxième fois cette année, l'attente d'un accord de dernière minute s'est avéré incorrect... » C'est plutôt clair et limpide non ? Et comme chez moi ma grand-mère m'a toujours dit « jamais deux... sans trois », vous savez à quoi vous en tenir pour jeudi prochain. D'ailleurs, pour ceux qui bossent, vous pourriez déjà prévoir de poser un jour de RTT, il vous faudra sans doute acheter quelques boîtes de conserves et un peu d'or en plus, ce qui pourrait vous occuper toute la journée. Sinon vous pouvez toujours aller au boulot, comme ça dans 15 jours vous n'aurez plus rien à manger et plus de travail non plus. Vous aurez tout perdu... Excusez-moi, je m'emporte. Cela n'arrivera JA-MAIS.
Conclusion : Goldman Sachs pense que depuis plusieurs années le Congrès a réduit considérablement les dépenses sans que cela ne provoque de catastrophe économique. Ils ont donc la tentation d'aller encore plus loin à chaque fois. La pensée dominante qui prévaut aujourd'hui consiste à dire qu'ils peuvent ne pas augmenter le plafond de la dette et sans que cela ne conduise justement à un défaut de la dette. Il suffira de ne pas payer ce que l'on ne peut pas payer (ce qui ma foi est le bon sens financier qui prévaut dans chaque famille. Si je n'ai pas d'argent, ma femme et moi nous ne faisons pas et nous n'achetons que ce qui est indispensable à notre famille et en particulier pour les enfants. Pour le reste, on s'en passe).
C'est l'idée de hiérarchisation ou de priorisation des paiements. En gros, et pour vous faire un résumé, on va payer les intérêts aux banquiers et puis on va supprimer toutes les aides sociales. Comme ça, les USA sont solvables. Cela marche aussi pour la France. Supprimez les aides sociales et je peux vous assurer que l'État n'est plus en faillite et qu'en l'espace de 5 ans, nous aurons payé toutes nos dettes...
Mais rassurez-vous, cela n'arrivera JA-MAIS.
Tout cela me fait penser à ce tout petit article du Figaro qui n'a pas la « une », ni la « deux », ni la « trois » concernant :
Les folles théories des partisans du défaut
Eh oui, ceux qui pensent que l'on peut avoir intérêt au défaut sont considérés d'emblée comme des fous.
Que nous raconte le Figaro ?
« Certains républicains ultras estiment qu'en cas de non relèvement du plafond de la dette, l'Amérique ne sera pas en défaut de paiement, car elle pourra payer les intérêts, grâce à ses recettes fiscales. Absurde et dangereux, disent les experts. »
« Pour certains républicains parmi les plus conservateurs, la Maison Blanche et le Trésor mentent lorsqu'ils affirment que l'Amérique se trouvera en défaut de paiement si le plafond de la dette n'est pas relevé d'ici le 17 octobre. Justin Amash, représentant républicain du Michigan, fait partie de ces «négationistes». Leur argument est plein de bon sens, en apparence. «Il y a toujours des recettes qui arrivent dans les caisses du Trésor, et certainement suffisamment pour payer les intérêts de la dette... Les démocrates ont une définition du défaut différent de la nôtre».
D'autres obstacles rendent la «prioritarisation» impossible. Le premier est légal : le Trésor n'a pas l'autorité de décider qui sera payé plutôt qu'un autre. Le second est informatique : ses systèmes payent en moyenne deux millions de factures par jour. Ils ne sont pas programmés pour faire le tri dans des échéances qui certains jours atteignent 60 milliards de dollars. »
Évidemment, cet article est « orienté » dans le sens déjà où ces partisans ont de folles théories et qu'ils sont des négationnistes... alors là... Je vais avoir du mal à soutenir des idées portées par des fous négationnistes. Franchement, ça ne se fait pas.
Sauf que bon... Tout cela n'est que de l'enfumage intellectuel pour nous empêcher de voir et de penser. Car ces républicains, dans le fond, ont raison. Les caisses du Trésor ne sont pas vides du tout, et les ordinateurs, même si c'est compliqué ne font jamais rien que ce qu'on leur demande (y compris les erreurs). Prioriser les paiements est donc parfaitement possible. Les lois, cela se change et les programmes... ça se reprogramme. C'est de l'intendance. Pas de la politique.
Or comme je vous le dis depuis plusieurs jours en essayant d'attirer votre attention sur la situation américaine, nous sommes dans une période de choix cruciaux. Il s'agit de choix politiques et géopolitiques. Vouloir comprendre la situation à laquelle le monde est confronté avec une vision uniquement de l'économie, de la loi, ou encore de la programmation informatique est une grande erreur de jugement.
Si lorsque vous lirez ces lignes demain il n'y a toujours pas d'accord, vous pouvez considérer la probabilité de défaut américain jeudi prochain est désormais de 30 %. Mais rassurez-vous, cela n'arrivera JA-MAIS.
La Chine vient d'enterrer le leadership économique américain !
Ha oui, j'oubliais, nos amis chinois viennent de nous expliquer par un communiqué de l'Agence Chine Nouvelle que et je cite la quasi totalité de cette déclaration cinglante et sans ambiguïté:
« Le monde doit tenter de se désaméricaniser. Alors que les hommes politiques américains échouent à trouver un accord viable pour refaire fonctionner normalement les institutions politiques dont ils sont si fiers, c'est peut-être le bon moment pour une planète abasourdie de commencer à envisager la construction d'un monde désaméricanisé.
Les jours inquiétants où les destinées d'autres pays se trouvent dans les mains d'une nation hypocrite doivent prendre fin et un nouvel ordre mondial doit être mis en place, où toutes les nations verront leurs intérêts respectés et protégés sur un pied d'égalité.
Le blocage qui paralyse de façon cyclique à Washington tout accord bipartisan sur le budget fédéral et le relèvement du plafond de la dette menace de nouveau les importantes réserves en dollars de nombreux pays et angoisse fortement la communauté internationale
Au lieu d'honorer avec responsabilité ses devoirs de leader mondial, Washington avec en tête ses propres intérêts a abusé de son statut de superpuissance et accru le chaos dans le monde en transférant à l'étranger les risques de son système financier, mais également en attisant les tensions dans des différends territoriaux et en menant des guerres injustifiées sous le couvert de mensonges ».
Alors voici qui ressemble étrangement à un faire-part de décès des relations sino-américaines. Vous assistez mes chers amis contrariens à la fin d'un monde. Nos amis chinois viennent de se faire enfler de 1300 milliards de dollars. Mais c'était une évidence. Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Restez à l'écoute.
À demain... si vous le voulez-bien !!