Des sous pour l’armée : pourquoi et comment

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Par Jacques Bichot Publié le 20 septembre 2016 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
31,7 milliards ?Le budget de la défense pour 2016 est de 31,7 milliards d'euros.

En euros constants 2014, le budget de la défense nationale a beaucoup fluctué : 36,8 Md€ en 1982, chute à 30,3 Md€ en 1984, remontée à 39 Md€ en 1990, chute à 30 ,2 Md€ en 2002, remontée à 35 Md€ en 2009, et pour finir 31,4 Md€ en 2014 et 31,7 Md€ en 2016.

Cet argent est affecté pour une grosse moitié aux équipements (17 Md€ en 2016) et pour un bon tiers à la masse salariale (11,1 Md€ en 2016). 11 % vont aux activités opérationnelles et autres frais de fonctionnement. Le coût des opérations extérieures (OPEX) est régulièrement sous-estimé dans la loi de finances, signe des illusions dont se bercent nos dirigeants, qui ensuite comblent les trous en faisant vendre bâtiments et terrains militaires, hypothéquant ainsi la remontée en puissance de nos forces armées.

L’avis quasiment unanime des militaires et des observateurs avertis est que le niveau actuel d’engagement de nos armées est difficilement soutenable, qu’il s’agisse des matériels, souvent anciens et demandant beaucoup d’entretien, ou des hommes. Le témoignage d’officiers engagés au Mali, selon lequel, faute d’hélicoptères ou de véhicules de combat en état de marche, ils « laissent filer » des groupes islamistes dûment repérés, montre que nous avons atteint nos limites. La faible implication de « la Royale » en Méditerranée pour limiter le trafic de migrants en neutralisant les passeurs est un autre signe qui ne trompe pas. Nos navires ont efficacement contribué à la lutte contre les pirates, un peu plus à l’Est, mais ils ne sont pas assez nombreux pour tout faire.

Le terrorisme est évidemment une raison pour ne pas laisser nos forces armées dans cet état de carence en hommes et en matériel, mais il en est d’autres. La planète est une poudrière ; Daech et les autres branches de l’islamisme radical ne sont pas les seules menaces, loin s’en faut. Les signes d’impérialisme Chinois se multiplient en mer de Chine. La dérive totalitaire qui se produit en Turquie est pour le moins inquiétante. La situation dans une grande partie de l’Afrique est grave et la France a des responsabilités particulières à l’égard des pays qui ont adopté sa langue et dont les populations, par-delà d’inévitables tiraillements, sont composées d’amis auxquels nous devons assistance en cas de danger. Pour schématiser, nous avons une dette de reconnaissance envers les descendants des « tirailleurs sénégalais » morts pour la France lors des conflits mondiaux. Et n’oublions pas que l’ère du parapluie américain touche à sa fin : la France, et l’Europe si elle arrive à devenir autre chose qu’un magma informe, doivent pouvoir se protéger et intervenir dans le vaste monde sans l’appui de l’Oncle Sam.

Bref, il est nécessaire de trouver pour nos armées, non pas un ou deux milliards annuels, mais une dizaine … dans un premier temps, puis plusieurs dizaines en « vitesse de croisière ». Pour atteindre un tel objectif, une réforme de l’action publique est nécessaire. L’État est devenu obèse en englobant la sécurité sociale, dont il comble les déficits en s’endettant, et garantit la dette : il faut donner à la sécu son autonomie, avec obligation d’atteindre l’équilibre budgétaire, et asseoir son financement sur de véritables cotisations d’assurance – une assurance obligatoire et solidaire, c’est-à-dire moins chère pour les pauvres que pour les riches, mais pas pour autant un prélèvement obligatoire sans contrepartie.

Recentré sur ses fonctions régaliennes, l’État pourra beaucoup plus facilement faire ce qui est son premier devoir : protéger les Français et contribuer à la protection de nos amis, que la menace vienne de forces armées, de terroristes, ou de délinquants.

Il pourra également élaguer la forêt vierge qu’est devenu notre système normatif (lois, décrets, arrêtés, circulaires), dont la complication absurde freine considérablement notre activité économique. Car ne l’oublions pas : seule une croissance vigoureuse de notre économie donnera à nos pouvoirs publics les moyens de porter la Défense nationale, mais aussi la Justice et la police, au niveau requis par la montée des périls qui succède à quelques décennies de relative tranquillité.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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