Le nouvel exécutif, élu en plein cœur d’une crise économique, doit aujourd’hui faire preuve d’inventivité, de courage et de rapidité pour répondre aux menaces qui pèsent sur notre pays. De nombreux défis de ce début de quinquennat sont liés à un vieux problème français : le fossé traditionnel qui sépare la sphère publique de la sphère privée.
Ce clivage s’illustre par exemple par la provenance professionnelle de nos parlementaires. Si 22 % de la population active travaille dans la fonction publique, ce sont 55 % des députés et 44 % des sénateurs qui en sont issus. Cette réalité participe à l’incompréhension mutuelle qui régit trop souvent les relations entre les parlementaires, les gouvernements et les acteurs du monde économique. Ne serait-il pas opportun de créer des quotas maximum de fonctionnaires parmi les élus ? Certes cette séparation public-privé n’est pas récente ; elle est le fruit d’une longue tradition colbertiste déclinée dans notre histoire récente par la planification et parfois la nationalisation. L’idée sous-jacente est que la sphère privée, suivant ses propres intérêts, doit être réorientée par l’Etat, garant de l’intérêt général, afin d’être au service de la communauté nationale.
Pourtant, il est facile de percevoir aujourd’hui les limites de cette conception historique. L’entreprise, lieu de production de la richesse, se transforme. Les frontières et les missions qui hier régissaient son activité sont désormais obsolètes. Les relais de croissance sont maintenant principalement à l’étranger et l’entreprise, scrutée par l’opinion publique, se doit d’être un acteur responsable de la société civile.
Elle assume désormais de nouvelles missions dont seul l’Etat était en charge auparavant. Le respect de l’environnement, la gestion du handicap ou encore l’intégration de nouveaux citoyens sont autant de domaines que l’entreprise prend désormais en compte, sous le regard sans concession de citoyens et d’Organisations Non Gouvernementales en demande de toujours plus de transparence et d’éthique.
Le secteur privé œuvre donc lui aussi directement en faveur de l’intérêt général, car aller contre est aujourd’hui contraire à son intérêt propre. Conscients de cette réalité, les acteurs politiques cherchent de plus en plus à favoriser le développement des entreprises. Cette démarche ne sera fructueuse que si les deux univers mènent un dialogue constructif autour d’objectifs communs.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer face à des challenges aussi cruciaux que la restauration de la compétitivité ou la résorption du chômage à cause d’une méconnaissance mutuelle entre ces deux univers. Il est inconcevable de régler ces problèmes majeurs si nos élus locaux ou nationaux ne saisissent pas la finesse des rouages qui permettent aux entreprises, qui emploient 78% des actifs en France, de se développer, d’exporter et in fine de créer des emplois et de la richesse.
Ce déficit de représentativité et de compréhension peut se combler si les échanges et les rencontres entre élus et entrepreneurs se multiplient. Il est donc impératif que tous les élus locaux et nationaux « s’approprient » le monde de l’entreprise en effectuant par exemple des « stages » dans des entreprises. Il est tout aussi impératif que nous, entrepreneurs, empruntions la voie du monde public en nous présentant par exemple au suffrage universel. La Res Publica est l’affaire de tous, et seul un consensus national fondé sur l’écoute et le dialogue entre l’ensemble des acteurs de la société permettra à notre pays de relever les défis qui l’attendent.