Mesdames, Messieurs les Député(e)s,
Vous discutez en ce moment et discuterez encore tout au long de l’hiver d’un projet de loi pour l’économie circulaire. Ce texte doit permettre d’opérer la transition écologique qui s’impose à la société française – comme à la société européenne tout entière. Aucun des chefs d’entreprise que compte le secteur de la distribution automatique alimentaire ne contestera l’impérieuse nécessité d’un changement de modèle que, du reste, les consommateurs eux-mêmes appellent de leurs vœux. A la tête d’une entreprise, nous n’en sommes pas moins citoyens nous-mêmes et des citoyens responsables ! Notre engagement en faveur d’un modèle plus durable et plus respectueux de l’environnement ne date donc pas d’hier. Cependant, à l’instar de plusieurs autres activités, la distribution automatique connaît ses spécificités et, partant, ses contraintes. C’est pourquoi nous soutenons qu’il n’existe pas une mais des transitions écologiques, chaque secteur économique devant penser et mettre en œuvre la sienne. Or l’urgence du sujet et l’émotion qui l’entoure – si légitime soit-elle – conduisent parfois à faire fi de la réalité au nom des idées. Mais cette réalité que l’on voudrait parfois oublier ne manquera pas de se rappeler à nous tôt ou tard.
Au moment où je vous écris, Mesdames, Messieurs les Député(e)s, une profession est en danger, menacée par les desseins en apparence louables des nombreuses bonnes volontés qui veulent promouvoir aujourd’hui le modèle de demain en bannissant aussitôt le plastique de nos vies et, parfois même, le « jetable ». « L’Enfer est pavé de bonnes intentions » alertait en son temps Bernard de Clairvaux, et plus que jamais en cette année 2019 cet avertissement résonne à nos oreilles, tant l’on voit bientôt prêtes à se concrétiser des mesures dont on ne mesure pas vraiment les conséquences. Il faut être clair : nous ne menons pas le combat pour le plastique ! Le gobelet à usage unique, dans notre profession, est un outil de travail : il n’a de commun avec le gobelet que l’on trouve dans le commerce que le nom et toute la ressemblance s’arrête là. Il s’agit d’un gobelet technique, servi par un automate, pour un usage spécifique à destination d’une consommation d’impulsion, voire d’une consommation nomade, et il se trouve que jusqu’à présent il est généralement en plastique ! Pour autant, il ne termine pas sa vie dans l’océan et rarement dans les rues au milieu des passants car notre activité se concentre essentiellement au sein des entreprises. Pour les lieux publics, où nous sommes également présents, le gobelet satisfait à une consommation de passage : le « jetable » est donc dans ce cas précis consubstantiel de l’acte d’achat. Pour autant, nous accrochons-nous au plastique ?
Nullement ! Mais au gobelet, certainement : il est au cœur de notre métier et, surtout, du service que nous offrons au consommateur, sur son lieu de travail, dans les gares, à l’hôpital, dans les universités, les aéroports, les stations-service, etc. ... En ce sens, nous travaillons de concert avec les fabricants de gobelets et les fabricants de machines afin de trouver ensemble la solution pour l’avenir. Mais nous avons évidemment besoin de temps : comme pour tout changement de modèle, a fortiori lorsque celui-ci doit tenir compte de contraintes techniques et industrielles, rien ne peut se faire sans un délai adapté et sans qu’un cadre légal clair et stable ne soit défini !
Aussi, Mesdames et Messieurs les Député(e)s, la Profession vous appelle à la raison : une interdiction du gobelet en plastique utilisé en distribution automatique en 2020 reviendrait à tuer notre métier ! Encore deux à trois ans seront nécessaires pour que nous puissions en toute sérénité nous adapter. Toutefois, pour que la transition s’opère définitivement, il est indispensable que les pouvoirs publics fixent une ligne directrice claire, pour le long terme : nous ne pouvons décemment pas nous accommoder d’incertitudes pour les trois à cinq ans à venir !
De grâce, donc, Mesdames, Messieurs les Député(e)s, exprimez-nous une vision industrielle de long terme, sans quoi notre activité court à sa perte : il s’agit en un mot de déterminer précisément la « chimie » du gobelet du futur afin que nos entreprises puissent s’approprier leur nouvel outil de travail ! Pour l’heure, l’incertitude demeure autour de la matière qui verra l’assentiment définitif des pouvoirs publics et cette insécurité juridique engendre une insécurité économique inacceptable pour les entreprises, contraintes de freiner leurs efforts pour réaliser la transition par peur de se fourvoyer. Pis encore : c’est le « jetable », sans distinction, qui semble être dans le collimateur ! Le 28 novembre 2019, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale a adopté des amendements qui laissent entrevoir que les interdictions à venir pourraient concerner non seulement le gobelet composé entièrement de plastique mais encore le gobelet en carton pelliculé (qui intègre une pellicule en plastique pour assurer son étanchéité) et les gobelets en plastique dits « bio-sourcés » ! Ce faisant, le législateur semble vouloir interdire tout avenir à notre Profession. Comment se fait-il que nous voyons appliquer à certains objets en plastique à usage unique un raisonnement pragmatique, qui soulève la nécessité d’une transition douce vers des solutions appropriées, tout en refusant à d’autres, qui connaissent pourtant une situation similaire, le bénéfice de ce même raisonnement ? Le législateur doit faire vivre les entreprises, pas les assassiner !