Ce n’est plus de l’exil, mais de l’exode fiscal…

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Par Charles Sannat Publié le 17 décembre 2012 à 11h39

Ce qui est drôle avec certaines de nos grandes gueules… c’est qu’elles sont et resteront toujours des grandes gueules. L’une des plus célèbres est sans doute notre acteur Gérard Depardieu. Il m’avait fait bien rire lorsqu’il avait décidé d’uriner devant les toilettes de l’avion que l’hôtesse ne souhaitait pas lui ouvrir pour une raison de procédure aérienne – dont les vessies de certains s’accommodent plutôt mal, surtout lorsqu’elles sont pleines…

Et puis Gérard, c’est un mec normal, ou presque (il a un peu plus de sous que les gens normaux, ce qui est bien le problème d’ailleurs) ; pour le reste, comme il le dit dans sa lettre ouverte dans le JDD (Journal du Dimanche), il est l’un des nôtres, avec son diabète, son cholestérol, ou encore son hypertension.

Depardieu, donc, ne souhaite pas se faire traiter « de minable » publiquement et ne rien dire. Dans sa lettre, il affirme avoir payé l’année dernière 85 % d’impôts sur ses revenus, ce qui, si c’est bien vrai, tout le monde en conviendra devient quelque peu confiscatoire… Il affirme également avoir payé plus de 140 millions d’euros en impôts depuis 45 ans. Certains diront qu’il a dû se tromper dans les montants. Ce n’est pas évident. Il faudrait connaître le périmètre de son calcul, car il parle bien d’impôts et pas d’impôts sur le revenu uniquement.

Nous payons des charges sur les salaires, nous payons des impôts sur le revenu, de la TVA à hauteur de 20 % sur chaque achat, des taxes sur des taxes, des cotisations sociales, bref, la liste est quasiment sans fin. Si chaque citoyen s’amusait à calculer réellement le montant de ses impôts sur 40 ans, en incluant tout, beaucoup seraient sidérés du montant.

Encore une fois, je fais partie de ceux qui pensent que l’impôt est nécessaire. Qu’un État doit avoir à sa disposition un certain nombre de moyens afin de pouvoir assurer des tâches essentielles au bon fonctionnement de la société dans son ensemble. Je fais partie de ceux qui pensent que lutter contre la pauvreté, c’est aussi assurer la sécurité de tous. À quoi cela sert-il d’être riche en étant entouré de très pauvres cherchant à vous voler…

Je fais partie de ceux qui trouvent admirable l’universalisme de notre sécurité sociale par exemple. Pourtant, lorsque l’on réfléchit bien à tout cela, et quand bien même on soit pour toute cette générosité, à un moment donné on ne peut pas faire abstraction de la richesse disponible.

Vous l’aurez compris, c’est la seule raison finalement justifiant que l’État-providence doit maigrir d’urgence. Tout le reste n’est que littérature. Vous ne pouvez pas prélever plus que la richesse créée. Le léger problème que n’importe quel gouvernement rencontrera, quelle que soit sa couleur politique, est celui mis en exergue par la « Courbe de Laffer » qui illustre cet article.

Il s’agit, en image, de démontrer le rendement décroissant de l’impôt. Plus les taux sont élevés et se rapprochent de 100 %, moins l’impôt rapporte, puisqu’il décourage tout effort, et pas seulement pour les Depardieu !! Or, nos taux de taxation ont désormais atteint un taux que les citoyens qui y sont assujettis trouvent clairement confiscatoire. Et ces taux sont confiscatoires. Rien ne justifie que l’on vous prenne 75 % de vos revenus. Rien.

On peut hurler, crier, taper du pied, critiquer, insulter, après avoir cassé l’idée de patriotisme pendant cinquante ans, mis l’argent-roi tout en haut de la pyramide des valeurs, ce qui se passe aujourd’hui est parfaitement logique, rationnel et compréhensible. Il ne peut pas en être autrement. Dans un monde ouvert, de libre concurrence, on peut faire le choix de partir vivre ailleurs.

Vous n’aurez pas de statistiques. Le gouvernement cherchera à dédramatiser la situation par tous les moyens. Mais les indicateurs de la France d’en bas ne mentent pas. De plus en plus de Français s’installent en Belgique. Les cabinets de fiscalistes recrutent à tour de bras, et les dossiers de clients candidats à l’exil fiscal sont de plus en plus nombreux.

Le terme même d’exil fiscal est un mensonge. Au rythme atteint aujourd’hui, ce n’est pas « un exil », qui est par essence un concept unitaire, c’est un « exode », qui lui est par nature un phénomène de masse… Voilà l’importance des mots. Les Français partent, car ils se sentent finalement de moins en moins attachés à leur pays. Les Français partent parce que, encore une fois, certains ne veulent plus payer pour d’autres. Les Français partent parce qu’ils considèrent qu’il y a peu de différence entre vivre en Belgique et en France, (surtout lorsque l’on habite la moitié nord de la France). Les Français partent parce que la construction européenne, dont on nous rebat tant les oreilles, a fait son ouvrage sur les âmes et les esprits.

Alors, désormais, les Français qui ne veulent pas ou en général plus payer peuvent partir… et ne s’en privent pas, à la plus grande surprise de notre gouvernement qui ne semble ni comprendre ce qui se passe, ni même prendre la mesure d’un phénomène qui va bientôt aller au-delà de l’exode fiscal pour tendre vers la fronde fiscale.

Alors on peut ne pas aimer le bonhomme, ou l’aimer, peu importe. Je ne l’accablerai pas et ne le défendrai pas non plus. Je dis simplement que sa situation est emblématique d’un phénomène qui se développe sous vos yeux mais que personne ne veut prendre en considération pour ce qu’il est : un rejet de l’État-providence de la part de ceux qui le financent.

Les raisons sont nombreuses et je les ai déjà évoquées. Mais il ne faut pas se leurrer sur la gravité du changement en cours. Les « riches » ne veulent plus payer pour les « pauvres ». Et compte tenu de l’état de nos finances publiques, cela va vite devenir problématique.

Alors le gouvernement l’a déjà évoqué. Il va falloir contraindre et forcer. Déjà l’État envisage de renégocier les conventions fiscales avec nos pays voisins. L’État mettra sans doute en place une « exit taxe » très très cher pour dissuader de l’exode, puis certains députés veulent vous retirer votre passeport et votre nationalité pour « trahison fiscale » sans doute.

Bien sûr l’exemple vient d’en haut. Tenez, prenez le premier secrétaire du PS, vous savez le parti de la majorité présidentielle. C’est un homme sans aucun doute de très grand talent et qui fut condamné pour emploi fictif à quelques années de prison… Les députés qui souhaitent retirer la nationalité française bénéficient de régimes très très spéciaux qu’ils ne comptent absolument pas remettre en cause. Et là, j’entends déjà les cris des bien-pensants !! « Vous êtes un populiste !! ». Non et non. Soyons clairs. Réduire les salaires, ou rendre tout simplement les indemnités parlementaires « imposables » pour 500 députés, ne changera strictement rien au montant de notre dette.

Il s’agit plutôt d’une vieille idée et d’une vieille notion, disparues des dictionnaires depuis bien longtemps, celles de patriotisme et d’exemplarité. Alors Messieurs les politiciens, avant de venir nous faire les poches et la moral sur notre patriotisme, vous seriez bien inspirés de démontrer préalablement le vôtre. Parce que pour le moment, ce sont ceux qui votent les lois qui payent le moins et vivent des impôts acquittés par les autres.

Quant à la nationalité de Gérard Depardieu, il vous le dit lui-même, il vous rend son passeport, car il se sent citoyen européen… Comme quoi, vous avez réussi la construction de l’Europe sur le dos des États-nations !! Ne vous plaignez pas, vous êtes responsables de tout cela. Les actes ont toujours des conséquences.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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