Journal de guerre: la défaite des munichois?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 17 novembre 2015 à 11h16
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3%Avec le "Pacte de Sécurité" la France n'a aucune chance de rentrer dans les 3% de déficit prévus par le Pacte de Stabilité.

Quatre-vingts ans plus tard, l’esprit munichois ressurgit chez certains, avec son joli lot de prétextes et d’excuses pour ne pas prendre les armes. Un fossé est apparu, au retour du week-end, entre eux et les bellicistes, qui ne cachent plus leur appel à des mesures expéditives. Nul ne sait où cette scission s’arrêtera. Elle constitue peut-être le nouveau grand clivage entre les Français.

Les munichois s’expriment

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que l’appel à la paix fasse entendre sa voix. Dès samedi, on lisait un peu partout cette théorie étrange selon laquelle la France serait la première responsable des attentats qui l’ont frappée. Parce que nous avons attaqué la Syrie, nous avons récolté les fruits de notre action.

Ce matin, F.D., proche de Lutte Ouvrière, m’envoie ses amitiés en me reprochant mes articles « qui y vont trop fort », notamment parce que je propose de rompre avec la bienveillance vis-à-vis des Etats du Golfe. Selon lui, la bourgeoisie occidentale n’acceptera jamais ce « lâchage » des Etats qui financent ou soutiennent Daesh. Ce n’est pas faux. Je lui soutiens que, dans six mois, mes propositions paraîtront à l’eau de rose quand l’opinion sera excédée par les attentats qui viennent. Il ne le conteste pas.

C’est la grande défaite des Munichois: ils savent déjà l’inutilité de leur cause. La majorité des Français ne veut plus de ce laxisme moralisateur, culpabilisant, qui insinue que nous sommes responsables de tout, même de nos propres souffrances.

Les munichois perdus dans la foule

A midi, je suis place de l’Etoile et j’y participe à la minute de silence. Des caméras de télévision parsèment la petite foule qui s’est rassemblée sous la surveillance des compagnies de sécurité. La tombe du Soldat Inconnu est ceinte d’un cordon de badauds sous le grand souffle guerrier qui avait parcouru la France en 1914.

Une fois la minute achevée, un jeune Allemand s’adresse à la foule en anglais pour dire tout le mal qu’il pense de la logique guerrière de la France. Il est chassé par la foule. Le discours de la paix n’a plus sa place en temps de guerre.

Les munichois et Maurras

Près de l’avenue Carnot, je croise par hasard J-L F, éminence grise du monde social. Il est favorable à une ligne guerrière. Pour lui, l’indulgence de la France vis-à-vis des excès commis par la communauté musulmane tient d’abord au discours lénifiant de réécriture historique sur l’Algérie Française. Les Benjamin Stora et autres ont fabriqué a posteriori un récit où la France ne tient pas la part belle. C’était la première préparation au pire.

Il considère que je ne suis pas assez chrétien. Nous parlons de Maurras qui pratiquait sans croire, parce que la religion était affaire de raison et non de révélation.

Les munichois et le Grand Orient

A midi, je déjeune avec des frères du Grand Orient. Ils ne mâchent pas leurs mots sur leurs désirs de revoir l’Etat laïque prendre la main. Les lignes sont radicales, à l’unisson d’un message reçu le matin d’une soeur bien connue qui appelle au combat. Le procès des dirigeants socialistes vient rapidement sur le tapis: ils sont accusés de tergiverser avec la communauté musulmane.

Je sens en eux une profonde détermination, sans état d’âme, à revenir aux fondamentaux de la lutte contre l’obscurantisme. En l’espèce de l’obscurantisme musulman.

Mine de rien, les soutiens à la logique munichoise s’amenuisent. Dans le pays, une majorité belliciste se dessine.

Les munichois face au sursaut national

Le sursaut national a bien eu lieu, et c’est peut-être le principal étonnement que nous ayons aujourd’hui, en particulier au sein de la jeunesse. Nos enfants aiment la France. Ils chantent la Marseillaise pour dire qu’ils sont forts, et qu’ils ne molliront pas.

A mesure que les heures passent, c’est bien ce sentiment d’unité dans la volonté de combattre qui domine. On ne retrouve point le sentiment de janvier 2015, un tantinet bêlant, d’un amour universel qui domine tout. L’idée de la guerre a pénétré les esprits et beaucoup commencent à trouver de bonnes raisons de la gagner.

Les munichois et l’ordre

Une autre bonne surprise arrive: la police a réinvesti les quartiers qu’elle avait abandonné de longue date. Dimanche, une première descente aurait lieu rue de Belleville pour contrôler des gamins qui stagnaient dans les rues. Ce lundi, ils ne sont pas tous partis, mais leur nombre a diminué. L’Etat semble décider à faire respecter l’ordre.

Des dizaines de perquisitions et d’arrestations auraient eu lieu en France.

Les munichois et la fiche S

Face à cette montée de l’ordre, les munichois ont un sujet d’inquiétude: il faut protéger les suspects de terrorisme renseignés par la « fiche S » et surtout ne pas violer leurs libertés. La polémique enfle. Nicolas Sarkozy et Laurent Wauquiez proposent des mesures d’assignation à résidence ou d’internement. Le débat n’est pas mûr. Il durera et rebondira.

Nous avons tous le pressentiment que, tôt ou tard, des mesures radicales seront prises, et seront justes.

Hollande et les munichois

Au Congrès de Versailles, François Hollande n’a pas pris de position sur le sujet. Il a annoncé des renforcements des mesures de police, un changement de la constitution, une prorogation de l’état d’urgence et une déchéance de la nationalité pour les terroristes. Il veut une grande coalition internationale contre les 20.000 soldats de l’Etat islamique.

Mais de mesures intérieures pour faciliter l’intégration des immigrés, point. Une vision durable? non plus. Une position sur les fiches « S »? encore moins.

Hollande et le pacte de sécurité

Hollande est-il le bon cheval pour mener cette politique? Personne n’en est convaincu, mais il est trop tôt pour répondre à la question. En attendant, on fait « comme si » et on enregistre que l’effort de diminution des dépenses publiques est désormais bien compromis par la nécessité de recruter cinq mille policiers supplémentaires.

La guerre emporte avec elle un torrent d’engagements européens que nous ne croyons plus et auxquels nous ne demandions qu’à nous soustraire. Voici bien une raison supplémentaire pour la mener.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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